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Près de 7% des Français sont multi-exposés professionnellement à des nuisances ayant un effet sur le système cardiovasculaire

Publié le mercredi 14 février 2024

APM news

SAINT-MAURICE (Val-de-Marne), 14 février 2024 (APMnews) - En 2016-2017, environ 1,7 million de Français étaient exposés à des nuisances ayant un effet sur le système cardiovasculaire, selon des estimations tirées de l'étude Sumer publiée mercredi par Santé publique France (SPF), soulignant l'importance de la prévention, en particulier chez les ouvriers de moins de 45 ans dans les domaines de l'industrie et de la construction, les femmes en âge de procréer et les seniors qui sont des populations particulièrement à risque.

En France, les maladies cardiovasculaires sont depuis quelques années la deuxième cause de mortalité avec les accidents vasculaires cérébraux (AVC), passant derrière les cancers grâce à une diminution du nombre de décès du fait de l'amélioration de la prévention et de la prise en charge. Néanmoins, elles restent la première cause de mortalité chez les femmes.

"L'exposition à une seule nuisance peut ne pas être problématique pour la santé du salarié, en revanche, elle peut le devenir si cette dernière est cumulée avec d'autres expositions entraînant un même effet sanitaire", souligne SPF, qui s'est intéressée dans son étude à la multi-exposition de la population française salariée à un ensemble de nuisances ayant un impact sur le système cardiovasculaire, qu'elles soient chimiques, physiques ou encore psychosociales.

"Une meilleure connaissance des multi-expositions permet une meilleure évaluation des risques professionnels qui constitue une étape clé de la démarche de prévention, afin de préserver la santé et la sécurité au travail", estime l'agence sanitaire.

Une exposition moyenne à deux nuisances ayant un effet cardiovasculaire

L'étude de SPF s'appuie sur les données 2016-2017 de l'enquête Sumer (pour surveillance médicale des expositions aux risques professionnels), coordonnée par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et l'inspection médicale du travail. Celle-ci a été réalisée entre avril 2016 et septembre 2017 auprès de 26.494 salariés par les médecins du travail et leurs équipes. Les salariés étaient invités à répondre à un autoquestionnaire permettant d'évaluer leurs expositions professionnelles: contraintes organisationnelles et psychosociales (situations avec forte demande psychologique, faible latitude décisionnelle, longues heures de travail…), nuisances physiques (bruit) et expositions à des agents chimiques et biologiques (acier inoxydable, plomb, arsenic…). Ces répondants "représentent près de 25 millions de salariés en France", précise SPF.

Les résultats ont montré que les salariés étaient exposés en moyenne à deux nuisances ayant un effet sur le système cardiovasculaire au cours de la dernière semaine travaillée avant l'enquête. Ils étaient 61,5% à avoir été exposés à au moins une contrainte psychosociale et 32,9% au bruit. Ils étaient 14% à avoir été exposés à au moins une substance chimique. Globalement, les trois quarts des salariés étaient exposés à au moins une nuisance quelle qu'elle soit.

De plus, 6,8% des salariés ont indiqué avoir été exposés à au moins une nuisance chimique, au bruit et à au moins une contrainte psychosociale ayant un effet sur le système cardiovasculaire. Cela correspond à environ 1,5 million d'hommes et 150.000 femmes.

"Cette multi-exposition est aggravée pour une très grande majorité d'entre eux (84,6%) par au moins une exposition au froid ou à la chaleur, la manutention de charges lourdes et le travail exigeant de façon habituelle une position forcée d'une ou plusieurs articulations", précise SPF.

L'étude montre également que la multi-exposition touche surtout les hommes ouvriers de moins de 45 ans, apprentis ou intérimaires, et souvent des salariés des secteurs d'activité de l'industrie et la construction.

Le domaine de l'enseignement fortement exposé au bruit et aux contraintes psychosociales

"Les fonctionnaires présentaient une forte exposition au bruit et à au moins une contrainte psychosociale avec une proportion d'exposés atteignant les 30%", rapporte également SPF. "Le domaine de l'enseignement et la formation était le domaine majoritaire avec 50,7% des salariés de ce domaine qui étaient exposés à ces deux types de nuisance. Parmi eux, les professeurs des écoles étaient les plus fréquemment exposés à ces deux types de nuisances, comptant 363.576 salariés exposés, suivis par les professeurs agrégés et certifiés de l'enseignement secondaire (288.408 salariés) et les professeurs de lycée professionnel (110.979 salariés)."

Concernant les femmes en âge de procréer, 71,1% étaient exposées à au moins une nuisance quelle que soit sa nature, avec une exposition moyenne à 1,71 nuisance ayant un effet sur le système cardiovasculaire. Parmi ces femmes, 1,52% étaient multi-exposées à au moins une substance chimique, au bruit et à au moins une contrainte psychosociale, particulièrement dans les secteurs tertiaires et industriels.

"Les femmes en âge de procréer peuvent accumuler des substances dans l'organisme qui pourront plus tard être transférées au fœtus et au nouveau-né pendant l'allaitement maternel. La surveillance des expositions des femmes en âge de procréer mérite donc une attention toute particulière", considère SPF.

Quant aux "seniors" de 55 ans et plus, 69,6% étaient exposés à au moins une nuisance quelle que soit sa nature, avec en moyenne une exposition à 1,84 nuisance ayant un effet sur le système cardiovasculaire. Ils étaient 4,9% à être multi-exposés, principalement dans les secteurs de l'industrie, du tertiaire et de la construction.

"Les seniors représentent une population particulièrement à risque pour les maladies cardiovasculaires, l'âge étant le principal facteur de risque cardiovasculaire", rappelle SPF. "L'étude des seniors s'inscrit dans un contexte global de vieillissement de la population. Celui-ci soulève des questions économiques, sociales et de santé, en particulier avec l'emploi des seniors dans le cadre de l'allongement de la durée de travail en lien avec la réforme des retraites."

Des co-expositions avec des agents cancérogènes dans certains secteurs

Dans une précédente étude de 2009-2010, SPF avait montré que certains secteurs d'activité étaient à fort risque d'exposition à des agents cancérogènes (cf dépêche du 13/06/2017 à 16:37). "Les salariés des domaines du travail des métaux, du BTP et de la maintenance sont donc exposés à la fois aux nuisances cancérogènes et aux nuisances ayant un effet sur le système cardiovasculaire", note l'agence sanitaire, estimant que ces salariés devraient faire l'objet de mesures prioritaires de prévention.

"Cette étude n'avait pas pour objectif d'établir un lien entre la multi-exposition aux nuisances et la survenue de maladies cardiovasculaires. En revanche, elle a permis d'identifier des populations plus à risque pour des futures études qui pourraient notamment s'appuyer sur des cohortes de travailleurs", explique SPF.

SPF, "Multi-expositions professionnelles à des nuisances ayant un effet sur le système cardiovasculaire chez les salariés en 2016-2017 en France à partir de l'enquête Sumer"

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