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Prédiction du risque de mort subite à l’échelle individuelle : bientôt une réalité ?
Publié le mardi 29 août 2023
Auteure :
Orianne Weizman
Membre du Collège des Cardiologues en Formation,
Paris
En direct de l'ESC Congress 2023
D'après la présentation de Yaling Han (Shenyang, China) : "Extended clopidogrel monotherapy versus DAPT in high-risk patients: the OPT-BIRISK trial"
Les messages clés
- Grâce à des données de registre de mort subite en population générale croisées avec les données de la Sécurité Sociale, un modèle de machine learning a été développé pour prédire le risque de mort subite à l’échelle individuelle.
- Le modèle de machine learning le plus performant inclut à la fois des variables cardiovasculaires et non cardiovasculaires.
- Le modèle a été validé à la fois sur une cohorte de validation externe géographique et temporelle, et montre des résultats similaires.
- Cette technique peut être utilisée pour du screening en population générale afin d’évaluer les sujets les plus à risque de mort subite.
Introduction
La mort subite d’origine cardiaque présumée est une des principales causes de décès cardio-vasculaire et représente un problème de santé publique majeur1,2. La population générale est le groupe de patients dans lequel le nombre absolu de mort subite est le plus élevé. La mort subite constitue en effet souvent le premier évènement d’entrée dans la maladie cardiaque. Dans 85 % des cas, aucun diagnostic médical n’est fait dans les années précédant la mort subite. Il est encore difficile à l’heure actuelle de cibler quels sujets sont les plus à risque de présenter une mort subite.
Principe de l'étude, méthodologie et résultats
L’hypothèse faite dans cette analyse est la suivante : les modèles actuels basés sur le contexte cardiovasculaire du patient ne sont pas suffisants pour prédire le risque de mort subite. Une approche plus globale, agnostique, basée sur la totalité de la consommation de soins médicaux pourrait améliorer les capacités de prédictions de mort subite en population générale.
Cette analyse a exploité les données des patients inclus dans le registre francilien de l’arrêt cardiaque (CEMS/SDEC Registry). Ce registre inclut systématiquement depuis mai 2011 tous les patients ayant présenté un arrêt cardio-respiratoire extra-hospitalier de cause cardiaque présumée dans Paris et sa petite couronne3,4. Pour chacun de ces patients ayant présenté une mort subite, un jumeau numérique était attribué, basé sur les données de la Sécurité Sociale (SNDS), comprenant potentiellement 36 millions de variables. (Figure 1)
Figure 1 : Construction du modèle
Ainsi, 12 338 cas de mort subite inclus entre 2011 et 2015 ont été jumelés à 37 014 patients contrôles. Sur tous ces patients, un modèle de machine learning a été entrainé pour établir un modèle de risque personnalisé de mort subite.
Une fois le modèle établi, il a été validé à deux niveaux :
- Validation temporelle : le modèle a été validé sur les patients du registre francilien de mort subite inclus entre 2016 et 2020 à des patients contrôles des données de la Sécurité Sociale (selon la même méthodologie que pour la construction du modèle)
- Validation géographique : le modèle de machine learning a été validé sur les données du registre de mort subite de Seattle (tous les cas de mort subite entre 2013 et 2021 avec données de l’assurance maladie au moins 5 ans avant l’évènement). N = 892 patients matchés à 6 418 patients contrôles.
Les performances du modèle de machine learning incluant les variables non cardiovasculaires (AUC dans la cohorte index 0,80 [95 % CI 0,78-0,82]) faisaient mieux que le modèle de régression logistique incluant les variables cardiovasculaires (AUC 0,78 [0,76-0,80]), non cardiovasculaires (AUC 0,67 [0,65 -0,69]), et le modèle de machine learning incluant les variables cardiovasculaires également. (AUC 0,68 [0,66-0,70]) (Figure 2).
Figure 2 : Performances du modèle
(en rouge : variables non cardiovasculaires, en noir : variables cardiovasculaires seules, en pointillé : régression logistique, en ligne continue : machine learning)
Les résultats étaient similaires dans la cohorte de validations temporelle et géographique. Dans le décile de risque le plus élevé selon le modèle de machine learning, ce dernier était capable de prédire près d’un tiers des cas de mort subite. Les variables incluses dans le modèle de machine learning comportaient : des traitements médicaux à effet neurologique, cardiovasculaire, digestif (> 10 % d’importance dans le modèle), puis les traitements anti-infectieux, les troubles mentaux, et les traitements respiratoires (importance de 5 à 10 % dans le modèle).
Conclusion
En conclusion, ce modèle de machine learning reflète l’importance des variables non cardiovasculaires dans la prédiction du risque de mort subite.
Néanmoins, ces facteurs, même s’ils aident à améliorer la prédiction, ne sont pas des facteurs causaux, mais simplement des facteurs statistiquement associés.
Ce modèle peut donc être amélioré, mais en l’état, cet outil peut être utilisé pour screener le risque de mort subite dans la population globale. Il s’agit d’une première étage vers une individualisation du risque de mort subite.
Références bibliographiques
- Adabag AS, Luepker RV, Roger VL, Gersh BJ. Sudden cardiac death: epidemiology and risk factors. Nat Rev Cardiol 2010;7:216–25. https://doi.org/10.1038/nrcardio.2010.3.
- Empana J-P, Lerner I, Valentin E, Folke F, Böttiger B, Gislason G, et al. Incidence of Sudden Cardiac Death in the European Union. J Am Coll Cardiol 2022;79:1818–27. https://doi.org/10.1016/j.jacc.2022.02.041.
- Bougouin W, Lamhaut L, Marijon E, Jost D, Dumas F, Deye N, et al. Characteristics and prognosis of sudden cardiac death in Greater Paris: Population-based approach from the Paris Sudden Death Expertise Center (Paris—SDEC). Intensive Care Med 2014;40:846–54. https://doi.org/10.1007/s00134-014-3252-5.
- Sharifzadehgan A, Gaye B, Bougouin W, Narayanan K, Dumas F, Karam N, et al. Lack of early etiologic investigations in young sudden cardiac death. Resuscitation 2022:S0300-9572(22)00588-3. https://doi.org/10.1016/j.resuscitation.2022.06.023.
Pour en savoir plus, consultez les LBS, LBT et hotlines complètes, en langue anglaise, présentées lors de l'ESC 2023 :
Toute l'actualité de l'ESC 2023
Cette couverture de congrès vous est proposée grâce au soutien institutionnel de
l'alliance Boehringer Ingelheim - Lilly, de CSL Vifor et de Sanofi
Ce compte rendu d'étude ne reflète pas l'opinion de Cardio-online ou de la SFC, et n'engage pas leur responsabilité.
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