ESC 2025

Recommandations ESC 2025 sur les valvulopathies mitrale et tricuspide : les messages à retenir

En direct du congrès de l'ESC 2025

Erwan Donal résume, dans cet entretien réalisé à Madrid avec Serge Kownator, l’essentiel des nouvelles recommandations sur les maladies valvulaires, en particulier celles sur la valve mitrale et la valve tricuspide. 

 

Publié le jeudi 4 septembre 2025

Retranscription de l'entretien :

Serge Kownator : Au congrès de l'ESC 2025, ont été publiées les dernières recommandations portant sur les maladies valvulaires et en particulier sur la valve mitrale et la valve tricuspide. Pour parler de ces valvulopathies, j'ai le plaisir d'être avec Erwan Donal, professeur de cardiologie à Rennes. Erwan, quoi de neuf dans ses recommandations sur la valve mitrale ?

Erwan Donal : On l'explore, on la quantifie, on intervient. Il faut vraiment que chacun ait conscience d'une chose, c'est que les nouvelles recommandations, comme pour la valve aortique, poussent à être beaucoup plus interventionniste, plus tôt, pour éviter des résultats décevants. Ce qui veut dire pour chacun d'entre nous que lorsqu'on a un patient qui a une valvulopathie mitrale, lorsqu'on fait un rapport d'échocardiographie, on doit vraiment décrire l'anatomie de la valve mitrale. Est-ce une fuite primitive avec un prolapsus ? Est-ce une fuite secondaire, atriale, avec une dilatation de l'oreillette et pas de tenting ? Est-ce une fuite secondaire ventriculaire avec un tenting des valves mitrales ? Tout ça est très important parce que cela va influencer la manière dont on va traiter le patient.

Primitive pas au risque chirurgical = chirurgie de réparation valvulaire, en espérant que l'anatomie soit vraiment compatible avec une réparation valvulaire. Si c'est secondaire, c'est plutôt le traitement percutané. Il faut vraiment décrire la valve, décrire les conséquences de la valve sur le cœur, le ventricule, l'oreillette, les pressions pulmonaires et référer le patient pour une intervention plus précoce que par le passé.

SK : On n'attend pas que le patient soit symptomatique, on n'attend pas que le ventricule gauche se dilate notamment son diamètre télésystolique ?

ED : On est de plus en plus actif tôt, ce d'autant si on comprend bien le mécanisme et que l'on sait que le chirurgien va pouvoir faire du bon travail en réparant la valve. Un prolapsus de P2, c'est 98 % de succès de la plastie. Alors, si c'est un prolapsus complexe, on peut discuter et peut-être attendre les symptômes, attendre que le diamètre télésystolique augmente, mais si c'est vraiment un patient qui est accessible à un bon geste de réparation, pourquoi le priver d'une réparation efficace qui le protégera longtemps ?

SK : Donc on identifie le type d'insuffisance mitrale et on planifie la stratégie thérapeutique. Pour faire la transition avec la valve tricuspide, quand on opère ces patients et qu'il y a en même temps une valve tricuspide malade, une fuite importante, ce qui est souvent le cas, est-ce qu'on planifie en même temps le traitement chirurgical de cette valvulopathie tricuspide ?

ED : J'ai utilisé cette référence dans un article sur les multi-valvulopathies qu'on a publié. En fait, maintenant, on a le percutané où on peut faire tout de manière séquentielle et on a le chirurgical. Le chirurgical, c'est comme si vous alliez au supermarché. Vous allez pouvoir tout remplir, tout mettre dans votre caddie, le lait, les légumes, le pain, les conserves, les produits d'entretien. Vous faites tout à la fois. Ce qui veut dire que quand vous allez chez le chirurgien, vous faites la valve mitrale, vous réparez la valve tricuspide pour empêcher qu'elle fuît 10 ans plus tard, vous fermez l'auricule s'il y a un risque de fibrillation atriale, vous faites tout. Vous avez une intervention où vous réparez tout pour que le patient soit tranquille pendant les 10 à 15 ans qui viennent.

 SK : On peut même demander au chirurgien de faire une ablation.

 ED : On peut demander au chirurgien de faire une ablation, mais attention, c'est quand même un artisanat et donc il faut que les chirurgiens auxquels on réfère les patients sachent maîtriser la technique. Il ne s’agit pas de dire ‘je coche la technique’, on fait la technique pour qu'elle marche. Si c'est faire une ablation qui ne va pas prévenir la récidive, c'est dommage. Donc il faut vraiment s'investir dans l'idée ‘je vais au supermarché, le chirurgien serait le supermarché dans ce cas, mais c'est un bon supermarché’ avec une qualité de l'artisan que tu as au coin de ta rue, et je suis tout à fait respectueux des chirurgiens. Ils ont cette capacité de tout traiter en une fois, ce que l'interventionnel ne peut pas faire.

SK : Alors maintenant sur les insuffisances tricuspides sévères qu'on trouve souvent chez des patients fragiles avec une insuffisance cardiaque droite, qu'est-ce qu'on retient comme indication ?

ED : On a la chance d'avoir un traitement percutané qui a démontré quelque chose dans 2 essais randomisés, le traitement percutané par clip, ce qu'on appelle le TEER et on a aussi une prothèse qui a maintenant le marquage CE et qu'on peut utiliser. On doit traiter les fuites tricuspides de nos patients quand elles sont symptomatiques et on a des traitements percutanés qui fonctionnent, qui améliorent la qualité de vie et on espère démontrer dans les mois qui viennent, un effet sur la mortalité même si on a déjà un effet sur le risque des réhospitalisations. Donc ne pas oublier la valve tricuspide, ne plus oublier la valve tricuspide ! Et référer ses patients sans atteindre que l'oreillette soit énorme, sans atteindre la dysfonction ventriculaire droite pour un traitement efficace, non dangereux, la faisabilité est très bonne et qui va permettre d'améliorer nos patients, donc ne pas oublier la tricuspide.

SK : Un petit ‘cocorico’ pour le rôle de la France dans cette évaluation de la tricuspide et dans la prise en charge.

ED : Oui, il y a le TRI-SCORE de Julien Dreyfus qui est très important. Si le TRI-SCORE est entre 4 et 6, il faut référer le patient. Ayez l'application sur votre téléphone ! Il faut référer les patients avec un TRI-SCORE entre 4 et 6. Et puis après, on a effectivement la chance, grâce à l'État qui a financé un essai randomisé, d'avoir conduit un essai randomisé en France qu'on avait présenté l'an dernier et qui a sans doute impacté les recommandations pour faire que le traitement percutané des fuites tricuspides aujourd'hui dans les recommandations, c'est du 2A, donc c'est vraiment quelque chose qu'il faut considérer.

Pour aller plus loin sur les nouvelles recommandations sur les valves, visionnez le décryptage d’Hélène Eltchaninoff sur les messages clés des guidelines sur l’aortique

 

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