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Une hypertrophie ventriculaire gauche soudaine…

Dr Leslie Motté
Service cardiologie
CHU Cochin, Paris
Analysez, étape par étape, le cas de cette patiente de 34 ans, sans antécédent, qui consulte aux urgences pour une dyspnée et des douleurs abdominales aiguës, dont le bilan biologique démontre un discret syndrome inflammatoire, une insuffisance rénale aiguë et une cytolyse hépatique, et dont le scanner abdominal révèle un épanchement péricardique sur les coupes hautes, et prononcez-vous avant de découvrir son diagnostic final !
Une patiente de 34 ans consulte aux urgences pour une dyspnée et des douleurs abdominales aiguës.
Enquête
- La patiente n’a pas d’antécédent particulier, et présente depuis 3 jours de la fièvre, avec toux et courbatures.
- Devant une majoration de ses douleurs abdominales et une dyspnée brutale, elle consulte aux urgences.
- Au SAU, elle est stable sur le plan hémodynamique et respiratoire.
- Le bilan biologique retrouve un discret syndrome inflammatoire, une insuffisance rénale aiguë à 96 umol/L de créatinine, et une cytolyse hépatique à 25N.
- Elle bénéficie d’un scanner abdominal, qui retrouve, sur les coupes hautes, un épanchement péricardique.
- L’ECG et l’ETT sont les suivants (Figure 1 et vidéos 1 à 4).
- On complète le bilan biologique avec les marqueurs cardiaques : la troponine T est à 77 ng/L (N < 14) et le NT proBNP à 4169 ng/L.
Figure 1 - ECG en phase initiale
Il s’agissait d’un œdème diffus secondaire à une myocardite !
La PCR est revenue positive à la grippe Influenza B.
La patiente a été drainée de 800 cc d’un liquide séro-hématique devant la pré-tamponnade à l’échographie, permettant une amélioration de sa dyspnée.
Il n’y avait pas d’autre étiologie retrouvée que la grippe B à son épanchement péricardique (notamment absence de tuberculose, bilan auto-immun négatif, absence de néoplasie).
Devant l’élévation de la troponine et l’HVG concentrique importante non connue chez cette patiente, auparavant asymptomatique, et sans antécédent familial, nous avons réalisé en premier lieu une IRM myocardique (Figures 2 et 3), 6 jours après l’échographie initiale.
Celle-ci a retrouvé une FEVG conservée sur un ventricule gauche alors non hypertrophié (SIV 11 mm), avec une élévation diffuse du T2 mapping et un discret rehaussement tardif sous-épicardique inféro-latéral moyen, débordant en basal, sans autre anomalie.
Figure 2 - IRM en phase initiale
A : petit axe
B : 2 cavités
C : 3 cavités
D : 4 cavités
Figure 3 - IRM en phase initiale – Séquence tardive
Traitement et gestion réels du cas
Afin de conclure à une hypertrophie uniquement secondaire à cet œdème, nous avons éliminé les autres causes de CMH avec :
- Dosage des chaînes légères, électrophorèse et immuno-électrophorèse des protéines sériques normaux
- Bilan martial retrouvant une ferritine normale et un profil d’anémie inflammatoire
- Dosage de l’alpha-galactosidase normal
- Bilan génétique ne retrouvant pas de mutation sur un panel cardiomyopathie niveau 1.
La patiente a donc été mise sous Bêtabloquants, IEC, Aspirine, Colchicine, et Tamiflu, avec une bonne évolution au décours. On conclut également à une hépatite virale avec une part cardiaque devant la cytolyse hépatique majeure à l’arrivée, spontanément résolutive, sans autre virus hépatotoxique documenté, échographie hépatique normale et paracétamolémie négative.
Suivi de la patiente
La patiente a été revue à 4 mois (Figure 4). Elle se déclarait asymptomatique, et le bilan biologique était normalisé, notamment le bilan hépatique et le NT proBNP à 133 ng/L.
L’ETT de contrôle (Vidéos 5 à 8) retrouvait un ventricule gauche non hypertrophié, avec une fraction d’éjection conservée.
L’IRM (Figures 5 et 6) retrouvait également une normalisation du T2 mapping et l’absence de rehaussement tardif.
Un test d’effort réalisé 6 mois après l’épisode aigu ne retrouvait pas de trouble du rythme pour un effort de 150 W à 84 % de la FMT, et le holter ECG sur 24h était également normal.
Figure 4 - ECG à 4 mois
Figure 5 - IRM à 4 mois
A : petit axe
B : 2 cavités
C : 3 cavités
D : 4 cavités
Figure 6 - IRM à 4 mois - Séquence tardive
Discussion
- L’incidence des myopéricardites dans les infections grippales est plutôt faible, entre 0 et 14 %1, mais elles se révèlent par des tableaux bruyants et graves avec, dans un tiers des cas, une tamponnade, deux tiers des cas, un choc cardiogénique, et environ 15 % de mortalité2. La grande majorité des cas déjà publiés d’HVG sur œdème dans des contextes de myocardites grippales évoluent rapidement et défavorablement vers une dysfonction ventriculaire gauche, et une nécessité d’assistance.
- Un traitement précoce antiviral doit être introduit, et la corticothérapie peut se discuter.2
- Le cas de notre patiente contraste par sa gravité initiale de cytolyse hépatique et pré-tamponnade, avec sa rapide bonne évolution et la récupération ad integrum à sa réévaluation à 4 mois.
- Dans la littérature, l’étendue de l’œdème à la phase initiale semble plutôt être un facteur pronostique de la survenue d’évènements cardiovasculaires, et l’absence d’œdème et de rehaussement tardif résiduel à 6 mois ne représente que 11 % des cas dans les myocardites à FEVG préservée3.
Conclusion
Une hypertrophie ventriculaire gauche concentrique diffuse peut se voir dans les myocardites grippales, et est secondaire à un œdème diffus signé à l’IRM par une élévation du T2 mapping.
Ces patients doivent être monitorés de façon rapprochée, car il se dégradent généralement rapidement, dans les quelques jours après le début des symptômes.
Références
- Sellers SA, Hagan RS, Hayden FG, Fischer WA 2nd. The hidden burden of influenza: A review of the extra-pulmonary complications of influenza infection. Influenza Other Respir Viruses. 2017 Sep;11(5):372-393. doi: 10.1111/irv.12470. PMID: 28745014; PMCID: PMC5596521.
- Radovanovic M, Petrovic M, Barsoum MK, Nordstrom CW, Calvin AD, Dumic I, Jevtic D, Hanna RD. Influenza Myopericarditis and Pericarditis: A Literature Review. J Clin Med. 2022 Jul 15;11(14):4123. doi: 10.3390/jcm11144123. PMID: 35887887; PMCID: PMC9316162.
- Aquaro GD, Ghebru Habtemicael Y, Camastra G, Monti L, Dellegrottaglie S, Moro C, Lanzillo C, Scatteia A, Di Roma M, Pontone G, Perazzolo Marra M, Barison A, Di Bella G; “Cardiac Magnetic Resonance” Working Group of the Italian Society of Cardiology. Prognostic Value of Repeating Cardiac Magnetic Resonance in Patients With Acute Myocarditis. J Am Coll Cardiol. 2019 Nov 19;74(20):2439-2448. doi: 10.1016/j.jacc.2019.08.1061. PMID: 31727281.esponsabilité
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Priorité au contexte clinique
Amylose AL urgence thérapeutique évolution rapide aspect amyloïde, épanchement péricardique référer à un centre expert après electrophoreses immuno fixation chaînes légères sang et urines et prit de BJ
Myocardite aigue vu le contexte. 34 ans c'est jeune pour une amylose avec une HVG pareille.
Amylose AL ?