Recommandations ESC 2019 : Embolie pulmonaire - Analyse détaillée

Mis à jour le lundi 23 septembre 2019
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Auteur :
Pr. Ariel Cohen
Chef de Service de Cardiologie
Hôpitaux Universitaires Paris-Est

En direct de l'ESC Congress 2019

Contexte

Les révisions de ces recommandations 2019, en comparaison à celles de 2014 portent sur tous les thèmes diagnostiques et de prise en charge de la maladie thromboembolique veineuse.

La place des D-dimères est soulignée avec un ajustement sur l’âge.

Evaluation du risque

L’évaluation du risque repose toujours sur la prise en compte des signes d’instabilité hémodynamique et des signes en faveur de la sévérité de l’embolie pulmonaire, élévation des biomarqueurs, troponine et dysfonction VD à l’échocardiographie ou au scanner, permettant d’affiner la caractérisation du risque d’évènement au décours d’une embolie pulmonaire.

Traitement

Le traitement souligne que les AOD (recommandations de niveau I) sont le traitement de premier choix chez les patients éligibles et les algorithmes ont été décrits pour décrire et préciser la prise en charge de l’embolie pulmonaire.

Le chapitre important du traitement au-delà des 3 premiers mois a fait l’objet d’une mise à jour complète, eu égard aux avancées de la littérature. Les facteurs de risque de récurrence de maladie thromboembolique veineuse ont été classés en fonction du niveau de risque et les indications potentielles pour une prolongation du traitement anticoagulant sont discutées y compris les facteurs transitoires considérés comme mineurs ou réversibles ainsi que la persistance de l’un de ces facteurs ou encore l’absence de tout facteur de risque. L’évolution de la  terminologie suggère de supprimer le terme de maladie thromboembolique veineuse provoquée ou non provoquée, car source d’erreurs et d’interprétation erronée.

Des chapitres spécifiques ont été consacrés à l’embolie pulmonaire dans le contexte du cancer. L’edoxaban et le rivaroxaban sont considérés comme une alternative aux HPBM, avec cependant une attention particulière concernant le risque d’augmentation de saignement en cas de cancer gastro-intestinal sous AOD.

Un algorithme spécifique a été proposé dans la suspicion d’embolie pulmonaire en cas de grossesse, avec une place qui est faite pour l’échodoppler veineux mais en cas d’absence de thrombose veineuse profonde, l’angioscanner pulmonaire est proposé en première intention lorsque la radiographie pulmonaire est anormale alors que lorsque celle-ci est normale, une scintigraphie pulmonaire perfusion/ventilation peut être proposée en première ligne.

Un tableau précise également les évolutions du niveau de recommandations pour certains thèmes envisagés dans ces recommandations en particulier une recommandation de niveau I en ce qui concerne l’indication du traitement thrombotique de sauvetage chez les patients ayant une embolie pulmonaire instable au plan hémodynamique.

Pour ce qui concerne la prise en charge au long cours, et la caractérisation des séquelles au décours d’une maladie thromboembolique veineuse, des recommandations de niveau I concernent l’indication à une évaluation routinière clinique dans les 3 à 6 mois qui suivent l’embolie pulmonaire aigue, une proposition également d’un modèle de prise en charge pour assurer une transition optimale entre la phase hospitalière et la phase ambulatoire. Enfin, il est recommandé (niveau I) que les patients symptomatiques ayant des défects lors de la scintigraphie pulmonaire ventilation/perfusion au-delà de 3 mois de l’épisode aigu soient adressés à un centre de référence de prise en charge des hypertensions pulmonaires en prenant en considération les données de l’échocardiographie, les peptides natriurétiques et du test d’effort couplé à la mesure des échanges gazeux.

Il faut souligner que les algorithmes de prise en charge ont été simplifiés pour que le diagnostic ne soit pas différé en cas de suspicion d’embolie pulmonaire.

Conclusions

Ces recommandations ont donc permis de clarifier la conduite à tenir devant une suspicion d’embolie pulmonaire. Il faut noter que ces recommandations viennent à point nommé pour compléter, préciser les recommandations françaises parues au début de l’année, qui ont consacré un chapitre important à la thrombose veineuse chez les patients porteurs d’un cancer. D’ailleurs, Guy Meyer était signataire également des recommandations françaises et co-chairman des recommandations européennes.

Informations complémentaires

-En cas d’instabilité hémodynamique, l’examen de première intention est l’échocardiographie, et en présence d’une dysfonction VD, l’angioscanner est indiqué sauf en cas d’indisponibilité auquel cas un traitement est proposé d’emblée. Dans le cas contraire, l’angioscanner pulmonaire est effectué et permet de poser le diagnostic et d’orienter le traitement.

-En l’absence d’instabilité hémodynamique, après une évaluation soigneuse de la probabilité clinique de l’embolie pulmonaire, l’angioscanner pulmonaire est l’examen de première intention en cas de probabilité élevée ou vraisemblable. Dans le cas contraire, un test des D-dimères est effectué qui s’il est positif conduit à effectuer l’angioscanner pulmonaire ; dans le cas contraire, l’abstention thérapeutique est préconisée.

-Au plan thérapeutique, en cas d’embolie pulmonaire aigue, l’indication du traitement anticoagulant est formelle, et la suite de la prise en charge dépend de la présence ou non de signes d’instabilité hémodynamique. Il faut donc rechercher d’une part des signes cliniques de sévérité d’embolie pulmonaire ou la présence d’une comorbidité, ainsi que la présence de signes de dysfonction ventriculaire droite à l’échocardiographie ou à l’angioscanner. Si l’un de ces deux signes est présent, un dosage de la troponine est indiqué qui, s’il est positif, permet de caractériser l’embolie pulmonaire comme à haut risque intermédiaire. Dans le cas contraire, il s’agit d’une embolie pulmonaire à faible risque intermédiaire. En l’absence de ces deux critères (signe clinique de sévérité d’embolie pulmonaire ou comorbidité sévère, dysfonction VD), le patient est considéré comme à faible risque et il n’y a pas de raison particulière de lui proposer une hospitalisation sauf en cas de contexte sociale difficile ou d’accès complexe à une prise en charge par un système de santé. Enfin, s’il n’y a pas d’autre cause d’hospitalisation, le patient peut être libéré.

-L’algorithme de prise en charge d’une suspicion d’embolie pulmonaire lors de la grossesse repose là encore sur la probabilité pré-test, et si celle-ci est élevée ou intermédiaire faible avec des D-dimères positifs, un traitement anticoagulant par HBPM est proposé puis une radiographie thoracique et un échodoppler veineux sont effectués qui s’il montre une thrombose veineuse proximale conduit à la poursuite du traitement par HBPM et à la détermination de la sévérité de l’embolie pulmonaire ainsi que le risque de décès précoce.

En l’absence de thrombose veineuse profonde ou proximale, une documentation d’embolie pulmonaire est proposée, différente selon que la radiographie thoracique est normale auquel cas une scintigraphie pulmonaire ventilation/perfusion peut être proposée de même qu’un angioscanner pulmonaire. En cas de radiographie thoracique anormale, l’angioscanner pulmonaire est proposé en 1ère intention. En cas de négativité de ces examens, le diagnostic d’embolie pulmonaire est éliminé ; en cas de positivité ou de réponse intermédiaire, une confrontation entre les différents médecins est indispensable afin d’aboutir à un diagnostic de haut préemption et proposer une prise en charge adaptée.

-Un algorithme est également proposé pour la prise en charge de la suite des évènements au décours d’une embolie pulmonaire. Le suivi de 3 à 6 mois est proposé et la recherche de symptômes est assurée, recherche d’une dyspnée et/ou d’une limitation fonctionnelle. Lors de suivi de 3 à 6 mois, en l’absence de ces signes d’appel, le recueil des facteurs de risque d’hypertension pulmonaire est indiqué et en l’absence de ceux-ci, une réflexion doit être engagée sur la nécessité ou non de poursuivre ou non l’anticoagulant au-delà de la période de 3-6 mois. En revanche, en cas de dyspnée et/ou de limitation fonctionnelle, une échocardiographie est proposée afin de déterminer la probabilité d’hypertension pulmonaire. Si elle est faible, une cause alternative de dyspnée et/ou une cause autre est recommandée. En cas de probabilité intermédiaire d’HTP, la recherche d’une élévation du NT-pro-BNP, de facteurs de risque d’HTP et les anomalies du test d’effort permettent d’orienter le diagnostic. Enfin, en cas de probabilité d’HTP élevé, un scanner perfusion/ventilation recherche un mismatch et en cas de positivité, le patient est adressé en centre de référence.