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TAVI dans l’insuffisance aortique native sévère à haut risque chirurgical : la valve Trilogy confirme son potentiel dans l’étude ALIGN-AR
Publié le mercredi 2 avril 2025
En direct du congrès de l'ACC 2025
D'après la présentation de Dr. Raj Makkar (Los Angeles, USA) : "Clinical And echocardiographic outcomes among the first 500 patients treated with a dedicated transcatheter aortic valve for pure aortic regurgitation in the Align-AR clinical trial".
Messages clés
- ALIGN-AR est la plus vaste étude à ce jour chez les patients symptomatiques à haut risque avec régurgitation aortique native traitée par TAVI.
- Le dispositif Trilogy (JenaValve) a démontré un succès technique élevé (95,2 %) avec un excellent profil hémodynamique stable à 2 ans.
- Les critères de sécurité (26,2 % vs. 40,5 %) et d’efficacité (8,1 % vs. 25 %) ont été atteints avec une forte significativité statistique (p < 0,0001).
- Très faibles taux de complications majeures à 30 jours : 0 % décès perprocédural, 1,4 % décès à 30 jours, 1,6 % d’embolisation de valve, 0,8 % AVC invalidant.
- Régurgitation paravalvulaire ≥ modérée dans seulement 0,9 % des cas à 2 ans.
- Taux élevés de pacemaker (jusqu’à 24 %) – prédicteurs : bloc de branche droit, diamètre annulaire ≥85 mm, insuffisance cardiaque congestive, IA sévère.
- Ces données confortent le lancement d’un essai randomisé contre chirurgie chez des patients à risque plus faible (étude ARTIST).
Introduction
Chez les patients avec insuffisance aortique (IA) sévère, symptomatiques mais à haut risque chirurgical, aucun dispositif TAVI n’est officiellement approuvé à ce jour. L’usage hors AMM de valves prévues pour la sténose expose à des complications importantes (régurgitation paravalvulaire, embolisation…).
La valve Trilogy, dotée d’un système d’ancrage original sans nécessiter de calcifications, vise à combler ce besoin thérapeutique.
Méthodologie et résultats
Étude prospective, multicentrique, en bras unique (États-Unis).
- 500 patients inclus (âge moyen : 76,6 ans ; 46,2 % de femmes).
- IA ≥ grade 3 + symptômes NYHA ≥ classe II.
- Patients jugés à haut risque chirurgical par le Heart Team.
Critères d’exclusion : valve bicuspide, dilatation aortique, valvulopathies associées sévères, besoin de revascularisation.
Le critère principal de sécurité, qui comprenait les événements majeurs à 30 jours (décès, AVC, complications vasculaires, réintervention, régurgitation modérée ou plus, etc.), a été atteint chez 26,2 % des patients, un résultat significativement inférieur au seuil de non-infériorité préspécifié de 40,5 % (p < 0,0001). Quant au critère principal d’efficacité, défini par la mortalité toutes causes à un an, celle-ci s’élevait à 8,1 %, bien en dessous du seuil critique fixé à 25 % (p < 0,0001).
Figure 1 : critère principal de sécurité
Le taux de succès procédural était élevé, atteignant 95,2 %, avec aucun décès perprocédural recensé. À 30 jours, la mortalité était limitée à 1,4 %, le taux d’embolisation de valve s’élevait à 1,6 %, et celui d’AVC invalidant à 0,8 %.
Sur le plan hémodynamique, les performances de la valve sont restées excellentes au fil du temps. Le gradient transvalvulaire moyen, initialement à 7,5 mmHg avant procédure, chutait à 3,7 mmHg à 30 jours, puis se stabilisait autour de 4,2 mmHg à 1 et 2 ans. La surface orificielle effective (EOA), quant à elle, restait constante autour de 2,8 cm², ce qui témoigne d’un excellent débit et d’une faible résistance à l’éjection.
Figure 2 : performance de la valve
La régurgitation paravalvulaire, complication redoutée du TAVI en contexte d’insuffisance aortique, était absente ou trace dans plus de 95 % des cas à 2 ans, avec un taux de régurgitation modérée ou plus ne dépassant pas 0,9 %.
Figure 3 : prédicteurs d’implantation de pacemaker post-TAVI
Enfin, la pose d’un pacemaker permanent après procédure restait relativement fréquente, survenant chez 23 à 24 % des patients selon les cohortes. Une analyse multivariée a identifié plusieurs facteurs prédictifs indépendants : la présence d’un bloc de branche droit de base (OR = 6,66), un périmètre annulaire ≥85 mm, une insuffisance cardiaque préexistante, et une insuffisance aortique sévère comparée aux formes modérées-sévères.
Conclusion
L’étude ALIGN-AR marque une avancée significative dans la prise en charge des patients atteints d’insuffisance aortique native symptomatique, jugés inéligibles à la chirurgie. Pour la première fois, une valve transcathéter spécifiquement conçue pour cette indication démontre non seulement une sécurité et une efficacité convaincantes, mais aussi des performances hémodynamiques durables jusqu’à deux ans.
Pour aller plus loin
Les patients présentant une fuite aortique native symptomatique, inopérables ou à haut risque opératoire, représentent aujourd’hui une population en impasse thérapeutique. Bien que ces patients ne constituent qu’une niche dans le volume global du TAVI, cette indication mérite d’être pleinement reconnue comme une entité à part entière, avec des besoins spécifiques.
Jusqu’à présent, aucune valve transcathéter n’était approuvée pour cette indication, et le recours hors AMM à des dispositifs conçus pour la sténose expose à un risque non négligeable de complications (embolisation, régurgitation paravalvulaire persistante, etc.). Dans ce contexte, les données issues de l’étude ALIGN-AR apportent une preuve solide et rassurante de l’intérêt d’un dispositif dédié, en comparaison avec le traitement médical seul. Il n’existe à ce jour aucun équivalent TAVI pouvant faire office de bras contrôle, ce qui renforce encore l’importance de cette innovation.
Il apparaît logique d’engager un essai randomisé comparant cette valve à la chirurgie chez les patients éligibles (moyen et bas risque), afin de clarifier la place du TAVI dédié dans l’algorithme thérapeutique. L’étude ARTIST apportera de nouveaux éléments de réponse et devrait permettre de consolider ces résultats.
Pour rappel, la chirurgie reste aujourd’hui le traitement de référence chez les patients à bas risque. Mais pour ceux jugés inopérables ou à risque très élevé, la valve Trilogy de JenaValve constitue désormais une solution sûre, efficace et pérenne. L’enjeu est désormais d’en garantir l’accessibilité pour la communauté cardiologique française, afin que cette avancée technologique puisse réellement bénéficier à nos patients.
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