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Les désordres hypertensifs de la grossesse augmentent le risque de maladie cardiovasculaire et de maladie rénale chronique
Publié le vendredi 27 octobre 2023
LYON, 26 octobre 2023 (APMnews) - Les désordres hypertensifs de la grossesse sont associés à une augmentation du risque de maladie cardiovasculaire et de décès, plus particulièrement et de manière plus importante du risque d'insuffisance cardiaque et de maladie rénale chronique, selon une étude française présentée la semaine dernière au congrès de la Société française de médecine périnatale (SFMP) à Lyon.
Les désordres hypertensifs de la grossesse (hypertension artérielle -HTA- chronique avant la grossesse, hypertension gravidique, pré-éclampsie) touchent une femme sur 10 dans le monde. Cela représente environ 62.000 grossesses par an en France, soit 7% des grossesses, dont 2% de pré-éclampsies (3% chez les primipares), a rappelé Grégory Lailler, médecin de santé publique à Santé publique France.
De plus en plus d'études montrent que ces femmes ont un risque augmenté de développer une maladie cardiovasculaire. Un premier travail français sur l'hypertension avait montré que le risque d'hypertension était six fois plus important après une hypertension gravidique et 8 fois plus important après une pré-éclampsie. La question se pose donc de savoir si la sévérité, la précocité et la répétition de la pré-éclampsie augmentent encore le risque de développer des maladies cardiovasculaires dans la vie des femmes, a-t-il poursuivi.
Ce travail a reposé sur les données de la cohorte CONCEPTION constituée à partir des données du Système national des données de santé (SNDS). Elle inclut toutes les femmes ayant accouché en France entre 2010 et 2018 après 22 semaines d'aménorrhée (SA), soit 6,3 millions d'accouchements pour 4,5 millions de femmes.
L'étude s'est concentrée sur les primipares (2,8 millions de femmes) accouchant par voie basse, après exclusion des âges extrêmes (moins de 15 ans ou plus de 49 ans) et des femmes ayant des antécédents cardiovasculaires. Il y a eu plus de 4,9 millions de naissances au cours du suivi. Dans cette cohorte ont été identifiées, à partir des achats d'anti-hypertenseurs et des codages, l'HTA chronique, l'HTA gravidique et la pré-éclampsie, en distinguant pour cette dernière les formes sévères, précoces (avant 34 SA) et celles associées à un petit poids pour l'âge gestationnel ou à une hypertension.
Les femmes ont été suivies entre le début de leur première grossesse et la survenue d'un évènement, du décès ou la fin de l'étude (31 décembre 2021). Les évènements relevés étaient les accidents vasculaires cérébraux (AVC), embolies pulmonaires, syndromes coronaires aigus (SCA), insuffisance cardiaque, artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), troubles du rythme/conduction, maladie rénale chronique, décès toute cause, décès cardiovasculaire.
Le suivi moyen a été de 8 ans, et 3,6% des participantes ont développé une pré-éclampsie, 6,2% une hypertension gravidique.
Pour tous les évènements étudiés, excepté les troubles du rythme, un gradient de risque était observé depuis le groupe de l'ensemble des femmes de la cohorte, au groupe des femmes avec hypertension gravidique puis à celui des femmes avec pré-éclampsie. Les deux évènements les plus augmentés en cas de pré-éclampsie étaient l'insuffisance cardiaque (0,05% chez l'ensemble des participantes, 0,12% en cas d'hypertension gravidique et 0,32% en cas de pré-éclampsie) et la maladie rénale chronique (0,07%, 0,14% et 0,51% respectivement).
Par rapport à l'absence de troubles hypertensifs de la grossesse, il y a un odds ratio (OR) compris entre 1 et 2 pour quasiment tous les évènements, y compris les décès de toute cause, en présence de troubles hypertensifs de la grossesse. La pré-éclampsie est associée à des OR entre 2 et 5. Pour l'insuffisance cardiaque et la maladie rénale chronique, l'OR est d'environ 7.
En cas de récidive d'hypertension gravidique, il n'y avait pas de sur-risque significatif par rapport aux femmes n'ayant eu qu'une grossesse affectée. En revanche en cas de récidive de pré-éclampsie il y avait un sur-risque de SCA (OR d'environ 6) et de maladie rénale chronique (OR d'environ 17).
En fonction du type de pré-éclampsie, les deux évènements très associés à la catégorie la plus à risque sont l'insuffisance cardiaque et la maladie rénale chronique: le risque de chacun de ces évènements est multiplié jusqu'à 10 pour les pré-éclampsies sévères ou précoces ou associées à l'hypertension, et le risque de maladie rénale chronique également multiplié par 10 en cas de pré-éclampsie associée à un petit poids pour l'âge gestationnel.
"Les désordres hypertensifs de la grossesse augmentent de manière très importante le risque de maladie cardiovasculaire et de mortalité", ainsi que de maladie rénale chronique. La sévérité, la précocité et la répétition des pré-éclampsies augmentent encore plus ce risque, a résumé Grégory Lailler.
"Il faut informer ces femmes du sur-risque qu'elles ont, les dépister -simplement prendre la tension, également la glycémie parce qu'un autre travail montre aussi un fort risque de diabète- et les suivre tout au long de leur vie", a-t-il conclu.
Des risques cardiovasculaires multiples tout au long de la vie
Lors d'une autre session, Valérie Olié, épidémiologiste à Santé publique France, a synthétisé toutes les données sur les désordres hypertensifs de la grossesse et morbidité cardiovasculaire maternelle apportées par la cohorte CONCEPTION, qui reflète une quasi-exhaustivité des grossesses en France. Ces données ont fait l'objet de plusieurs publications dans des revues scientifiques au cours des dernières années, outre celles présentées par Grégory Lailler.
La cohorte a permis d'établir que les troubles hypertensifs de la grossesse touchaient 7,4% des grossesses en France, la pré-éclampsie 2,0% des grossesses (2,9% chez les primipares), dont 40% de cas sévères et 20% de cas précoces. Le taux de récidive de ces troubles lors de la deuxième grossesse est de 27,4%, et le taux de récidive de pré-éclampsie de 20% lorsque la première était précoce ou sévère, de 11% lorsqu'elle était légère.
Quelques centaines de femmes de la cohorte avec une hypertension chronique recevaient encore des traitements de l'hypertension contre-indiqués pendant la grossesse, et moins d'une femme sur deux était traitée par aspirine lors de la deuxième grossesse après une pré-éclampsie pendant la première grossesse.
Un sur-risque d'HTA chronique a été mis en évidence après une grossesse affectée par une hypertension gravidique ou une pré-éclampsie, avec des risques relatifs multipliés par 6 et 8, respectivement.
"Les désordres hypertensifs de la grossesse ont des conséquences cardiovasculaires pendant la grossesse, dans le post-partum puis tout au long de la vie des femmes", a-t-elle conclu. Le risque d'HTA chronique après la grossesse nécessite un dépistage plus rapproché, et "il ne faut pas sous-estimer le risque lié à l'HTA gravidique seule", a-t-elle ajouté.
Source: APMnews
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