Diagnostic de la cardiomyopathie hypertrophique : sarcomérique ou pas ?

Mis à jour le mardi 28 février 2023
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Gilbert Habib

Pr Gilbert Habib
Spécialiste des maladies des valves cardiaques
Hôpital de la Timone, Marseille

Pas toujours simple de répondre à cette question. Bien sûr, l’analyse génétique va nous aider énormément dans l’enquête étiologique, mais, avant cette étape, il est important d’essayer de trouver des arguments cliniques ou d’imagerie en faveur d’une étiologie génétique sarcomérique, ou au contraire de penser à une autre étiologie non sarcomérique potentiellement accessible à un traitement spécifique. La figure 3 illustre différentes causes de CMH, et souligne le rôle majeur de l’échocardiographie et de l’IRM (Figure 3).

Figure 3 : Différentes formes de cardiomyopathies hypertrophiques, et rôle de l’imagerie
3a : CMH sarcomérique / 3b : amylose (ETT, strain, scintigraphie au technetium et IRM
3c : maladie de Fabry avec hypertrophie apicale et fibrose postéro-basale à l’IRM/ 3d : hypertrophie concentrique observée dans une cardiomyopathie mitochondriale
VG : ventricule gauche, VD : ventricule droit, OG : oreillette gauche

1. Quand faut-il penser au diagnostic de CMH sarcomérique ?

Les arguments en faveur d’une CMH sarcomérique sont nombreux, mais aucun n’est complètement spécifique. Présence d’une hypertrophie à prédominance septale (Figure 3a), présence d’un SAM (mouvement antérieur de la mitrale), présence d’une obstruction > 30 mmHg en position sous-aortique, anomalies d’insertion des cordages ou piliers mitraux. Si ces éléments sont évocateurs, ils ne sont pas pathognomoniques. Certaines hypertrophies concentriques peuvent s’observer dans d'authentiques CMH sarcomériques. Inversement, si l’obstruction intracardiaque est exceptionnelle dans l’amylose, elle peut s’observer dans des CMH non sarcomériques, comme la maladie de Fabry.

2. Éliminer un premier une amylose cardiaque.

Le tableau clinique et échocardiographique est en général différent. Il s’agit d’une hypertrophie concentrique avec aspect fréquemment hyperéchogène du myocarde, intéressant souvent également le ventricule droit, mais également le septum interauriculaire et les feuillets valvulaires (Figure 3b). L’obstruction intraventriculaire gauche n’est pratiquement jamais observée dans l’amylose cardiaque, et le flux doppler mitral est fréquemment (mais pas toujours) de type restrictif. Néanmoins, les formes atypiques de l’amylose cardiaque se voient notamment à un stade précoce de la maladie, et peuvent en imposer pour une CMH sarcomérique, devant une hypertrophie asymétrique. En cas de doute, le patient doit être adressé dans un centre spécialisé dans les cardiomyopathies rares, et bénéficier d’un bilan hématologique et d’une scintigraphie myocardique au technétium. Exceptionnellement, une amylose peut coexister avec une CMH sarcomérique.

3. Penser à la maladie de Fabry

Bien que rare, elle doit aussi être systématiquement recherchée devant une CMH, car bénéficiant d’un traitement spécifique. Il s’agit d’une sphingolipidose lysosomale de transmission génétique liée au chromosome X, entraînant un déficit d’activité de l’alpha-galactosidase A lysosomale. La conséquence peut être une hypertrophie et une fibrose myocardique (Figure 3c). Cette hypertrophie est en général concentrique et non obstructive, mais des formes simulant une CMH sarcomérique ne sont pas rares, surtout dans le variant cardiaque de l’adulte, avec notamment des formes obstructives et des CMH apicales. L’IRM a une place importante dans son diagnostic, notamment quand elle montre une fibrose localisée dans la paroi latérale et basale du ventricule gauche et quand existe une diminution du T1 natif. À noter que le dosage de l’alpha-galactosidase est recommandé devant toute CMH chez l’homme de plus de 30 ans.

4. Les autres cardiomyopathies hypertrophiques non sarcomériques.

Elles sont plus rares, et fréquemment associées à d’autres atteintes extracardiaques, Les cardiomyopathies mitochondriales (Figure 3d), la maladie de Danon, la maladie de Pompe, l’hémochromatose, les maladies héréditaires neuro-musculaires en sont quelques exemples. Leur diagnostic nécessite une prise en charge pluridisciplinaire en milieu spécialisé.

Conclusion

La démarche diagnostique dans les CMH est bien codifiée. Elle passe par une étude clinique souvent multidisciplinaire, une enquête familiale, une imagerie basée essentiellement sur l’échocardiographie et l’IRM, et une analyse génétique. L’objectif principal de notre démarche est de distinguer les formes sarcomériques des CMH secondaires potentiellement accessibles à un traitement spécifique. Une prise en charge diagnostique et thérapeutique dans un centre de référence ou de compétence des cardiomyopathies est indispensable.

Référence :

  1. Elliott PM, Anastasakis A, Borger MA, Borggrefe M, Cecchi F, Charron P, Hagege AA, Lafont A, Limongelli G, Mahrholdt H, McKenna WJ, Mogensen J, Nihoyannopoulos P, Nistri S, Pieper PG, Pieske B, Rapezzi C, Rutten FH, Tillmanns C, Watkins H. 2014 ESC Guidelines on diagnosis and management of hypertrophic cardiomyopathy: the Task Force for the Diagnosis and Management of Hypertrophic Cardiomyopathy of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J. 2014;35:2733-79.

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Les cardiomyopathies hypertrophiques"

 

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