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Prise en charge lipidique en prévention primaire, quels patients ?
Publié le jeudi 2 mai 2024
Aborder la prise en charge « lipidique » en prévention primaire nécessite de répondre en préalable à plusieurs questions :
- Comment définir la prévention primaire ?
- Comment évaluer le niveau de risque cardiovasculaire ?
- S’agit-il d’une étape incontournable pour la prise en charge lipidique ?
- Comment identifier les patients qui vont nécessiter une prise en charge pharmacologique et dans quel but ?
- Comment considérer les patients n’ayant jamais présenté un événement cardiovasculaire mais qui ont une dyslipidémie sévère pouvant évoquer une hypercholestérolémie familiale ?
Selon l’OMS, la prévention primaire désigne l'ensemble des mesures destinées à lutter, dans une population présumée saine, contre la survenue d'une maladie ou d'un problème de santé, par la diminution des causes et des facteurs de risque. On est sensé agir avant la survenue des évènements liés à cette maladie en l’occurrence ici avant l'apparition des évènements cardiovasculaires, les MACE.
La prévention primaire en cardiologie est un enjeu essentiel de santé publique. Rappelons que malgré les progrès effectués en termes de traitement, notamment en ce qui concerne l’infarctus du myocarde ou les AVC, les maladies cardiovasculaires restent, en France, la deuxième cause de mortalité, la première chez la femme. Ces maladies sont responsables chaque année d’environ 150 000 décès. On comprend à la lumière de ces chiffres tout l’intérêt potentiel d’une prévention primaire mise au premier plan, avec des mesures sociales mais aussi une prise en charge médicale individualisée. Il faut viser ici chez tous les sujets, l’optimisation du mode de vie - alimentation, activité physique, absence de tabac- et la gestion des facteurs de risque, HTA, diabète, dyslipidémies.
On comprend quand on aborde l’individualisation de la prise en charge, la nécessité d’une évaluation personnalisée du niveau de risque. Il s’agit d’une étape indispensable bien mise en exergue par les dernières recommandations de la Société Européenne de Cardiologie en 20211. Comme préalable, étape universelle chez toutes les personnes en bonne santé, ces recommandations portent comme nous l’avons vu, sur l’amélioration du mode de vie avec les mesures en termes d’alimentation, d’activité physique, avec le sevrage tabagique si nécessaire et un niveau de pression artérielle systolique <160 mmHg. À ce stade, l’âge des sujets va constituer un élément déterminant pour la mise en œuvre des mesures préventives (Figure 1).
Figure 1 : stratégie d’évaluation du risqué chez les sujets “apparemment” en bonne santé (Selon ref 1)
À tout âge ensuite et dès 40 ans, avec la table SCORE2 voir SCORE2-OP pour le plus de 69 ans, on évalue le risque de morbi-mortalité à 10 ans. Cette table de risque est adaptée à la zone géographique, population à bas risque pour la France, elle intègre outre le l’âge, le sexe, le tabagisme, le niveau de pression artérielle systolique et en matière de lipides le non HDL Cholestérol. Il s’agit ici d’un paramètre simple à déterminer puisqu’il est obtenu en soustrayant du cholestérol total, le HDL Cholestérol. Plus que le LDL Cholestérol, le non HDL intègre toutes les lipoprotéines athérogènes, on règle ici, au moins en termes de prévention, le problème des triglycérides. On prend en compte également la Lp(a) qui pour autant devrait être dosée une fois chez tous les adultes. On voit ici d’emblée que cette estimation va conduire à identifier des personnes, toutes en prévention primaires, mais avec des niveaux de risque variables allant du risque faible au risque très élevé. Il faut noter que bien sûr la prévention secondaire est exclue de ces tables de risque.
Une fois déterminé le niveau de risque, ces recommandations vont proposer les mesures adéquates. En matière de lipides l’objectif de LDL Cholestérol sera proposé selon ce niveau de risque, avec en corolaire les mesures adaptées telles qu’elles ont été publiées également en 2020 dans les recommandations ESC sur la prise en charge des dyslipidémies2.
Tout serait finalement assez simple puisque les personnes concernées sont censées n’avoir présenté aucun événement cardiovasculaire et seraient donc, à cet égard, égales pour la détermination de leur niveau de risque. Or il n’en est rien car, le titre même de ces recommandations et leur enjeu porte sur les personnes dites « apparemment » en bonne santé, ce qui implique une zone grise de sujets n’ayant présenté aucun événement clinique mais ayant une atteinte cardiovasculaire infraclinique ou encore ayant des facteurs de risque non pris en compte par l’échelle de risque SCORE 2. On voit ici qu’une étape supplémentaire va s’imposer dans de nombreux cas, celle de la personnalisation de l’estimation du niveau de risque et de sa prise en charge.
Il faut également noter que les sujets diabétiques, ceux ayant une insuffisance rénale modérée à sévère ou ceux encore ayant une hypercholestérolémie familiale sont d’emblée classés à haut ou très haut risque avec les mesures adaptées.
Références :
1. Visseren FLJ, Mach F, Smulders YM, Carballo D, Koskinas KC, Bäck M, Benetos A, Biffi A, Boavida JM, Capodanno D, Cosyns B, Crawford C, Davos CH, Desormais I, Di Angelantonio E, Franco OH, Halvorsen S, Hobbs FDR, Hollander M, Jankowska EA, Michal M, Sacco S, Sattar N, Tokgozoglu L, Tonstad S, Tsioufis KP, van Dis I, van Gelder IC, Wanner C, Williams B; ESC National Cardiac Societies; ESC Scientific Document Group. 2021 ESC Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice. Eur Heart J. 2021 Sep 7;42(34):3227-3337.
2. Mach F, Baigent C, Catapano AL, Koskinas KC, Casula M, Badimon L, Chapman MJ, De Backer GG, Delgado V, Ference BA, Graham IM, Halliday A, Landmesser U, Mihaylova B, Pedersen TR, Riccardi G, Richter DJ, Sabatine MS, Taskinen MR, Tokgozoglu L, Wiklund O; ESC Scientific Document Group. 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk. Eur Heart J. 2020 Jan 1;41(1):111-188.
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial « Quelle prise en charge lipidique en prévention primaire ? »
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