4 minutes de lecture

HFA 2024 : Titration des traitements dans l’IC chronique: l'étude TITRATE-HF

Publié le lundi 27 mai 2024

Silhouette

Auteur :
Daniel Beard
Journaliste médical, Arpajon

En direct du congrès de l'HFA 2024

D’après la présentation de Jasper J.Brugts, Congrès de l’HFA 2024.

Application des recommandations Européennes de 2021 sur l’IC : un registre de vraie vie Néerlandais tente d’y répondre ! 

Messages clés

  • Les recommandations 2021 de l’ESC sur l’IC insistent sur une la nécessité d’une quadrithérapie de l’IC à dose maximale tolérée pour tous les patients IC avec une FEVG < 50%
  • Le registre TITRATE-HF est un registre prospective Néerlandais ayant inclus 4 288 patients avec une IC à FEVG altérée
  • Ce registre montre un taux de prescription relativement élevé de la quadrithérapie de l’IC. Néanmoins, il montre aussi que, quand initiés, les traitements de l’IC restent à des doses bien en deçà des doses cibles recommandées

Introduction

Les recommandations Européennes de 2021 sur l’insuffisance cardiaque (IC) préconisent l’utilisation de 4 classes thérapeutiques (béta-bloquants, bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone [SRAA], antagonistes des minéralocorticoïdes [ARM] et gliflozines) chez tous les patients IC à FEVG altérée, jusqu’à dose maximale tolérée (niveau de recommandation I,A).(1)

L’étude STRONG-HF a par ailleurs montré qu’une initiation précoce et une titration rapide de la quadrithérapie dans les 6 semaines post hospitalisation pour IC était bénéfique en terme de réduction de la mortalité cardiovasculaire et ré-hospitalisation pour IC.(2,3)

Loin de ces recommandations, les données de « vrai vie » concernant l’adoption et l’application de ces recommandations sont nécessaires et c’est l’objet de l’étude TITRATE-HF.(4)

Méthodologie et résultats

Pour les patients incidents (« de novo »), l’objectif est en plus d’identifier la séquence et la rapidité d’introduction des traitements de l’IC. 

Population et design de l’étude

L’étude TITRATE-HF est un registre prospectif Néerlandais, multicentrique (48 centres) ayant inclus des patients IC à FEVG < 50% (IC à FEVG altéré, modérément altéré ou avec amélioration de la FEVG) entre juin 2022 et février 2024.

Au moment de l’inclusion, les patients (ambulatoire ou non) étaient classés en patients incidents (groupe « de novo »), prévalents (groupe « chonic ») ou avec aggravation de leur IC (groupe « worsening »).

Cette cohorte de patient sera suivie pour une période d’au moins 5 ans (seules les données à l’inclusion ont été présentés ici).

Objectif

L’objectif de cette étude était de décrire les différences pouvant exister quant à la prescription de la quadrithérapie de l’IC entre les sous-groupes de patients cités ci-dessus.

Pour les patients incidents (« de novo »), l’objectif est en plus d’identifier la séquence et la rapidité d’introduction des traitements de l’IC.

Résultats principaux

Au total, n=4 288 patients ont été inclus et répartis de la façon suivante : 

  • n=1 732 dans le groupe « de novo »
  • n=2 240 dans le groupe « chonic »
  • n=316 dans le groupe « worsening »

L’âge médian était de 71, 71 et 74 ans, respectivement pour les groupes de patients IC « de novo », « chronic » et « worsening ». On notait une large majorité d’homme puisque les femmes représentaient 31%, 28% et 25% dans les 3 groupes, respectivement. Excepté dans le groupe « worsening », la principale étiologie de l’IC était la cardiopathie non ischémique (64% et 54% dans les groupes « de novo » et « chronic », respectivement).

Dans le groupe de patients IC incidents (« de novo »), 50.9% des patients n’avait aucune des 4 classes thérapeutiques de l’IC avant diagnostic alors que 30%, 33%, 6% et 3% avaient déjà soit un bloqueur du SRAA, un beta-bloquant, un ARM ou une gliflozine pour une autre raison que l’IC (majoritairement une HTA).

Dans le groupe de patients IC prévalents (« chonic »), le pourcentage de prescription des béta-bloquants, bloqueurs du SRAA, ARM et gliflozine était de 88%, 89%, 75% et 64%, respectivement.

Dans le groupe « worsening », le taux de prescription était de 78%, 73%, 71% et 56%, respectivement.

À l’inclusion dans ce registre, uniquement 44% des patients du groupe « chonic » et « worsening » bénéficiaient d’une quadrithérapie de l’IC (Figure 1) et seulement 1% de ces patients recevaient une quadrithérapie à la dose cible (Figure 2).

Figure 1 : taux de prescription des traitements de l’IC dans les groupes IC « chronic » et « worsening »

Figure 1 : taux de prescription des traitements de l’IC dans les groupes IC « chronic » et « worsening »

Figure 2 : pourcentage de prescription à la dose cible dans les groupes IC « chronic » et « worsening »

Figure 2 : pourcentage de prescription à la dose cible dans les groupes IC « chronic » et « worsening »

Les raisons avancées par les prescripteurs pour la non-prescription de la quadrithérapie était dans une minorité de cas la documentation d’effets secondaires, d’intolérance ou de contre-indication. Néanmoins, dans la grande majorité des cas, cette non-prescription n’était pas justifiée (Figure 3).

Figure 3 : raisons pour la non-prescription de la quadrithérapie de l’IC

Figure 3 : raisons pour la non-prescription de la quadrithérapie de l’IC

Il faut aussi noter qu’il existait une grande variabilité de taux de prescription de la quadrithérapie en fonction des centres participants (allant de 20% à 79%) ainsi qu’une différence entre les patients pris en charge par des cardiologues « généralistes » versus au sein de programmes dédiés de titration des traitements de l’IC (23.9% vs 32.5%, p<0.001).

Conclusion

L’étude TITRATE-HF montre, à travers un registre Néerlandais, un taux de prescription des traitements de l’IC en hausse relative par rapport aux registres déjà publiés (registres Nord-Américain CHAMP, ou les registres Européens Swedish ou UK par exemple).

Néanmoins, il souligne aussi que, même si prescrit, les doses de traitements restent largement en deçà des recommandations ainsi que la disparité régionale qu’il peut exister au sein d’un même pays.

Ce registre de « vrai vie » souligne une nouvelle fois le gap qu’il existe entre les recommandations et la pratique quotidienne et doit inciter à d’avantage de vigilance et de pression quant à la prescription des traitements de l’IC.

Le suivi de ces patients, ainsi que les études ancillaires déjà programmés fourniront d’autres informations quant au pronostic à long terme de ces patients.

Références : 

1. McDonagh TA, Metra M, Adamo M, Gardner RS, Baumbach A, Böhm M, et al. 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J. 2021 Aug 27;ehab368.
2. McDonagh TA, Metra M, Adamo M, Gardner RS, Baumbach A, Böhm M, et al. 2023 Focused Update of the 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J. 2023 Oct 1;44(37):3627–39.
3. Mebazaa A, Davison B, Chioncel O, Cohen-Solal A, Diaz R, Filippatos G, et al. Safety, tolerability and efficacy of up-titration of guideline-directed medical therapies for acute heart failure (STRONG-HF): a multinational, open-label, randomised, trial. Lancet. 2022 Dec 3;400(10367):1938–52.
4. Malgie J, Wilde MI, Clephas PRD, Emans ME, Koudstaal S, Schaap J, et al. Contemporary guideline-directed medical therapy in de novo, chronic, and worsening heart failure patients: First data from the TITRATE-HF study. Eur J Heart Fail. 2024 May 12.

Articles les plus lus