ACC 2023 : l'étude AIMI-HF - Ischémie et viabilité myocardique dans l’insuffisance cardiaque : quelles méthodes d’imagerie fonctionnelle ?

Publié le dimanche 5 mars 2023
dans
Antonin Trimaille

Auteur :
Dr Antonin Trimaille
Strasbourg

Relecteur : Dr Guillaume Bonnet, New York

En direct de l'ACC 2023

D'après la présentation de Lisa Mielniczuk (Ottawa, Canada) : « Ischemia and Viability Imaging in Heart Failure: The Alternative Imaging Modalities in Ischemic Heart Failure Trial (AIMI-HF) IMAGE-HF Project 1A»

Message clé

  • La place de la scintigraphie myocardique et des tests d’imagerie avancés (IRM cardiaque et PET-scanner) pour la recherche d’ischémie et de viabilité myocardique n’est pas complétement élucidée actuellement
  • Cette étude a comparé l’impact de la scintigraphie myocardique et des tests d’imagerie avancés (IRM cardiaque et PET-scanner) sur la survenue d’événements cardiovasculaires chez des patients avec insuffisance cardiaque à FEVG altérée d’origine ischémique
  • Dans cette étude, il n’y a pas eu de différence sur le critère de jugement principal entre la scintigraphie myocardique et les imageries avancées
  • Un taux de revascularisation plus important a été observé chez les patients ayant eu une imagerie de type avancé en comparaison avec ceux ayant eu une scintigraphie myocardique
  • On note une diminution de la mortalité d’origine cardiovasculaire chez les patients du groupe imagerie avancée lorsqu’une ischémie était recherchée

Introduction

L’insuffisance cardiaque est une pathologie fréquente avec une prévalence croissante, actuellement de 1 à 3% de la population mondiale, et une mortalité importante qui peut atteindre 15 à 30% à 1 an1. Dans le cas spécifique de l’insuffisance cardiaque d’origine ischémique, il existe encore d’importants débats sur le rôle de la revascularisation. En effet, bien que l’étude STICH ait démontré le bénéfice de la revascularisation chirurgicale par pontage aortocoronaire sur la mortalité à 10 ans2, l’étude REVIVED a récemment échoué à montrer l’intérêt d’une revascularisation percutanée dans ce contexte3. Dans tous les cas, les tests d’imagerie permettant d‘apprécier l’ischémie et la viabilité myocardique sont primordiaux pour guider la stratégie de revascularisation des patients. Parmi eux, on peut distinguer la scintigraphie myocardique et les imageries dites avancées (IRM cardiaque et PET-scanner) qui permettent d’apprécier le degré d’ischémie, de viabilité et de séquelle myocardique (Figure 1).

Cette étude avait pour objectif de déterminer l’impact des méthodes d’imagerie avancées (IRM cardiaque et PET-scanner) et de la scintigraphie myocardique dans l’exploration de l’ischémie et la viabilité myocardique chez les patients avec insuffisance cardiaque d’origine ischémique.

Figure 1 : Étude de l’ischémie, de la viabilité et des séquelles myocardiques par les tests d’imagerie
Source : présentation de Lisa Mielniczuk (Ottawa, Canada), ACC 2023

 

Méthodologie et Résultats

Il s’agissait d’une étude multicentrique (15 centres au Canada, aux États-Unis, en Amérique du Sud et en Finlande) composée d’un bras randomisé et d’un bras sous forme de registre. Les critères d’inclusion étaient une maladie coronaire documentée par coronarographie ou un antécédent d’infarctus du myocarde ou d’ischémie ou de séquelle myocardique, une FEVG <45% en classe NYHA II à IV ou une FEVG <30%. Le critère de jugement principal était le composite des décès d’origine cardiovasculaire, des infarctus du myocarde, des arrêts cardiaques récupérés ou des hospitalisations pour cause cardiaque (insuffisance cardiaque, syndrome coronaire aigu, arythmie). Pour permettre l’ajustement sur d’éventuels facteurs de confusion, un score de propension a été généré à partir des caractéristiques de base des patients, du site d’inclusion et du statut randomisé ou inclut dans le registre.

Au total, 1381 patients ont été inclus dans l’étude (âge moyen de 67 ans, 85.8% d’hommes, FEVG moyenne de 29%) : 271 patients ont été randomisés dans le groupe scintigraphie ou dans le groupe imagerie avancée (IRM ou PET-scanner), et 1110 patients ont été inclus dans le registre (Figure 2). Parmi eux, 1073 patients ont bénéficié d’une imagerie avancée (325 pour l’IRM cardiaque et 748 pour le PET-scanner) et 308 ont bénéficié d’une scintigraphie. On distinguait les patients selon que l’ischémie ou la viabilité était la principale question clinique.

Figure 2 : Flow-chart de l’étude
Source : présentation de Lisa Mielniczuk (Ottawa, Canada), ACC 2023

 

Au terme d’un suivi médian de 24 mois, il n’y a pas eu de différence significative sur la survenue du critère de jugement principal entre les deux méthodes d’imagerie, que ce soit pour la population globale (hazard ratio (HR) 0.95, intervalle de confiance à 95% (CI 95%) 0.71-1.25, p=0.696) (Figure 3) ou pour la recherche ciblée d’ischémie (HR 0.86, 95% CI 0.61-1.21, p=0.388).

Figure 3 : Courbes de survie pour le critère de jugement principal
Source : présentation de Lisa Mielniczuk (Ottawa, Canada), ACC 2023

 

Chez les patients chez lesquels l’ischémie était recherchée, on peut noter une diminution significative de la mortalité d’origine cardiovasculaire dans le bras imagerie avancée (IRM cardiaque ou PET-scanner) (HR 0.61, 95% CI 0.38-1.00, p=0.049) (Figure 4).

Il n’y a pas eu de différence pour le critère de jugement principal ou pour la mortalité d’origine cardiovasculaire chez les patients randomisés entre les deux types de méthodes d’imagerie.

Figure 4 : Courbes de survie pour la mortalité d’origine cardiovasculaire
Source : présentation de Lisa Mielniczuk (Ottawa, Canada), ACC 2023

Bien que les patients ayant bénéficié d’une imagerie avancée (IRM cardiaque ou PET-scanner) aient bénéficié d’une revascularisation significativement plus fréquente, celle-ci n’était pas associé à une diminution de la survenue du critère de jugement principal. Chez les patients avec recherche d’ischémie, on observe une tendance non significative à une amélioration du pronostic en cas de revascularisation précoce après test d’imagerie fonctionnelle avancé (Figure 5).

Figure 5 : Courbes de survie pour le critère de jugement principal selon le timing de revascularisation chez les patients avec recherche d’ischémie
Source : présentation de Lisa Mielniczuk (Ottawa, Canada), ACC 2023

Conclusions

Dans cette étude, il n’y a pas eu de différence de survenue du critère de jugement principal entre la scintigraphie myocardique et les imageries fonctionnelles avancées (IRM cardiaque et PET-scanner), aussi bien dans la population totale que dans le sous-groupe de patients randomisés entre les deux types d’imagerie. On peut noter un taux de revascularisation plus important chez les patients ayant eu une imagerie de type avancé. Enfin, on observe une diminution significative de la mortalité d’origine cardiovasculaire chez les patients du groupe imagerie avancée dans le cadre d’une recherche d’ischémie.

 

En sortie de session

Dans le cadre de patients insuffisants cardiaque d’origine ischémique,

  1. Pour la recherche d’ischémie, les imageries plus avancées semblent mieux stratifier le risque, mieux orienter le geste d’angioplastie et diminuer la mortalité cardiovasculaire de façon significative par rapport au groupe scintigraphie.
  2. Pour la recherche de viabilité, aucun signal (angioplastie, mortalité cardiovasculaire, récidive…)  permettant de différencier les test d’imagerie
  • Le choix de la méthode d’imagerie fonctionnelle n’a pas été associé dans cette étude à une différence de pronostic des patients avec insuffisance cardiaque d’origine ischémique.
  • La viabilité myocardique ne semble pas être le marqueur qui capture le mieux les patients qui devraient bénéficier d’une revascularisation, remettant une nouvelle fois en cause le concept de l’hibernation myocardique.
  • On peut regretter dans cette étude le faible taux de patients avec étude de la viabilité par scintigraphie ainsi qu’un traitement médical non optimal pour une population avec une FEVG moyenne de 29% (taux d’antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes <40% et taux d’inhibiteur de l’enzyme de conversion ou antagoniste des récepteurs à l’angiotensine II proche de 80%).
  • Ces données seront des pistes importantes pour de futures recherches sur le sujet dans les prochaines années afin de mieux comprendre les déterminants de la réponse à la revascularisation, chirurgicale ou percutanée, chez les patients avec insuffisance cardiaque d’origine ischémique.

 

Figure clé

Figure 6 : figure clé
Source : présentation de Lisa Mielniczuk (Ottawa, Canada), ACC 2023

Références

  1. Savarese G, Becher PM, Lund LH, Seferovic P, Rosano GMC, Coats AJS. Global burden of heart failure: a comprehensive and updated review of epidemiology. Cardiovasc Res 2023;118:3272–87.
  2. Velazquez EJ, Lee KL, Deja MA, Jain A, Sopko G, Marchenko A, et al. Coronary-artery bypass surgery in patients with left ventricular dysfunction. N Engl J Med 2011;364:1607–16.
  3. Perera D, Clayton T, O’Kane PD, Greenwood JP, Weerackody R, Ryan M, et al. Percutaneous Revascularization for Ischemic Left Ventricular Dysfunction. N Engl J Med 2022;387:1351–60.

 

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