COP-AF - Colchicine pour la prévention de la fibrillation auriculaire périopératoire après une chirurgie thoracique majeure

Publié le samedi 26 août 2023

Corentin Bourg

Auteur :
Corentin Bourg
Membre du Collège des Cardiologues en Formation,
Rennes

Guillaume Bonnet

Relecteur :
Guillaume Bonnet
Membre du Collège des Cardiologues en Formation,
Pessac

En direct de l'ESC Congress 2023

D'après la présentation de David Conen (Hamilton, Canada) : "COP-AF - Colchicine for the prevention of perioperative atrial fibrillation after major thoracic surgery"

Les messages clés

  • La colchicine ne permet pas de réduire la fibrillation atriale en post-opératoire d’une chirurgie thoracique non cardiaque
  • Le profil de sécurité de la colchicine n’est pas remis en question et permet de laisser la porte ouverte à d’autres études de grande envergure.

Introduction

La fibrillation atriale (FA) et les lésions myocardiques après chirurgie non cardiaque ("myocardial injury after non cardiac surgery" = MINS) sont des éléments affectant le pronostic des patients subissant une chirurgie thoracique lourde non cardiologique1,2. Il s’agit d’une problématique importante, puisque dans la période péri-opératoire, la prévalence de la fibrillation atriale est élevée (jusqu’à 10 %) et celle des MINS est estimée à 20 %.

Les traitements anti-inflammatoires sont réputés pour leur capacité à diminuer la survenue de ces complications.

Par ailleurs, l’effet anti-inflammatoire de la colchicine est bien connu et a démontré un bénéfice dans la réduction du risque de FA après chirurgie cardiaque dans des essais cliniques de petite taille3. La colchicine a également montré ses bénéfices dans la réduction des évènements cardiovasculaires chez les patients porteurs d’une coronaropathie (Essai LoDoCo2 et COLCOT)4,5.

L’objectif de l’étude COP-AF est d’étudier l’effet de la colchicine (par voie orale) sur la survenue de fibrillation atriale « FA périopératoire cliniquement significative » et de lésions myocardiques après chirurgie non cardiaque (MINS). Cela dans une population de patients subissant une chirurgie thoracique non cardiaque majeure.

Principe de l'étude, méthodologie et résultats

Figure 1 : Illustration centrale résumant les principaux éléments méthodologiques et les résultats principaux de COP-AF Source : ESC

Figure 1 : Illustration centrale résumant les principaux éléments méthodologiques et les résultats principaux de COP-AF
Source : ESC

Méthodologie

L’étude a inclus des patients âgés de plus de 55 ans devant subir une chirurgie non-cardiaque élective sous anesthésie générale et nécessitant au moins une nuit d’hospitalisation en post-opératoire.

Les critères de jugements principaux évalués après 14 jours de suivi sont :

  1. « FA cliniquement significative » : FA associée à une symptomatologie angineuse ou bien provoquant un tableau d’insuffisance cardiaque ou une hypotension artérielle symptomatique nécessitant la mise en place d’un traitement spécifiques (bradycardisant, anti-arythmique, cardioversion électrique)
  2. Lésions myocardiques après chirurgie non cardiaque (MINS) : infarctus du myocarde ou taux de troponines post-opératoire élevés, considérés comme étant dus a une ischémie myocardique significative

Les participants ont été répartis de manière aléatoire dans un rapport de 1:1 pour recevoir soit de la colchicine orale 0,5 mg deux fois par jour, soit un placebo correspondant, en commençant le jour de la chirurgie, et pour une durée totale de 10 jours.

N.B. : le protocole a été modifié en cours d’étude. En effet, celui-ci devait seulement évaluer la prévalence de FA, mais le critère de jugement sur l’ischémie myocardique (MINS) a été ajouté après la publication des études LoDoCo2 et COLCOT. Ainsi, l’objectif recrutement est passé de 2 800 à 3 200 patients.

Résultats

L'étude a inclus 3 209 patients provenant de 45 sites répartis dans 11 pays. L'âge moyen était de 68 ans et 48,4 % des patients inclus étaient des femmes.

Les résultats ne montrent pas de différence statistiquement significative entre les groupes pour les critères de jugement primaires (Figure 2) :

  1. Une fibrillation auriculaire (FA) cliniquement significative s'est développée chez 103 sur 1 608 patients (6,4 %) assignés à la colchicine, et chez 120 sur 1 601 patients (7,5 %) assignés au placebo, avec un "hazard ratio" (HR) de 0,85 (IC 95 % de 0,65 à 1,10) et une réduction absolue du risque (RAR) de 1,1 % (IC 95 % -0,7 à 2,8, p = 0,22).
  2. Les MINS sont survenus chez 295 patients (18,3 %) assignés à la colchicine, et 325 patients (20,3 %) assignés au placebo, HR 0,89 (IC 95 % 0,76 à 1,05) et RAR à 2,0 % (IC 95 % -0,8 à 4,7, p = 0,16).
Figure 2 : Courbe de Kaplan-Meier des critères de jugements principaux entre le groupe traité par colchicine et le groupe placebo (a gauche : sur la fibrillation atriale ; à gauche : sur les MINS) Source : diaporama du Pr Conen durant la session Hotline-1 de l'ESC 2023

Figure 2 : Courbe de Kaplan-Meier des critères de jugements principaux entre le groupe traité par colchicine et le groupe placebo (a gauche : sur la fibrillation atriale ; à gauche : sur les MINS)
Source : diaporama du Pr Conen durant la session Hotline-1 de l'ESC 2023

Aucune différence significative n'a été observée entre les groupes de traitement pour les critères de jugement secondaires, notamment le composite de la mortalité toutes causes confondues, les MINS non mortels et les accidents vasculaires cérébraux non mortels, HR 0,88 (IC 95 % 0,75 à 1,03) ; le composite de la mortalité toutes causes confondues, l'infarctus du myocarde (IDM) non mortel et l'accident vasculaire cérébral non mortel, HR 0,67 (IC 95 % 0,39 à 1,17) ; les MINS ne remplissant pas la quatrième définition universelle de l'IDM, HR de 0,90 (IC 95 % 0,76 à 1,06) ; et l'IDM, HR 0,86 (IC 95 % 0,41 à 1,81).

Dans les analyses post hoc, le critère de jugement composite de la FA périopératoire cliniquement significative ou des MINS s'est produit chez 360 patients (22,4 %) dans le groupe colchicine et chez 415 patients (25,9 %)  dans le groupe placebo (HR 0,84 ; IC à 95 % 0,73 à 0,97).

Six patients ont eu un accident vasculaire cérébral, 1 (0,1 %) dans le groupe colchicine et 5 (0,3 %) dans le groupe placebo (p = 0,12).

D'un point de vue de la sécurité, le critère de jugement composite de sepsis ou d'infection s'est produit chez 103 (6,4 %) patients dans le groupe colchicine, et 83 (5,2 %) patients dans le groupe placebo (HR 1,24 ; IC 95 % 0,93 à 1,66).

La colchicine a augmenté l'incidence de la diarrhée non infectieuse, avec 134 (8,3 %) patients contre 38 (2,4 %) patients, HR 3,64 (IC 95 % 2,54 à 5,22). Aucun traitement n'a été nécessaire dans 66 (38,4 %) cas de diarrhée, 15 (8,7 %) patients ont eu besoin d'hydratation intraveineuse, 2 (1,2 %) ont reçu des antibiotiques et 1 (0,7 %) patient a nécessité une réadmission pour diarrhée. Dans le groupe colchicine, la durée médiane d’hospitalisation était comparable entre les deux groupes (5 jours).

Conclusion

En conclusion, l’administration de colchicine chez les patients subissant une chirurgie thoracique majeure non cardiologique ne réduit pas l’incidence de fibrillation atriale ou d’ischémie myocardique de façon significative. 

Discussion en sortie de session

Plusieurs éléments qui pourraient expliquer les résultats neutres de cette étude :

  • La puissance de l’étude n’est pas tout à fait suffisante au vu des incidences prévues versus celles réellement observées (plus faibles) pour les 2 critères de jugement principaux.
  • Les auteurs ont utilisé un composite de FA et de MINS dans une analyse post-hoc qui ressort positif, mais la pertinence clinique n’est pas évidente. En effet, leurs physiopathologies et leurs conséquences cliniques sont différentes.
  • Nous n’avons pas de retour sur la proportion de péricardite post-opératoire ; de plus, nous n’avons pas d’informations sur la présence de valvulopathies

Il est à noter que les patients (n = 1 219) ayant eu une thoracoscopie semblent avoir un bénéfice significatif de la colchicine. Ce type d’approche chirurgical pourrait être sujet à d’autres études à venir.

Les résultats montrent des signaux positifs quant à la sureté de l’utilisation de la colchicine. Cela permet de laisser la porte ouverte à d’autres études avec une puissance plus importante. Ces résultats pourraient permettre de juger de l’efficacité de la colchicine dans la réduction du risque de FA, notamment après chirurgie cardiaque ou procédure d’ablation percutanée.

Références bibliographiques

  1. Conen D, Alonso-Coello P, Douketis J, et al. Risk of stroke and other adverse outcomes in patients with perioperative atrial fibrillation 1 year after non-cardiac surgery. Eur Heart J. 2020;41:645-651.
  2. Devereaux PJ, Biccard BM, Sigamani A, et al. Association of postoperative high-sensitivity troponin levels with myocardial injury and 30-day mortality among patients undergoing noncardiac surgery. JAMA. 2017;317:1642-1651.
  3. Agarwal S, Beard CW, Khosla J, et al. Safety and efficacy of colchicine for the prevention of post- operative atrial fibrillation in patients undergoing cardiac surgery: a meta-analysis of randomized controlled trials. Europace. 2023;25:euad169.
  4. Nidorf SM, Fiolet ATL, Mosterd A, et al. Colchicine in patients with chronic coronary disease. N Engl J Med. 2020;383:1838-1847.
  5. Tardif JC, Kouz S, Waters DD, et al. Efficacy and safety of low-dose colchicine after myocardial infarction. N Engl J Med. 2019;381:2497-2505.

Pour en savoir plus, consultez les LBS, LBT et hotlines complètes, en langue anglaise, présentées lors de l'ESC 2023 :

Toute l'actualité de l'ESC 2023

 

Cette couverture de congrès vous est proposée grâce au soutien institutionnel de
l'alliance Boehringer Ingelheim - Lilly, de CSL Vifor et de Sanofi

Boehringer Ingelheim - Lilly
CSL Vifor
Sanofi

 

 
 
 
Ce compte rendu d'étude ne reflète pas l'opinion de Cardio Online ou de la SFC, et n'engage pas leur responsabilité.

 

Articles les plus lus