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Acide Bempédoïque : effet statine-like sans intolérance musculaire

Publié le mercredi 11 octobre 2023

Matthieu Besutti

Dr Matthieu Besutti
Cardiologue
Hôpital Jean-Minjoz, CHU
Besançon

L’intolérance musculaire, le principal facteur limitant de la prévention CV par les statines.

Les fondements de la prévention et des traitement contemporains de l’athérosclérose reposent sur la baisse du cholestérol sérique grâce aux inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase (statines)1,2.

Dans l’ensemble, les statines ont une fenêtre thérapeutique très favorable, dont les bénéfices dépassent de loin les risques. Cependant, le bénéfice des statines peut être limité par l'arrêt du traitement en raison d'effets indésirables. Réels ou imaginés3,4, en rapport ou non avec la prise de statines, les symptômes musculaires liés aux statines (SAMS) représentent un problème quotidien en pratique clinique, et restent la cause la plus fréquente de désescalade, défaut d’adhérence ou arrêt des traitements en prévention primaire comme en prévention secondaire. 

La prise en charge initiale d’une suspicion d’intolérance musculaire (IM) s’appuie actuellement sur le triptyque suivant :

  1. établir une relation thérapeutique de confiance ;
  2. tenter d’évaluer (par une stratégie de « dé-challenge – re-challenge » avec analyse biologique des CPK) l’imputabilité de la statine dans la symptomatologie ;
  3. aboutir au traitement « maximal toléré ».

Mais au bout du compte, le compromis mène très fréquemment à un déficit d’efficacité en termes de prévention (ref. registres). 

Pourquoi n’y a-t-il pas d’IM avec l’AB ?

Les statines inhibent la 3-hydroxy-3-méthylglutaryl-coenzyme A (HMG-CoA) réductase, l'enzyme limitante de la voie du mévalonate, responsable de la synthèse du cholestérol et des isoprénoïdes. Étant donné que la majeure partie du cholestérol provient de la synthèse intracellulaire plutôt que de l’alimentation, les statines provoquent aussitôt une déplétion du cholestérol intracellulaire. En réponse, les cellules appauvries en cholestérol régulent positivement les récepteurs des lipoprotéines porteuses de l’ApoB (principalement représentées par les LDL) à la surface des cellules, afin d'internaliser davantage de cholestérol pour répondre aux besoins cellulaires. Ce processus de « recyclage » permet la baisse du LDL-c plasmatique.

Mais l'inhibition de la HMG-CoA réductase a des implications au-delà de la synthèse du cholestérol. Si la voie du mévalonate est à l’origine des effets « pléiotropes » favorables des statines, tels qu’une inflammation réduite et une fonction vasculaire améliorée, elle explique aussi les effets indésirables potentiels (risque d’hyperglycémie et surtout l’intolérance musculaire). 

L'AB est une prodrogue car nécessite une conversion par l'acyl-CoA synthétase 1 à très longue chaîne (ASCVL1) pour sa transformation en forme active, le Bempedoyle-CoA (Figure 1). Le CoA-thioester inhibe l’ATP citrate lyase qui se trouve dans la voie de biosynthèse du cholestérol, en amont de l'HMG-CoA réductase. Ainsi, par un mécanisme distinct de celui des statines, l’acide bempédoïque inhibe la voie du mévalonate aboutissant in fine à la baisse du LDL-c circulant.

Fait important, si les hépatocytes expriment ASCVL1 en abondance, ce n’est pas le cas des cellules musculaires squelettiques !

Ainsi, l'AB a les effets bénéfiques des statines sur le LDL-c et l’inflammation, sans les risque d’intolérance musculaire ou l'hyperglycémie.

Figure 1 : comparaison entre les effets des statines et les effets de l'acide bempédoïque

Figure 1 : comparaison entre les effets des statines et les effets de l'acide bempédoïque

Références

  1. Visseren FLJ, Mach F, Smulders YM, Carballo D, Koskinas KC, Bäck M, et al. 2021 ESC Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice. European Heart Journal. 30 août 2021;ehab484.
  2. Cholesterol Treatment Trialists’ (CT) Collaborators. The effects of lowering LDL cholesterol with statin therapy in people at low risk of vascular disease: meta-analysis of individual data from 27 randomised trials. The Lancet. août 2012;380(9841):581‑90.
  3. Reith C, Baigent C, Blackwell L, Emberson J, Spata E, Davies K, et al. Effect of statin therapy on muscle symptoms: an individual participant data meta-analysis of large-scale, randomised, double-blind trials. The Lancet. sept 2022;400(10355):832‑45.
  4. Howard JP, Wood FA, Finegold JA, Nowbar AN, Thompson DM, Arnold AD, et al. Side Effect Patterns in a Crossover Trial of Statin, Placebo, and No Treatment. Journal of the American College of Cardiology. sept 2021;78(12):1210‑22.

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Actualités des lipides à l'ESC 2023"

 

 

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