Avant une intervention coronarienne percutanée, une alimentation libre est aussi sûre qu'une mise à jeun

Publié le vendredi 31 mai 2024

APM news

En cas d'intervention coronarienne percutanée, une stratégie reposant sur une alimentation libre n'est pas plus à risque pour les patients qu'une stratégie basée sur le fait d'être à jeun au moins six heures avant, selon l'essai de non-infériorité TONIC paru dans le JACC Cardiovascular Interventions.

"A l'hôpital Henri-Mondor, nous sommes engagés depuis un moment dans une démarche globale de simplification du parcours patient", a souligné à APMnews le Dr Madjid Boukantar, cardiologue interventionnel à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil (AP-HP) et premier auteur. L'étude TONIC entre pleinement dans ce cadre, alors que l'intérêt de la mise à jeun avant une intervention coronarienne percutanée n'est pas établi.

La mise à jeun des patients vient d'une "extrapolation des pratiques des anesthésistes" et de la volonté de limiter le risque de pneumopathie d'inhalation en cas de nécessité d'intuber le patient si la procédure se passe mal, explique le médecin."C'était sans doute justifié au début de l'angioplastie, dans les années 1970 et 1980, car les produits de contraste utilisés généraient beaucoup de nausées et de vomissements, avec un risque de dissection coronaire et de thrombose beaucoup plus élevé", s'est-il remémoré. "Avec l'amélioration des traitements pharmacologiques et des dispositifs, les risques de complications, particulièrement pour les patients programmés ou semi-urgents, sont devenus très rares, avec moins de 1% des angioplasties qui requièrent une intubation. Cela ne nécessite pas de demander à tous les patients d'être à jeun." Des études rétrospectives avaient déjà montré l'absence d'événements chez les patients qui n'avaient pas été mis à jeun, mais peu d'études randomisées ont été réalisées. "Notre étude est celle qui a inclus le plus de patients et elle a utilisé un critère de sécurité comme critère de jugement principal", a précisé le cardiologue.

L'étude TONIC a inclus 739 patients "tout-venant", pris en charge à Henri-Mondor entre mai 2020 et juillet 2021, 517 ayant bénéficié d'une coronarographie et 222 d'une angioplastie ; 697 procédures étaient programmées et 42 semi-urgentes. Les patients ont été randomisés en deux groupes: 374 devaient être à jeun au moins six heures avant la procédure alors que les 365 autres n'avaient reçu aucune consigne particulière et pouvaient manger et boire librement le jour de l'intervention. Le critère principal était un critère composite associant malaise vagal, hypoglycémie et nausées/vomissements, "reflet des complications que l'on peut voir dans notre pratique quotidienne".

Ce critère composite est survenu chez 8,2% des patients du groupe alimentation libre et chez 9,9% de ceux mis à jeun, la stratégie alimentation libre étant non-inférieure à la mise à jeun.

 

En cas de nouvelle procédure, 79% des patients opteraient pour l'absence de jeûne

Par ailleurs, le taux de néphropathie aux produits de contraste était similaire entre les deux groupes (4% dans le groupe alimentation libre et 2% dans le groupe à jeun), tout comme le taux de pneumopathie d'inhalation, de 0% dans les deux groupes.

En matière de satisfaction, aucune différence concernant la procédure n'a été observée, avec 97% de patients satisfaits ou très satisfaits dans le groupe à jeun et 98% dans le groupe alimentation libre, même si les patients du groupe sans jeûne ressentaient moins la faim et la soif que dans le groupe à jeun. En cas de nouvelle intervention coronarienne, 79% des patients opteraient pour la stratégie sans mise à jeun. "L'idée était de montrer que la stratégie alimentation libre n'était pas plus dangereuse que la mise à jeun, alors qu'elle améliore le confort des patients et la logistique du service", a commenté Madjid Boukantar. "La logistique, ce sont les secrétaires qui appellent les patients et qui n'ont pas à leur expliquer qu'il faut être à jeun, ce sont les patients qui n'ont pas à se poser de questions le jour de la procédure, ce sont les médecins qui n'ont pas à prescrire la mise à jeun…" Ce sont aussi des annulations évitées si les patients n'ont pas respecté les consignes de mise à jeun. L'étude montre par ailleurs que la durée moyenne du jeûne avant la procédure était de 15 heures dans le groupe avec mise à jeun et de trois heures dans le groupe alimentation libre. "Il y a un temps de jeun qui est en fait incompressible, ce qui est assez rassurant pour ceux qui pourraient avoir des réticences", a souligné le cardiologue.

"Jusque-là, les pratiques étaient assez diverses dans les centres, certains laissent les patients à jeun uniquement pour les angioplasties mais pas pour les coronarographies, d'autres laissent les patients à jeun pour toutes les procédures…, sans base scientifique solide", a rapporté Madjid Boukantar. "Cette étude vient amener un argumentaire scientifique. Je pense sincèrement que cela va changer les pratiques."

(JACC Cardiovascular Interventions, publication en ligne du 31 mai)

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