Des mélanges fréquents d'additifs alimentaires associés à un risque accru d'hypertension et de maladies cardiovasculaires

Publié le vendredi 19 décembre 2025

Des mélanges d'additifs alimentaires, caractéristiques notamment des biscuits industriels, des desserts lactés et des sodas, seraient associés à un risque accru d'hypertension et également de maladies cardiovasculaires, selon des résultats issus de la cohorte française NutriNet-Santé présentés lors des Journées francophones de nutrition (JFN) organisées à Lyon.

Des études expérimentales et épidémiologiques, notamment issues de la cohorte NutriNet-Santé, ont déjà associé plusieurs additifs spécifiques (émulsifiants, édulcorants intenses, nitrites) à une augmentation de l'incidence de maladies cardiovasculaires et d'hypertension, a rappelé Marie Payen de la Garanderie de l'équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren-Cress) à Bobigny.

 Alors que les consommateurs sont exposés à de multiples additifs simultanément et que des interactions synergiques ou antagonistes sont suspectées entre additifs, les études épidémiologiques portant sur des mélanges d'additifs en conditions réelles sont rares et les évaluations actuelles de sécurité sanitaire n'examinent les additifs qu'individuellement, sans tenir compte de potentiels effets de mélanges, a-t-elle ajouté.

Marie Payen de la Garanderie et ses collègues se sont donc penchés sur les risques associés aux mélanges d'additifs alimentaires. Après une première étude publiée en avril ayant relevé une association entre les mélanges caractéristiques notamment des desserts lactés et des sodas et un risque accru de diabète de type 2, ils se sont intéressés au risque d'hypertension et de maladies cardiovasculaires.

 

Dans cette nouvelle étude, les données de santé de plus de 100.000 adultes de la cohorte française NutriNet-Santé ont été analysées (103.052 pour l'hypertension et 110.021 pour les maladies cardiovasculaires). Il s'agissait de femmes à près de 80%, qui consommaient en moyenne 5,8 grammes d'additifs alimentaires et dont 35% de l'apport énergétique étaient apportés par les aliments ultratransformés. Les apports alimentaires ont été évalués grâce à des enregistrements de 24 heures répétés tous les six mois, avec une collecte des marques commerciales des aliments industriels consommés. Les apports en additifs ont été quantifiés à l'aide de bases de données de composition et de dosages effectués en laboratoire. 

Au cours du suivi (médiane de 7,8 ans), 5.544 cas incidents d'hypertension et 2.450 de maladies cardiovasculaires, dont 1.142 cas de maladies cérébrovasculaires et 1.308 de maladies coronariennes, ont été détectés entre 2009 et 2024. Au total, 75 additifs alimentaires consommés par au moins 5% des participants ont été inclus dans les analyses de mélange et ils ont permis d'identifier cinq mélanges d'additifs fréquemment consommés, dont quatre se sont avérés significativement associés à un risque d'hypertension ou de maladies cardiovasculaires.

 Le mélange 1, composé de régulateurs d'acidité, d'agents de texture et d'un édulcorant artificiel (carbonates de sodium, diphosphates, glycérol et carbonates d'ammonium) et retrouvé dans les gâteaux, biscuits et confiseries, était associé à une incidence accrue d'hypertension (hazard ratio -HR- à 1,15) et de maladies cardiovasculaires (HR à 1,12).

Le mélange 2, regroupant principalement des agents épaississants et des stabilisants (amidons modifiés, pectine, gomme de guar et carraghénanes) et présent dans les desserts lactés et bouillons, était positivement associé à l'incidence d'hypertension (1,13), de maladies cardiovasculaires (1,18) et de maladies coronariennes (1,26).

Avec le mélange 4, composé aussi principalement d'agents épaississants et de stabilisants (carbonates d'ammonium et de sodium, diphosphates et α-tocophérol) et retrouvé également dans les gâteaux et biscuits, une augmentation de l'incidence d'hypertension (1,17), de maladies cardiovasculaires (1,13) et de maladies coronariennes (1,16) a été observée. 

Enfin, le mélange 5, caractérisé par des régulateurs d'acidité, des édulcorants artificiels, des stabilisants et un colorant caramel (acide citrique, citrate de sodium, acide phosphorique et acésulfame-K) et présent notamment dans les boissons édulcorées et sucrées, était associé à une augmentation de l'incidence d'hypertension (1,18). Il n'y avait pas d'association significative pour les maladies cérébrovasculaires. "Les analyses de médiation ont suggéré que l'hypertension artérielle pourrait jouer un rôle dans l'association entre le mélange 2 et l'augmentation de l'incidence des maladies cardiovasculaires et des maladies coronariennes", à hauteur de 9% et 7% respectivement, a noté Marie Payen de la Garanderie.

Dans le cadre d'analyses exploratoires, les chercheurs ont également trouvé des interactions par paires entre les mélanges d'additifs, "renforçant ces effets cocktails", a-t-elle ajouté. Pour elle, cette étude ajoute de nouvelles données sur l'impact potentiel des mélanges d'additifs alimentaires sur la santé cardiométabolique, et plaide pour une réévaluation des approches réglementaires actuelles, en particulier celles fondées sur l'analyse individuelle des additifs, qui ne tiennent pas compte des effets cocktails potentiels des mélanges.

 

Une consommation plus élevée chez les adolescents et jeunes adultes

Lors de la même session, Marie Payen de la Garanderie a également présenté les résultats de la "première évaluation nationale représentative de l'exposition aux additifs alimentaires" (individuels et mélanges) chez les enfants et les adultes, à partir des données de l'étude Esteban sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition, menée en 2016 en France hexagonale par Santé publique France.

Les données nutritionnelles ont été recueillies grâce à trois enregistrements alimentaires de 24 heures pour chaque participant, en collectant les marques commerciales des aliments industriels consommés. Les apports en additifs ont été quantifiés à l'aide de bases de données de composition et de dosages effectués en laboratoire.

 

Au total, 2.177 adultes (âge moyen de 47,6 ans; 52,4% de femmes) et 1.279 enfants (de 6 à 17 ans, âge moyen de 11,3 ans; 50,4% de filles) ont été inclus dans cette étude.

La consommation quotidienne moyenne d'additifs alimentaires était de 4,42 g chez les adultes et de 5,08 g chez les enfants. Les aliments ultratransformés représentaient respectivement 34,2% et 49,3% de l'apport énergétique. Au total, 43 additifs étaient consommés par au moins 10% des adultes et 55 par au moins 10% des enfants.

Les additifs les plus fréquemment consommés incluaient plusieurs substances dont les effets délétères sur la santé ont été récemment suggérés, comme les carraghénanes, le nitrite de sodium, l'acésulfame K, l'aspartame, le caramel au sulfite d'ammonium, le glutamate monosodique, le sucralose, la carboxyméthylcellulose et le dioxyde de titane, pointent les chercheurs.

 

Trois principaux mélanges ont été détectés chez les adultes, et quatre chez les enfants, avec des corrélats sociodémographiques et de mode de vie distincts. Avec l'âge, la consommation augmente chez les enfants et diminue chez les adultes et elle serait donc maximale chez les adolescents et les jeunes adultes, a observé Marie Payen de la Garanderie, en appelant à des campagnes ciblant cette population. De plus, la consommation d'additifs est notable chez les jeunes enfants, ce qui pose un risque accru étant donné leur vulnérabilité (développement en cours, barrières physiologiques moins efficaces, apport par kg de poids corporel plus élevé).

 Pour la chercheuse, ces résultats mettent en lumière une exposition généralisée, y compris à des additifs controversés, soulignant la nécessité de stratégies de santé publique visant à réduire la consommation d'aliments ultratransformés et l'utilisation d'additifs non essentiels.

 

Ces résultats ont été publiés le 8 décembre dans Scientific Reports. (Scientific Reports, publication en ligne du 8 décembre)

 

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