Le bilan du rétrécissement aortique, d'après les recommandations ESC 2021

Mis à jour le samedi 13 novembre 2021
dans
Martine Gilard

Pr Martine Gilard
CHU La Cavale Blanche
Brest

Les centres dédiés :

La décision et la réalisation concernant le traitement doit se faire dans des centres spécialisés dans le traitement des valvulopathies. Ces centres sont fonctionnels 24H/24, 7 jours sur 7 aussi bien pour des procédures percutanées ou chirurgicales.

En effet, ces centres regroupent des spécialistes : chirurgiens cardiaques, cardiologues interventionnels spécialisés dans le traitement percutané, des imageurs, des anesthésistes, des spécialistes de l’insuffisance cardiaque, des rythmologues ainsi qu’un personnel paramédical dédiés (1).

Ces centres doivent avoir un haut volume d’actes, regroupant des imageries multi modales, permettant d’assurer une meilleure sélection des patients, de limiter les complications grâce à la présence d’experts ayant une grande expérience limitant les effets de la courbe d’apprentissage des plus jeunes et d’assurer un contrôle par l’intermédiaire de registres nationaux (2,3).

L’évaluation des patients

La figure 1 résume parfaitement l’évaluation du patient suspect d’une valvulopathie. On doit analyser la présence ou l’absence de symptômes, les caractéristiques et la gravité du rétrécissement aortique grâce à l’imagerie multimodale (échocardiographie, épreuve de stress, scanner). La figure 2 détaille les différentes situations échocardiographiques (rétrécissement serré, bas gradient avec une fonction ventriculaire gauche préservée ou non).

 

Figure 1 : évaluation du patient suspect d’une valvulopathie

Figure 2 : les différentes situations échocardiographiques 

Puis on doit analyser ses comorbidités ainsi que son espérance de vie.

Enfin la « Heart Team » va intégrer l’ensemble de ces facteurs pour décider si une intervention est nécessaire et quel type d’intervention, TAVI ou chirurgie, en fonction également de critères anatomiques et de critères propres à chaque type d’intervention.

Dans ces recommandations, on note donc deux importantes nouveautés :

  • Tout patient ayant un rétrécissement aortique pour lequel une intervention est posée doit être discuté en Heart team (IC)
  • Le patient est vraiment placé au centre, avec au final le choix de la décision après une information éclairée de la « Heart Team »(IC).

Les situations spécifiques

Les patients asymptomatiques

Il est important de vérifier le caractère réellement asymptomatique par une épreuve d’effort.

S’il reste asymptomatique, il faut analyser sa fonction ventriculaire gauche. Lorsqu’elle est inférieure à 50% (IA) ou inférieure à 55% (IIaB) sans autre cause que le rétrécissement aortique, il faut intervenir (TAVI ou chirurgie) (4,5).

De même, une intervention (TAVI ou chirurgie) est indiquée :

  • si on note une chute de pression lors de l’épreuve d’effort de plus de 20 mmHg (IIaC)
  • si le rétrécissement est sévère (gradient moyen 60 mmHg ou une Vmax > 5m/s) (IIaB)
  • si les valves sont très calcifiées et la Vmax progresse de plus de 0,3 m/s/an (IIaB)
  • si le BNP ratio (dépendant de l’âge et du sexe) est > 3 sans autre explication (IIaB)(6)

Le genre

Les femmes ayant un rétrécissement aortique ont une mortalité supérieure à l’homme en raison d’un diagnostic et d’une intervention plus tardifs (7). Il est donc important de réaliser des campagnes d’information auprès du grand public mais également auprès des médecins généralistes et cardiologues.

La coronaropathie

La coexistence d’une coronaropathie est fréquemment associée au rétrécissement aortique. 

Si le mode d’intervention est le pontage, on peut réaliser de façon concomitante le remplacement valvulaire chirurgicale (IC) même si le rétrécissement aortique est moyennement serré (IIaC) (8). Si le TAVI est indiqué, le pontage peut être réalisé à distance, avant ou après.

Si le mode d’intervention est l’angioplastie, on peut la réaliser avant, pendant ou après le TAVI ou la chirurgie. Si les lésions coronaires sont trop importantes, elles seront traitées médicalement et le TAVI ou la chirurgie seront réalisés.

L’insuffisance mitrale

Dans le cas d’insuffisance mitrale primaire sévère, la chirurgie aortique et mitrale est indiquée(IC). Cependant, chez les patients à haut risque chirurgical, le TAVI et le traitement mitral par clip est possible (9). Dans le cas d’insuffisance mitrale secondaire, le TAVI et le traitement mitral percutané sont possibles, en commençant par le TAVI.

Références

  1.  Agricola E, Ancona F, Brochet E, Donal E, Dweck M, Faletra F, Lancellotti P, Mahmoud-Elsayed H, Marsan NA, Maurovich-Hovart P, Monaghan M, Ribeiro J, Sade LE, Swaans M, Von Bardeleben RS, Wunderlich N, Zamorano JL, Popescu BA, Cosyns B, Edvardsen T. The structural heart disease interventional imager rationale, skills and training: a position paper of the European Association of Cardiovascular Imaging. Eur Heart J Cardiovasc Imaging 2021;22:471-479.
  2. Vemulapalli S, Carroll JD, Mack MJ, Li Z, Dai D, Kosinski AS, Kumbhani DJ, Ruiz CE, Thourani VH, Hanzel G, Gleason TG, Herrmann HC, Brindis RG, Bavaria JE. Procedural volume and outcomes for transcatheter aortic-valve replacement. N  Engl J Med 2019;380:2541-2550.
  3. Mao J, Redberg RF, Carroll JD, Marinac-Dabic D, Laschinger J, Thourani V, Mack M, Sedrakyan A. Association between hospital surgical aortic valve replacement volume and transcatheter aortic valve replacement outcomes. JAMA Cardiol 2018;3:1070-1078.
  4. Lancellotti P, Magne J, Dulgheru R, Clavel MA, Donal E, Vannan MA, Chambers J, Rosenhek R, Habib G, Lloyd G, Nistri S, Garbi M, Marchetta S, Fattouch K, Coisne A, Montaigne D, Modine T, Davin L, Gach O, Radermecker M, Liu S, Gillam L, Rossi A, Galli E, Ilardi F, Tastet L, Capoulade R, Zilberszac R, Vollema EM, Delgado V, Cosyns B, Lafitte S, Bernard A, Pierard LA, Bax JJ, Pibarot POury C. Outcomes of patients with asymptomatic aortic stenosis followed up in heart valve clinics. JAMA Cardiol 2018;3:1060-1068.
  5. Bohbot Y, de Meester de Ravenstein C, Chadha G, Rusinaru D, Belkhir K, Trouillet C, Pasquet A, Marechaux S, Vanoverschelde JL, Tribouilloy C. Relationship between left ventricular ejection fraction and mortality in asymptomatic and minimally symptomatic patients with severe aortic stenosis. JACC Cardiovasc Imaging 2019;12:38-48.
  6. Clavel MA, Malouf J, Michelena HI, Suri RM, Jaffe AS, Mahoney DW, Enriquez- Sarano M. B-type natriuretic peptide clinical activation in aortic stenosis: impact on long-term survival. J Am Coll Cardiol 2014;63:2016-2025.
  7. Cote N, Clavel MA. Sex differences in the pathophysiology, diagnosis, and management of aortic stenosis. Cardiol Clin 2020;38:129-138.
  8. Thourani VH, Suri RM, Gunter RL, Sheng S, O’Brien SM, Ailawadi G, Szeto WY, Dewey TM, Guyton RA, Bavaria JE, Babaliaros V, Gammie JS, Svensson L, Williams M, Badhwar V, Mack MJ. Contemporary real-world outcomes of surgical aortic valve replacement in 141,905 low-risk, intermediate-risk, and high-risk patients. Ann Thorac Surg 2015;99:55-61.
  9. Khan F, Okuno T, Malebranche D, Lanz J, Praz F, Stortecky S, Windecker S, Pilgrim T. Transcatheter aortic valve replacement in patients with multivalvular heart disease. JACC Cardiovasc Interv 2020;13:1503-1514

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "RAC : Profils patients et options thérapeutiques"

 

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