ESC 2025

Recommandations ESC & EACTS 2025 sur les valvulopathies aortiques : les messages à retenir

En direct du congrès de l'ESC 2025

Dans cet entretien réalisé à l’ESC 2025 à Madrid avec Serge Kownator, Hélène Eltchaninoff décrypte les nouvelles recommandations sur les valvulopathies aortiques publiées pendant le congrès. 

Publié le vendredi 5 septembre 2025

Transcription vidéo 

Dr Serge Kownator : À l'ESC 2025, ici à Madrid, ont été présenté les dernières recommandations portant sur les maladies valvulaires. J'ai le plaisir, pour en parler, d'être avec Hélène Eltchaninoff. Qui de mieux pour parler des valves et notamment la valve aortique ? 

Hélène, ces recommandations apportent beaucoup de nouveautés, notamment pour le TAVI et l'âge des patients chez lesquels il faut y penser.

Pr Hélène Eltchaninoff : Oui, il est vrai que ces recommandations étaient très attendues. On se doutait bien qu'il y allait avoir une extension des indications du TAVI et c'est vraiment un très gros changement puisque maintenant à partir de l'âge de 70 ans, le TAVI est indiqué en première intention chez les patients à bas risque, qui ont une valve tricuspide. Cela va vraiment augmenter le nombre de patients qui vont avoir une procédure plus simple que la chirurgie. Avant, c’était 75 ans pour les bas risques.

SK : C'est vrai qu'on hésitait souvent chez des patients un peu plus jeunes en disant ‘Mais pourquoi ils n'en profitent pas ?’. Là, on a des données solides. On a aussi des données solides chez les patients asymptomatiques, qui, jusqu'à présent, ne nécessitaient pas d'intervention ou moins fréquemment.

HE : Oui, une étude randomisée a été publiée récemment chez les patients asymptomatiques. Les patients étaient randomisés entre une surveillance rapprochée tous les 6 mois et un TAVI, alors qu'ils n’avaient pas de symptômes, ce qui était assez provocateur. Et on savait depuis longtemps que dans le cas de patients asymptomatiques avec un rétrécissement aortique serré à bas risque, il y avait quand même quelques indications. Si la fraction d'éjection commençait à baisser à moins de 50 %, si le rétrécissement aortique était vraiment très sévère, s'il évoluait très vite, dans ces cas-là, il fallait intervenir. Mais dans ce cas-là, des patients qui étaient asymptomatiques avec une épreuve d'effort négative, c'était une étude vraiment importante.

Et donc la recommandation qui a été émise aujourd'hui, c'est que c'est une indication de classe 2A pour des patients qui ont une forme de rétrécissement aortique serré typique, qui sont à bas risque, et chez lequel le TAVI par voie fémorale est faisable. C’est une alternative à la surveillance rapprochée, qui, on le sait, est difficile à atteindre.

SK : Ces patients doivent avoir une épreuve d'effort, pour dépister les patients faussement asymptomatiques. Quels sont les critères pour définir le rétrécissement aortique serré pour ces patients ?

HE :  Il faut qu'ils aient la forme typique, c'est-à-dire un gradient à plus de 40 mm de mercure, gradient moyen, une vélocité maximale à plus de 4 m/seconde et une surface à moins de 1 cm² au 0,6 cm² par m². La forme classique, typique, du rétrécissement aortique.

SK : Ces recommandations ne prennent pas en compte les low flow/low gradient ?

HE : Non, c'est parce que dans cette étude là ça ne les prenait pas en compte. Et puis, parce que la population des low flow est parfois un peu difficile, c'est-à-dire que c'est la population dans laquelle souvent on s’aide du scanner et de l'échographie sous dobutamine. Donc, c'est la forme typique qui a été évaluée dans les rétrécissements asymptomatiques.

SK : Autre population qui peut être considérée comme difficile, ce sont les patients qui ont une bicuspidie.

HE : C’est un sujet très important. En sachant qu’un rétrécissement aortique sur valve bicuspide, c'est plutôt justement dans les 50-60 ans et il y a le RA dégénératif du sujet âgé qui est celui qui concerne des patients de plus de 70-75 ans.

On sait que les valves bicuspides ont des particularités, elles sont souvent plus calcifiées, on peut avoir des artères coronaires basses, on savait déjà que le TAVI pouvait être associé à des un peu moins bons résultats. Et là, il y a eu récemment une étude qui s'appelle Notion 2 dans laquelle un quart des patients avait une valve bicuspide. Dans cette étude, on a vu que ces patients, versus ceux qui avaient une valve tricuspide, sur un rétrécissement aortique serré avaient quand même une évolution un peu moins bonne. C'est une population où il ne faut pas se jeter sur le TAVI même s'ils ont un âge, s’ils sont à bas risque, parce qu’ils peuvent aller finalement beaucoup mieux avec la chirurgie. Dans ces cas-là, il faut vraiment bien étudier les caractéristiques anatomiques de la valve pour prendre la décision.

Il y a une recommandation qui précise qu'on peut recourir au TAVI chez les patients qui sont à très haut risque. Comme les fameux 70 ans dont on a parlé, ça a été précisé dans ces recommandations par rapport aux précédentes, qu'il faut qu'ils aient une valve tricuspide. Donc, une certaine prudence été ajoutée malgré le fait que l'âge ait diminué.

SK : Le bilan du pré-TAVI inclut souvent une coronarographie. Ici, dans ces recommandations, on ouvre la porte au coroscanner ?

HE : Oui, effectivement parce qu'on sait que 30 à 40 % des patients qui vont avoir un TAVI ou une chirurgie de la valve aortique sont coronariens. La coronarographie, c'était l'examen classique dans le cadre du bilan. Le scanner prend de plus en plus de place, on le sait, et donc son indication a effectivement été un petit peu upgradée dans ces recommandations, surtout pour écarter ceux qui avaient des coronaires normales.

On sait que ceux-là n'auraient pas besoin de coronarographie. Donc, il est vrai que cela peut modifier un peu l'organisation du screening, de la sélection des patients, parce que d'habitude, les patients venaient dans un centre pour une coronarographie et étaient d'emblée discutés, ils avaient un scanner, ils avaient tout. Là, la porte d'entrée sera peut-être le scanner. C'est important comme information, cela permet éventuellement d'éviter un certain nombre de coronarographies. 

SK : Ça ouvre peut-être la porte à la Heart team, puisqu'on on peut imaginer un coroscanner fait avant d'adresser au cardiologue interventionnel pour une discussion ouverte pour les patients…

HE : Oui, en sachant qu'en plus, les chirurgiens aiment de plus en plus avoir un scanner, quand on a ces discussions. Il est évident que si le patient a, non seulement un rétrécissement aortique, mais aussi un anévrisme de l’aorte, ce qu’on ne peut pas savoir si on fait juste une coronarographie, ce sont des arguments qui sont importants à prendre en compte. C'est vrai aussi que si le bilan est complet, la décision est plus facile à prendre.

Il y a aussi quelque chose de nouveau dans les recommandations, c'est que la place du patient dans la décision est encore plus soulignée dans ces recommandations qu'auparavant. C'est-à-dire qu'un patient peut dire ‘Moi, je préfère ceci ou je préfère cela’ et il faut en tenir compte. Au final, c'est lui qui va être qui va avoir à être soigné et à subir l'intervention.

SK : C'est une tendance qui se généralise heureusement. Deux points pour terminer, la place de l'angioplastie ?

HE : Effectivement, il y a à cet âge-là surtout, puisque le rétrécissement aortique ce sont des patients âgés, des facteurs de risque commun, des coronaropathies. Il y a beaucoup de discussions autour de ce sujet. Si le patient n'a pas d'angor, l'angor étant un symptôme aussi du rétrécissement aortique, il est assez classique de dire que l’on soigne le rétrécissement aortique et on voit ce qu’il se passe. Si le patient a de l'angor, en général on ne traite que les lésions les plus proximales ou ostiales. Mais, il y a beaucoup de discussions quand on décide de faire une angioplastie, on se demande si on la fait avant ou après, cela va dépendre aussi du type de valve qu'on va mettre. Disons que c'est un sujet sur lequel il y a encore beaucoup de discussions et d'études à faire.

SK : Dernier point de précision, quel traitement antithrombotique après un TAVI ?

HE : Après un TAVI, pour un patient qui n'a pas besoin d'anticoagulant parce qu’il n’a pas d'arythmie ou de valve mécanique, c'est l’aspirine seule. Il n’y a plus d'indication à une double antiagrégation plaquettaire, c'est même une classe 3, ce n’est pas recommandé, donc l’aspirine seule, sauf s'il a un stent récent. 

SK : Merci Hélène, c'était passionnant. On vous invite tous à lire ces recommandations et à vous les approprier.

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