Recommandations ESC 2025 sur les myocardites et les péricardites : les messages à retenir

En direct du congrès de l'ESC 2025

Dans cet entretien réalisé à Madrid avec Serge Kownator, Mathieu Kerneis présente et analyse les nouvelles recommandations ESC sur les myocardites et les péricardites, auxquelles il a contribué en faisant partie du groupe de travail. 

Publié le jeudi 11 septembre 2025

Retranscription de l’entretien

Serge Kownator : Au congrès de l'ESC 2025 à Madrid, on vient de présenter des recommandations portant sur un nouveau concept. Pour en parler, je suis avec Mathieu KERNEIS, cardiologue à la Pitié Salpêtrière à Paris, Mathieu, ce nouveau concept appelé IMPS : on parle de quoi ?

Mathieu Kerneis : En effet ce concept d’IMPS, c'est de l'anglais, c'est Inflammatory Myocardial and Pericardial Syndrome. En français : des syndromes de myocardites et de péricardites inflammatoires et des atteintes inflammatoires du cœur.

Sous cette ombrelle, on regroupe deux maladies qui étaient traitées séparément mais qui partagent tout de même des caractéristiques communes sur le plan de la physiopathologie, en partie, sur le plan des étiologies, beaucoup, sur les modalités cliniques d'examen et puis évidemment sur les modalités diagnostic, notamment avec la part de l'imagerie multimodale.

SK : On explique ce lien commun par l'inflammation et puis une proximité anatomique ?

MK : Exactement, il y a un continuum anatomique et tous les cliniciens le savent depuis longtemps qu’il y a des myopéricardites ou des périmyocardites, en tout cas des péricardites qui ont un petit peu de troponine et puis des myocardites qui ont un épanchement péricardique associé.

SK : Diagnostic ?

MK : Le diagnostic, c'est l'une des nouveautés de ces recommandations. Il repose évidemment toujours sur la clinique, il faut avoir un symptôme compatible avec cette atteinte. Les recommandations font d'abord la part belle en fonction des présentations, à l'examen clinique, l'importance de l'interrogatoire et d'un examen clinique poussé, donc une présentation soit sur un mode de douleur thoracique, soit sur un mode rythmique, soit sur un mode d'insuffisance cardiaque. Mais vraiment le changement dans le paradigme est au niveau de l'outil du diagnostic.

Autrefois, une myocardite était définie par l'histologie et une biopsie, aujourd'hui, l'IRM prend toute sa place et on peut avoir désormais dans les critères diagnostic d'une myocardite prouvée, un diagnostic prouvé uniquement sur la base d'une IRM. Ça ne veut pas dire qu'on a plus de place pour la biopsie, la biopsie est toujours réservée aux formes les plus sévères, les myocardites fulminantes, les myocardites compliquées, mais pour l'immense majorité des patients, l'IRM suffira.

SK : Est-ce que c'était consensuel dans le groupe de travail auquel tu as participé ?

MK : Je ne sais pas si je peux le dire. La règle pour les recommandations de l'ESC est qu’il y ait un vote à 75 % de la task force pour que la recommandation soit prise. Donc, on peut dire qu'il y avait en tout cas une majorité de gens qui a voté pour ça. Je crois qu'il y aussi de grosses différences au sein de l'Europe sur la pratique des biopsies, on n'a pas les mêmes pratiques que nos collègues Allemands ou Italiens, on se rapproche peut-être un petit peu plus de l'Espagne, de l'Angleterre. De façon consensuelle sur les myocardites non compliquées ou pour lesquelles on n'a pas à proposer un traitement spécifique où l’on n’attend pas de traitement spécifique, il n'y a pas aujourd'hui de place pour la biopsie.

SK : Ensuite, comment on aborde le traitement ?

MK : Le traitement de ces IMPS, de ces de ces syndromes inflammatoires du cœur, il est abordé d'abord sur un plan général sur le fait que l’on peut mettre des anti-inflammatoires, de la colchicine notamment, au myopéricardites. Ça c'est nouveau, c'est une recommandation qui n'existait pas. On avait d'ailleurs longtemps gardé en tête qu’il ne fallait surtout pas donner d'anti-inflammatoire aux myocardites parce que ça pouvait aggraver les choses.

Le deuxième point, alors qu’on n’a pas d'évidence forte dans cette maladie, parce qu'il faut quand même reconnaître que l’on a malheureusement très peu d'essais randomisés, laisse la porte ouverte à l'utilisation des corticoïdes dans la myocardite fulminante qui est une recommandation 2A avec un niveau de preuve C et au-delà de la myocardite fulminante, les myocardites compliquées avec une dysfonction VG.

Sur les péricardites, l'énorme nouveauté, c'est l'arrivée des anti-IL1 qui sont donc des agents anti-inflammatoires qui vont cibler la voie de l'interleukine 1 et qui sont recommandés en troisième ligne. C’est-à-dire : première ligne si vous avez une péricardite aigue, avec aspirine, colchicine, 3 mois de traitement et on peut prolonger jusqu'à 6 mois, je pense que les recommandations et la littérature de toute façon vont vers un traitement un petit peu plus prolongé des patients.

Si ça ne suffit pas, c'est-à-dire qu’on a une péricardite qui ne répond pas à cette première ligne de traitement ou qui est récidive, les recommandations placent les corticoïdes en deuxième ligne à petite dose - ce qui n'est pas une pratique française. Viennent ensuite en cas de récidive ou de persistance des symptômes sous la triple association anti-inflammatoire colchicine enfin aspirine ou ibuprofène, colchicine et corticostéroïdes à petite dose, les anti-IL1, en France on en a qu'un à disposition, il s'appelle l'anakinra, ce sont des injections quotidiennes pour une durée qui est inconnue, au moins 6 mois avec probablement une décroissance progressive des doses.

SK : Il y a aussi un point dans ces recommandations qui me paraît important, c'est la place de la génétique…

MK : C'est un point probablement essentiel, on dit que c'est d'ailleurs la 2ème grande nouveauté de ces recommandations. Que ce soit dans la myocardite ou la péricardite, d'une part, tous les patients doivent bénéficier à l'interrogatoire d'une enquête familiale poussée à la recherche d'antécédents de maladies inflammatoires, de péricardites, de myocardites, mais également de cardiomyopathie, de trouble du rythme ventriculaire. Pourquoi ? Parce qu’on sait qu'à peu près 10 % des patients qui présentent des myocardites sont en fait porteurs d'une mutation et qu’ils peuvent donc bénéficier d'un dépistage génétique.  

Alors, le test génétique n’est pas pour tout le monde, il va falloir sélectionner les malades et les recommandations européennes fournissent un certain nombre de critères. Je ne vais pas tous les citer mais on peut quand même noter les myocardites récidivantes, les patients qui ont un rehaussement tardif extrêmement diffus, que ce soit en nombre de segments ou même en localisation, que ce soit sur la paroi intérieure ou la paroi septale, les formes qui s'accompagnent de trouble du rythme ventriculaire ou les patients qui ont des antécédents familiaux.

SK : Voilà un tableau presque complet, il est certain que l’on ne peut pas détailler l'ensemble de ces recommandations mais voilà des points important le diagnostic d'abord le son caractère non-invasif possible le traitement avec, au quotidien, cette notion de 3 mois de traitement anti-inflammatoire d'association aspirine colchicine.

MK : Un dernier point sur le traitement, c'est la place des bétabloquants qui rentrent dans les recommandations dans la myocardite, quelle que soit la gravité de la myocardite pour une durée de 6 mois et qui sont également dans les recommandations de la péricardite pour soulager les symptômes si la fréquence cardiaque est supérieure à 75 par minute. On n'y pense pas assez que les bétabloquants peuvent soulager les patients sur les douleurs. 

Et puis le dernier point sur le traitement, c'est le sport, le fait que l’on avait classiquement tendance à interdire de faire du sport pendant 6 mois aux patients qui faisaient des myocardites et que les recommandations ont tendance à personnaliser maintenant cette décision et que l’on peut, sur des formes non sévères, sans dysfonction ventriculaire gauche, avec une IRM rassurante, c'est-à-dire sans œdème et plus de troponine, réautoriser le sport beaucoup plus précocement un mois, 2 mois après l'épisode aigu. C'est d'autant plus important que c'est une population jeune, sportive et qui se retrouve souvent déconditionné à l'issue de leur hospitalisation et des 6 mois de traitement pour la myocardite.

SK : Il est vraiment important de lire ces recommandations, il y a différents algorithmes diagnostiques et thérapeutiques qu'il faut bien regarder. Merci Mathieu et puis félicitations d'y avoir participé.

 

 

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