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EARLY TAVR : repenser l'indication du TAVI chez les patients asymptomatiques

Publié le lundi 30 juin 2025

Hélène Eltchaninoff

Hélène Eltchaninoff

Cardiologie interventionnelle - Rouen

Le TAVI est devenu le traitement de référence du rétrécissement aortique serré symptomatique. Faut-il le proposer en 1ère intention chez des patients encore asymptomatiques ? C’est la question à laquelle a essayé de répondre l’étude EARLY TAVR publiée récemment dans le New England Journal of Medicine(1).

Il est connu depuis des décennies que le rétrécissement aortique (RA) progresse, que le RA va devenir serré et que le patient deviendra symptomatique. Les recommandations internationales européennes(2) et américaines(3) s’accordent pour proposer un remplacement valvulaire aortique dès lors que le caractère serré est confirmé, que le patient est symptomatique, que l’espérance de vie dépasse un an mais également si le patient est asymptomatique mais présente certaines caractéristiques :  symptômes décelés à l’épreuve d’effort ; chute de la pression artérielle à l’effort > 20 mmHg, fraction d’éjection < 50% (IB) voir < 55%, RA très serré (Vmax >5m /sec, gradient > 60 mm Hg). Les patients asymptomatiques ne présentant pas ces caractéristiques doivent être surveillés et revus (suivi clinique et échographique) tous les 6 à 12 mois.

Réaliser une étude chez les patients asymptomatiques avec épreuve d’effort négative, sujet non abordé avec le TAVI jusque-là a trouvé toute sa place avec l’étude EARLY TAVR menée aux USA et au Canada, la première étude randomisée visant à démontrer la supériorité du TAVI avec la valve déployée par ballon SAPIEN3/Ultra par rapport à la surveillance annuelle chez des patients à bas risque ayant un RA serré, une épreuve d’effort négative (réalisée dans 90%) et une faisabilité anatomique du TAVI confirmée avec pour critère d’évaluation à 2 ans un critère composite associant décès de toute cause, AVC et ré-hospitalisation non programmée de cause cardiaque. L’étude s’est révélée positive en faveur du TAVI avec un critère composite de 26,8% vs 45,3% dans le groupe surveillance (hazard ratio, 0,50 ; 95%, intervalle de confiance 0,40-0,63 ; p<0,001). Les auteurs concluent à une supériorité de la stratégie d’intervention précoce par TAVI dans cette population.

L’étude est en effet positive sur le critère composite avec une différence tirée par les ré-hospitalisations et sans différence objectivée sur la mortalité entre les deux groupes à 2 ans (8,4% TAVI vs 9,2% surveillance). En effet, les patients randomisés dans le groupe « surveillance » ont un taux de ré-hospitalisation beaucoup plus élevé (41,7%) que celui du groupe surveillance (20,9%). À 6 mois, près d’un patient sur 4 randomisé dans le groupe « surveillance » a bénéficié d’un TAVI et plus d’un sur 3 a présenté des symptômes ou des signes d’aggravation inattendus. Au terme du suivi complet, 87% ont eu une intervention.

L’étude peut être vue sous différents angles. Chacune des deux options de prise en charge (surveillance ou TAVI d’emblée) comporte ses avantages et ses inconvénients.

L’étude EARLY TAVR suggère que la réalisation précoce d’un TAVI chez un patient bien sélectionné et « préparé par un bilan complet confirmant la faisabilité de la procédure» apparait sûr et peut prévenir des événements cardiovasculaires graves chez des patients cliniquement asymptomatiques. En effet, certains patients étiquetés asymptomatiques vont avoir une évolution très rapide vers l’insuffisance cardiaque et la dysfonction VG. Ces patients ne sont certes pas très nombreux mais sont rencontrés dans notre pratique. À ce jour, aucun outil ne permet d’identifier cette catégorie de patients.

À l’opposé, il n’y a pas de sur risque vital à surveiller de près un patient asymptomatique et à réaliser un TAVI lorsque les symptômes ou les critères indirects (remodelage ventriculaire, BNP, etc…) apparaissent puisqu’à terme la mortalité est comparable.

Néanmoins, en réalisant un TAVI d‘emblée expose au risque d’avoir à faire face à une complication grave de la procédure chez un patient asymptomatique ce qui peut être moins facilement accepté par le patient (AVC) ou la famille en cas de décès.

De plus, réaliser un TAVI d’emblée fait démarrer « the clock of durability » selon l’expression de Michael Mack, un sujet important puisque que les données de suivi sur la ré-intervention après TAVI manquent encore de recul. Reculer d’un an voir de quelques années l’intervention en surveillant le patient régulièrement comporte un intérêt sur cet aspect.

Comme pour toute étude randomisée de qualité, les patients ont été très sélectionnés et ont tous reçu une valve ballon expandable.  Ils n’ont pas reçu une surveillance classique puisqu’ils ont été informés dès l’inclusion du caractère grave évolutif d’un rétrécissement aortique serré et de l’importance d’alerter leur cardiologue en cas de moindre symptômes ce qui peut avoir fait anticiper le geste de TAVI dans le groupe surveillance (et artificiellement augmenter le taux de ré-hospitalisations dans les 6 mois) ce d’autant que la décision finale de TAVI revenait au patient et son cardiologue référent ce qui a pu jouer également sur l’anticipation du geste.

On peut voir dans cette première large étude randomisée un côté rassurant sur la sécurité du TAVI lorsqu’il est réalisé d’emblée chez les patients asymptomatiques, mais également un côté rassurant de la stratégie de surveillance à partir du moment où elle est bien faite et régulière. Le patient occupe là une place très importante avec une préférence qui peut aller vers l’une ou l’autre stratégie selon son envie de « régler » rapidement le problème médical diagnostiqué ou de préférer une surveillance étroite.

Attendons l’actualisation des recommandations européennes qui seront présentées au congrès de l’ESC en août 2025 à Madrid.

 

Références

1. P Généreux, A Schwartz, JB Oldemeyer, et al for the EARLY TAVR trial Investigators. Transcatheter aortic valve replacement for asymptomatic severe aortic stenosis. N Engl J Med 2024
2. Vahanian A, Beyersdorf F, Praz F, et al. 2021 ESC/EACTS Guidelines for the management of valvular heart disease. Eur Heart J 2022;43(7):561–632
3. Otto CM, Nishimura RA, Bonow RO, et al. 2020 ACC/AHA Guideline for the Management of Patients With Valvular Heart Disease: Executive Summary: A Report of the American College of Cardiology/American Heart Association Joint Committee on Clinical Practice Guidelines. Circulation 2021;143(5):e35–71

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