ACC 2023 : l'essai MASTER@HEART : le sport intensif d’endurance pratiqué de longue date entraîne une accélération paradoxale de la maladie coronaire chez les hommes à bas risque cardiovasculaire

Publié le vendredi 10 mars 2023

Nabil Bouali

Auteur :
Nabil Bouali
Poitiers

Relecteur : Dr Guillaume Bonnet, New York

En direct de l'ACC 2023

D'après la présentation de Ruben De Bosscher (Louvain, Belgique) : “Masters@Heart: Lifelong Endurance Exercise And Its Relationship With Coronary Atherosclerosis. Ruben De Bosscher"

Messages clés

  • L’étude Master@Heart confirme une évolution défavorable de la maladie coronaire objectivée au coroscanner avec plus de plaques coronaires, y compris plus de plaques non calcifiées dans les segments proximaux chez des athlètes pratiquant une activité intensive d’endurance de longue date, comparativement à une population du même âge ne pratiquant pas d’activité d’endurance intensive.
  • Cette étude ne permet pas de conclure à un effet néfaste de ce genre d’activité sur un critère clinique et elle donne des éléments de compréhension supplémentaire, même si des recherches complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes d’accélération du développement des plaques et de leur calcification chez les athlètes.

Contexte

L’activité physique régulière améliore le contrôle de la pression artérielle, le profil lipidique et réduit l'incidence du diabète et de l'infarctus du myocarde tout en augmentant l'espérance de vie1-2-3-4.

Cependant, les données de la littérature sont discordantes sur l’impact de l’activité physique d’endurance pratiquée de manière intensive dans la maladie coronaire. Les premières études ont indiqué que la pratique régulière d'un sport d'endurance intensif (les marathoniens) conférait une protection relative vis-à-vis la maladie coronaire5. La controverse commence lorsqu’en 2008, Mohlenkamp (et al.) décrit une augmentation du score calcique coronaire dans une population d’athlètes (marathoniens), comparativement à une population en bonne santé du même âge, avec plus de plaques calcifiées, alors que dans la population non athlétique, on retrouvait plus de plaques mixtes.

En 2017, la cohorte de Aengevaeren6 (et al.) corrobore cette idée d’une aggravation paradoxale du score calcique coronaire chez les patients très sportifs, comparativement à des patients moins sportifs, avec une progression de l'athérome coronaire qui serait supérieure avec un exercice très intense par rapport à un exercice moins intense. Merghani (et al.) confirmera ces données7 et la notion de prédominance des plaques calcifiées chez l’athlète, alors que ce sont les plaques mixtes qui semblent prédominer chez le non-athlète.

Les mécanismes de ce processus sont mal compris et dans un contexte de développement des sports intensifs d’endurance dans la société moderne, il devient urgent de mieux comprendre l’impact de cette pratique sur la maladie coronaire.

L’objectif de l’étude Master@Heart est d’évaluer l’impact de l’activité physique d’endurance de longue date sur la maladie coronaire.

Design de l'étude

L’étude Master@Heart est une étude de cohorte observationnelle prospective qui inclut 605 hommes de 45 à 70 ans, sans facteurs de risque cardiovasculaire, pratiquant depuis au moins 6 mois une activité physique d’endurance intensive (> 9h de cyclisme par semaine ou > 6h de course à pied) ou sans activité physique d’endurance intensive (< 3h/semaine).

Au final, 191 patients étaient dans le groupe activité d’endurance intensive de longue date (début de cette activité à l’âge < 30 ans), 191 dans le groupe activité d’endurance intensive avec début plus tardif (début de cette activité à l’âge > 30 ans) et 176 dans le groupe contrôle, composée d’individus en bonne santé sans activité intensive d’endurance (Figure 1).

La condition physique était évaluée grâce à un test de VO2max et le critère de jugement principal a évalué la prévalence des plaques coronaires grâce à un coroscanner.

Figure 1 : Diagramme de flux (Flowchart)

Figure 1. Diagramme de flux (Flowchart)
Source : présentation de Ruben De Bosscher (Louvain, Belgique) à l'ACC 2023

Résultats

L'âge médian était de 55 ans dans tous les groupes et les sportifs (que l’activité existe de longue date ou ait connu un début plus tardif) avaient une VO2 max plus élevée que les non sportifs (159 [143-177] vs 155 [138-169] vs 122 [108-138] % prédit).

La pratique d'un sport intensif d'endurance pratiqué de longue date tout au long de la vie par rapport à une personne non athlétique était associée à :

  • plus de plaques d’athérosclérose (OR 1.86, 95 % CI 1.17 - 2.94)
  • plus de plaques proximales (OR 1.96, 95 % CI 1.17 - 2.94)
  • plus de plaque calcifiées (OR 1.58, 95 % CI 1.01 - 2.49)
  • plus de plaques calcifiées proximales (OR 2.07, 95 % CI 1.28 - 3.35)
  • plus de plaques non calcifiées (OR 1.95, 95 % CI 1.12 -3,40)
  • plus de plaques proximales non calcifiées (OR 2,80, 95 % CI 1,39 - 5,65)
  • plus de plaques mixtes (OR 1,78, 95 % CI 1,06 - 2,98)

Dans cette étude, le pourcentage de plaques calcifiées est de 62,5 % dans le groupe pratiquant de longue date, de 66,9 % dans le groupe pratiquant avec début plus tardif, et 67 % dans le groupe ne pratiquant pas d’activité intensive d’endurance (Figures 2 et 3).

Figure 2 : Répartition du type de plaques en fonction de l’activité d’endurance pratiquée

Figure 2. Répartition du type de plaques en fonction de l’activité d’endurance pratiquée 
Source : présentation de Ruben De Bosscher (Louvain, Belgique) à l'ACC 2023 

Figure 3 : Répartition de la prévalence des plaques dans les 3 groupes

Figure 3. Répartition de la prévalence des plaques dans les 3 groupes 
Source : présentation de Ruben De Bosscher (Louvain, Belgique) à l'ACC 2023

Conclusion

  • Le sport intensif d'endurance pratiqué de longue date (avant 30 ans) est associé à une évolution défavorable de la maladie coronaire par rapport à un mode de vie sain sans activité intensive d’endurance.
  • Les athlètes d'endurance pratiquant de longue date (avant 30 ans) ont plus de plaques coronaires, y compris plus de plaques non calcifiées dans les segments proximaux, que les personnes en bonne santé ayant un profil de risque cardiovasculaire également faible.
  • Des recherches complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes d’accélération du développement des plaques et de leur calcification chez les athlètes.
Figure 4 : Evolution de la plaque d’athérosclérose selon l’activité physique

Figure 4. Evolution de la plaque d’athérosclérose selon l’activité physique 
Source : présentation de Ruben De Bosscher (Louvain, Belgique) à l'ACC 2023

En sortie de session

  • La pratique de l’activité intensive d’endurance de longue date est associée à plus de plaques d’athérosclérose, calcifiées et non calcifiées, et en particulier dans les segments proximaux, comparativement à un mode de vie sain mais non athlétique.
  • Cette étude, conclue sur un critère de jugement de type intermédiaire, ne permet pas de conclure à un effet néfaste sur un critère clinique de l’activité physique d’endurance intensive.
  • Une hypothèse explicative est médiée par une réaction des vaisseaux coronaires au "shear stress" (effet de cisaillement).
  • Il est à noter que cette étude concerne une population bien sélectionnée, à bas risque cardiovasculaire, et qu’aucune femme n’a été incluse. De plus, le caractère rétrospectif du recueil de certaines données, en particulier sur l’activité d’endurance de longue date, expose d’autant plus à des biais de mémorisation et d’information.

Figure clé

Figure Clé

Figure clé. Schéma résumé de l'étude
Source : présentation de Ruben De Bosscher (Louvain, Belgique) à l'ACC 2023

Références

  1. Cornelissen VA, Fagard RH. Effects of endurance training on blood pressure, blood pressure regulating mechanisms, and cardiovascular risk factors. Hypertension. 2005;46(4):667-75.
  2. Kelley GA, Kelley KS, Franklin B. Aerobic exercise and lipids and lipoproteins in patients with cardiovascular disease: a meta-analysis of randomized controlled trials. J Cardiopulm Rehabil. 2006;26(3):131-9; quiz 40-1, discussion 42-4. 22
  3. Thomas DE, Elliott EJ, Naughton GA. Exercise for type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev. 2006;(3):CD002968. 24
  4. Koolhaas CM, Dhana K, Golubic R, Schoufour JD, Hofman A, van Rooij FJ, et al. Physical Activity Types and Coronary Heart Disease Risk in Middle-Aged and Elderly Persons: The Rotterdam Study. Am J 26 Epidemiol. 2016;183(8):729-38.
  5. Bassler TJ. More on immunity to atherosclerosis in marathon runners. N Engl J Med 978;299(4): 201.
  6. Aengevaeren VL, Mosterd A, Braber TL, Prakken NHJ, Doevendans PA, Grobbee DE, et al. Relationship Between Lifelong Exercise Volume and Coronary Atherosclerosis in Athletes. Circulation. 2017;136(2):138-48.
  7. Merghani A, Maestrini V, Rosmini S, Cox AT, Dhutia H, Bastiaenan R, et al. Prevalence of Subclinical Coronary Artery Disease in Masters Endurance Athletes With a Low Atherosclerotic Risk Profile. Circulation. 2017;136(2):126-37.

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