Fibrillation atriale et cancer

Mis à jour le mardi 27 septembre 2022
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Joachim Alexandre

Pr Joachim ALEXANDRE
Membre du CoDIR du GCO
Caen

Une fibrillation atriale (FA) peut survenir chez des patients atteints de cancer dans différents contextes : il peut s'agir d'un marqueur d’un cancer occulte, d’une complication post-opératoire chez des patients subissant une intervention chirurgicale, d’une complication des médicaments anticancéreux, ou d’une radiothérapie.

Tous les types de cancer sont associés à un risque accru de FA, mais le risque de FA est variable en fonction du type, de la localisation, et du stade du cancer.

Au cours des traitements anticancéreux, une FA peut survenir avec une fréquence allant de 2 % à 16 %, et peut se présenter, soit comme un premier diagnostic de FA, soit comme une récidive de FA.

Au décours d’une prise en charge chirurgicale, l’incidence de la FA peut varier de 6 à 32 %, notamment pour les cancers pulmonaires opérés.  

Etiologies et complications

Le risque de développer une FA est plus élevé chez les patients âgés de plus de 65 ans et/ou avec une cardiopathie/FDR CV préexistants.

La présence d’un cancer actif est associée à un risque plus élevé de présenter de la FA. De nombreuses thérapeutiques anticancéreuses (chirurgie, radiothérapie mais médicaments anticancéreux) ont été associées à un risque accru de FA, à la fois en termes de FA incidente et de FA récurrente.

Chez les patients atteints de cancer, la survenue d'une FA est associée à un risque deux fois plus élevé d’embolies artérielles systémiques, et six fois plus élevé d’insuffisance cardiaque.

Chez les patients présentant de la FA, La coexistence d’un cancer actif augmente le risque de mortalité toutes causes confondues et d'hémorragies majeures.

Prise en charge

La prise en charge de la FA chez les patients atteints de cancer doit suivre les guidelines 2020 de l'ESC pour le diagnostic et la prise en charge de la FA, et les principes « ABC » (Atrial fibrillation Better Care).

Les médicaments permettant un contrôle du rythme peuvent entraîner un allongement de l'intervalle QT, exposent fréquemment à des interactions médicamenteuses avec les traitements anticancéreux, ou peuvent avoir une efficacité limitée, si un traitement anticancéreux est la cause spécifique de la FA.

Pour ces raisons, une stratégie de contrôle de la fréquence est le plus souvent choisie en première intention. Parmi les médicaments permettant un contrôle de la fréquence, les bêta-bloquants sont préférés (recommandation de classe IIaC), alors que le diltiazem et le vérapamil doivent être clairement évités, dans la mesure du possible, en raison de leurs interactions médicamenteuses majeures. La possibilité d'une ablation de FA doit se discuter au cas par cas, chez des patients avec dysfonction ventriculaire gauche et/ou restant symptomatique, malgré un bon contrôle de la fréquence cardiaque, en tenant compte du pronostic du cancer et de l’état général du patient.

L’évaluation du risque embolique doit être basée sur le score CHA2DS2-VASc, bien que ce score n’ait jamais été validé chez des patients atteints de cancer (recommandation de classe IIaC). D’après les données actuelles de la littérature, l’utilité principale de ce score ne semble pas être l’identification des patients à haut risque embolique, mais plutôt d'identifier les patients à faible risque, chez qui l'anticoagulation ne doit pas être instaurée.

En pratique, une anticoagulation au long cours est recommandée chez les patients adultes, avec un score CHA2DS2-VASc ≥ 2 chez les hommes, et ≥ 3 chez les femmes (recommandation de classe IC). Pour l'évaluation du risque de saignement, le score HAS-BLED doit être pris en compte, bien qu’il n’ait jamais non plus été validé dans cette population. une approche est proposée dans ces guidelines pour aider quant à la décision d’anticoaguler un patient avec cancer actif, et est basée sur l'acronyme TBIP (T : risque thrombotique, B : risque hémorragique, I : interactions entre médicaments et P : accès et préférences des patients ; recommandation de classe IC). Le type et la localisation du cancer, ainsi que le taux de plaquettes, doivent également être pris en compte.

Aucun anticoagulant n’a été spécifiquement validé dans cette population. En pratique, les AODs sont généralement préférés en première intention (recommandation de classe IIaB) et en l’absence de contre-indication (interactions médicamenteuses, insuffisance rénale sévère, cancers digestifs ou génito-urinaire, métastases cérébrales), mais les AVK (en cas de sténose mitrale sévère ou de prothèse valvulaire mécanique) et les HBPM (patients hospitalisés avec un diagnostic récent de cancer, à un stade avancé de leur maladie cancéreuse, ou en cas de myélosuppression avec risque de saignement) restent des options utilisables dans certains cas.

Les patients à très haut risque hémorragique définis par une dysfonction rénale sévère (ClCr < 15 ml/mn) et une thrombopénie marquée < 50 000/µL, seront plutôt candidats à une anticoagulation par HBPM . Les dispositifs d'occlusion de l'auricule gauche peuvent être envisagés chez certains patients avec une espérance de vie d’au moins 12 mois, mais il existe un manque majeur de données dans cette utilisation, qui incite à une grande prudence (recommandation de classe IIbC).

En cas de FA imputable à un traitement anticancéreux, notamment les inhibiteurs de BTK prescrits pour la prise en charge des patients atteints de LLC, dans la très grande majorité des cas, il est possible de poursuivre le médicament anticancéreux, tout en prenant en charge en parallèle la FA.

Figure adaptée de : "2022 ESC Guidelines on cardio-oncology" (Eur Heart J. 2022 Aug 26:ehac244. doi: 10.1093/eurheartj/ehac244)

 

 

 

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "L’essentiel des recommandations ESC 2022 en cardio-oncologie par le groupe de cardio-oncologie de la SFC"