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Dépistage et évaluation de la neuropathie amyloïde familiale à transthyrétine
Publié le mercredi 25 octobre 2023
Dr Thierry Gendre
Service de neurologie
CHU Henri Mondor
Créteil
Préambule
La cardiopathie et la neuropathie sont les deux atteintes principales de l’amylose héréditaire à transthyrétine1,2. En revanche, les données concernant l’atteinte neurologique dans l’amylose à transthyrétine sauvage sont encore trop pauvres pour être discutées dans cet article.
I. Examen clinique
Présentation clinique
La présentation classique de la neuropathie amyloïde est une polyneuropathie longueur-dépendante associée à une atteinte du système nerveux autonome1,2.
La neuropathie débute à l’âge adulte, généralement entre 20 et 60 ans, selon la mutation. En l’absence de traitement, elle est rapidement évolutive et devient invalidante. Elle est initialement sensitive, puis sensitivo-motrice. Typiquement, elle débute par l’atteinte des petites fibres nerveuses, qui véhiculent la douleur, la température et le système nerveux autonome. Les patients rapportent volontiers des douleurs d’allure neuropathique (brûlures, électricité, piqûre…) et des symptômes dysautonomiques (malaises à l’orthostatisme, alternance diarrhée-constipation, satiété précoce, dysurie, dysfonction érectile…). Une insensibilité thermo-algique doit donc être cherchée spécifiquement à l’examen clinique (épingle à nourrice, tubes de températures différentes).
Lorsque la neuropathie évolue, elle peut toucher les grosses fibres nerveuses, et donc être à l’origine de troubles de l’équilibre et de déficits moteurs. De plus, l’insensibilité algique peut conduire au développement de maux perforants plantaires.
Le syndrome du canal carpien est également une atteinte classique. Il précède fréquemment de plusieurs années les autres symptômes neuropathiques.
Outils d’évaluation clinique
Les scores FAP ("Functional Ambulation Profile") et PND ("Peripheral Nerve Disability") évaluent l’impact fonctionnel de la neuropathie, notamment sur le déplacement1–3.
L’échelle NIS ("Neuropathy Impairment Score") permet de quantifier les anomalies sensitivo-motrices de l’examen clinique4. Néanmoins, les items qui composent cette échelle sont majoritairement moteurs, alors que la neuropathie amyloïde est initialement purement sensitive. De plus, elle ne prend pas en compte l’évolution longueur-dépendante de la neuropathie sensitive, car n’évalue que les anomalies distales. Indispensable pour les essais cliniques, elle ne doit donc pas se substituer à l’examen clinique rigoureux des patients.
Enfin, les échelles de qualité de vie (Norfolk QoL-DN) ou de dysautonomie (COMPASS-31) utilisées dans les essais thérapeutiques ne sont pas applicables en pratique clinique5,6.
II. Examens complémentaires
Electroneuromyogramme
L’électroneuromyogramme est un examen largement répandu, qui permet de quantifier les dommages de l’atteinte des grosses fibres nerveuses. Typiquement, il met initialement en évidence une diminution des potentiels sensitifs aux membres inférieurs1,2. Au cours du suivi, les réponses motrices des membres inférieurs peuvent diminuer, et les anomalies peuvent s’étendre aux membres supérieurs. Parfois, les vitesses de conduction nerveuse sont diminuées, ce qui fait orienter à tort vers une neuropathie inflammatoire et participer à l’errance diagnostique.
Les petites fibres nerveuses n’étant pas explorées par l’électroneuromyogramme, celui-ci peut donc être normal dans le cadre d’une neuropathie débutante. Seuls l’examen clinique et des outils spécifiques peuvent alors faire le diagnostic.
Évaluation de l’atteinte des petites fibres nerveuses
Plusieurs examens ont pour objectif d’évaluer la perte ou la dysfonction des petites fibres nerveuses. Ils sont néanmoins peu répandus, et ne doivent donc pas outrepasser l’évaluation clinique.
La biopsie neurocutanée a deux objectifs7,8. Le premier, en anatomo-pathologie classique, est de rechercher des dépôts amyloïdes. Le second, qui demande des marquages spécifiques, peut permettre de quantifier la perte en petites fibres intra-épidermiques. Néanmoins, cette technique est demandeuse de temps d’analyse.
Des outils électrophysiologiques plus complexes peuvent être utilisés9. Par exemple, les potentiels évoqués laser (PEL) et l’étude des seuils sensitifs quantitatifs (QST) permettent d’étudier la fonction des fibres algiques et thermiques, respectivement. L’étude des conductances électrochimiques cutanées (Sudoscan®) est un outil rapide pour détecter une atteinte sudorale distale. Cet outil est en revanche moins sensible que les PEL et les QST, et ne préjuge pas de l’origine amyloïde de la neuropathie.
Conclusion
L’évaluation anamnestique et clinique méticuleuse est indispensable dans la prise en charge de la neuropathie amyloïde familiale à transthyrétine. La reconnaissance précoce permet le recours aux traitements modificateurs de la maladie avant qu’elle ne devienne invalidante.
Un électroneuromyogramme normal n’exclut pas une neuropathie amyloïde.
Références
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- Lefaucheur J-P, Wahab A, Planté-Bordeneuve V, Sène D, Ménard-Lefaucheur I, Rouie D, et al. Diagnosis of small fiber neuropathy: A comparative study of five neurophysiological tests. Neurophysiologie Clinique/Clinical Neurophysiology 2015;45:445–55. .
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