Demain : innovations et perspectives futures de l’intelligence artificielle appliquée à l’échocardiographie

Pr Erwan Donal
Centre de cardiologie,
CHU de Rennes
Rennes
L’intelligence artificielle est partout et elle a trouvé des applications croissantes pour tendre à une médecine plus personnalisée que celle que nous appliquons aujourd’hui.
L’imagerie cardiaque est toujours plus importante pour la prise en charge diagnostique, thérapeutique, et le suivi de nombres de pathologie, et pas que strictement cardio-vasculaires.
Dans le domaine de l’échocardiographie, la croissance des demandes et des données à recueillir est un fait constaté par beaucoup. Les derniers mois ont aussi permis de repenser la pratique :
- La pandémie Covid19 et le risque encouru par les soignants
- La prévalence des problèmes musculo-squelettiques des praticiens pratiquant les examens d’échocardiographie
-> incitent à rationaliser, raccourcir et automatiser autant que possible ce qui peut l’être.
Il est donc désormais possible d’automatiser des mesures Doppler, 2D et 3D. Ces mesures sont donc effectuées plus rapidement, et avec plus de reproductibilité. Les progrès sont rapides. Le nombre d’examens où ces mesures automatiques sont possibles grandit chaque jour, mais il faut aussi accepter que la machine « fasse » un peu différemment de ce que le praticien « X » considère comme « la bonne » façon de mesurer. La mesure automatique sera la même dans tous les laboratoires et sera le fruit d’un moyennage beaucoup plus important que lorsque l’humain fait la mesure « idéale », qu’il a toujours considérée comme la bonne mesure, même si le collègue d’une autre « école » pourrait argumenter une manière différente de mesurer (Figure 1).
Ces mesures automatiques s’appliquent aux mesures habituelles faites sur tout examen bidimensionnel et Doppler, puis elle s’applique aussi aux acquisitions 4D pour accéder à des quantifications plus complexes, telles la surface, la géométrie d’un anneau tricuspide ou mitral, telle la quantification d’un culot aortique. Ces mesures 4D rapprochent le scanner et l’échocardiographie. Ceci à un point tel qu’il devient possible de fusionner l’un et l’autre pour une meilleure planification d’actes chirurgicaux ou interventionnels.
L’intelligence artificielle, pour garder ce terme générique, permet d’améliorer la reproductibilité des mesures et permet de réduire la durée des examens. L’ordinateur se met au service du praticien pour l’aider dans les taches les plus répétitives. Le docteur pourra passer plus de temps à développer son expertise et sa transmission de l’information aux patients et aux collègues.
Le terme d’intelligence artificielle va aussi révolutionner notre usage des données recueillies lors d’un examen échocardiographique.
En toute modestie, prenons l’exemple d’un travail fait dans notre unité de recherche (traitement du signal et de l’image, INSERM 1099), à Rennes. L’exemple est celui de l’usage des courbes de strain longitudinal du ventricule gauche et son exploitation par la machine pour estimer la probabilité de réponse à un traitement de resynchronisation cardiaque1,2.
En routine clinique, nous utilisons le strain longitudinal pour avoir la mesure du « strain global longitudinal ». Nous pouvons y associer la mesure automatique de la dispersion et nous pouvons, pour les plus aguerris, regarder les paramètres régionaux.
Mais, grâce à l’ordinateur, nous pouvons, à partir des courbes de strain extraites d’une coupe apical 4 cavités, calculer plus d’une centaine de paramètres qui vont permettre de décrire la fonction régionale et globale d’un ventricule gauche. Ce serait impossible sans « la machine » qui génère ces paramètres et les traite en hiérarchisant leur pertinence pour arriver à la prédiction que nous, cliniciens, souhaitons.
Nous avons pu démontrer qu’au-delà des approches de clustering où nous pouvons phénotyper les patients pour les classer par groupes homogènes de réponse au traitement3, nous pouvons automatiser l’analyse et la prédiction de la réponse à la resynchronisation cardiaque à l’échelon de l’individu1.
Prenons un autre travail à propos d’une thématique clinique qui nous pose aussi problème : l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée.
Loncaric et al, à Barcelone, ont démontré que la reconnaissance des formes basée sur le « machine learning » est réalisable à partir de données échocardiographiques recueillies dans la routine clinique (sous réserve d’une nécessaire rigueur dans l’acquisition du tracé ECG et de la qualité des images et signaux enregistrés)4.
Des algorithmes automatisés peuvent capturer de manière cohérente des modèles de vitesses et de déformations myocardiques. À partir de ces données et, sur la base de modèles créés à partir de banques de données (dont il faut veiller à la qualité des images et des signaux recueillis. C’est la base pour que l’ordinateur soit utile. Si l’ordinateur doit travailler à partir de mauvaises images ou de mauvais signaux, alors le résultat sera moins pertinent : importance, donc, de la qualité de nos examens !!), il est possible regrouper les patients en phénogroupes cliniquement reconnaissables et qui font référence à des caractéristiques structurelles et fonctionnelles qui seraient sinon inaccessibles à l’interprétation de l’échocardiographie par le clinicien que je suis, que vous êtes.
La reconnaissance automatique des formes peut donc potentiellement aider à l'interprétation des données d'imagerie et accroître la pertinence du diagnostic, en particulier dans les domaines complexes tel celui de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée, mais pas que !
Un champ nouveau s’ouvre donc à l’usage des images échocardiographiques de manière plus rapide, plus robuste et plus tournée vers une individualisation des prises en charge5,6.
Références :
- Gallard A, Galli E, Hubert A, Bidaut A, Le Rolle V, Smiseth O, et al. Echocardiographic view and feature selection for the estimation of the response to CRT. PLoS One. 2021;16(6):e0252857.
- Gallard A, Hubert A, Smiseth O, Voigt JU, Le Rolle V, Leclercq C, et al. Prediction of response to cardiac resynchronization therapy using a multi-feature learning method. Int J Cardiovasc Imaging. 2021;37(3):989-98.
- Gallard A, Bidaut A, Hubert A, Sade E, Marechaux S, Sitges M, et al. Characterization of Responder Profiles for Cardiac Resynchronization Therapy through Unsupervised Clustering of Clinical and Strain Data. J Am Soc Echocardiogr. 2021;34(5):483-93.
- Loncaric F, Marti Castellote PM, Sanchez-Martinez S, Fabijanovic D, Nunno L, Mimbrero M, et al. Automated Pattern Recognition in Whole-Cardiac Cycle Echocardiographic Data: Capturing Functional Phenotypes with Machine Learning. J Am Soc Echocardiogr. 2021;34(11):1170-83.
- Hourqueig M, Bouzille G, Mirabel M, Huttin O, Damy T, Labombarda F, et al. Hypertrophic cardiomyopathies requiring more monitoring for less atrial fibrillation-related complications: a clustering analysis based on the French registry on hypertrophic cardiomyopathy (REMY). Clin Res Cardiol. 2021.
- Donal E, Muraru D, Badano L. Artificial intelligence and the promise of uplifting echocardiography. Heart. 2021.
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