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Vous avez dit cardiomyopathie obstructive ?

Publié le lundi 26 février 2024

Dr Romain Didier
Assistant chef de clinique
CHU de Dijon

Découvrez le dossier médical de ce jeune patient de 20 ans qui consulte pour le suivi de sa cardiomyopathie hypertrophique. Depuis quelques mois, il présente une aggravation de dyspnée (stade 2 à 3 de la NYHA) associée à des douleurs thoraciques.

Le choc de l'annonce pendant son adolescence avait malheureusement abouti à une rupture de suivi.

 

Présentation du cas

Contexte clinique

Ce patient âgé de 20 ans a présenté un arrêt cardiaque sur trouble du rythme ventriculaire pendant son adolescence. L’échographie et l’IRM avaient mis en évidence une cardiomyopathie hypertrophique. Le patient est depuis implanté d’un défibrillateur sous cutané et traité avec un bétabloquant (CORGARD). L’analyse génétique a retrouvé un variant pathogène au sein du gène TNNI3.

L’annonce de la maladie en pleine adolescence a abouti à une rupture du suivi qui était assuré alors en pédiatrie.

Depuis peu, il présente une aggravation dyspnée stade 2 à 3 de la NYHA avec des épisodes douloureux thoraciques paroxystiques. Son médecin traitant lui a prescrit un NT pro BNP qui est dosé à 2162pg/ml.

Enquête

Voici l'électrocardiogramme réalisé lors de la consultation :

Electrocardiogramme réalisé lors de la consultation

Figure 1: électrocardiogramme

Vous vous replongez dans l’IRM du bilan initial de la maladie. La vidéo 1 et 2 sont des séquences ciné 4 et 2 cavités qui attestent d’une hypertrophie asymétrique prédominant aux bases. La fraction d’éjection était évaluée à 61%, le volume télédiastolique ventriculaire gauche à 72ml/m², l’épaisseur antérobasale à 17mm et latérobasale et inférieure à 16mm. La figure 2 expose des séquences post-gadolinium tardives, avec plusieurs zones d'hypersignaux notamment latéro basal et médian, inférieur et inféroseptal. 

Vidéo 1 : 4 cavités

Vidéo 2 : 2 cavités - ciné-IRM : hypertrophie focalisée au niveau antérobasal à 17 mm, latérobasal et inférieur à 16 mm. FEVG 61%. VTDi 72 ml/m²

Séquences post-gadolinium tardives

Figure 2 : séquences post-gadolinium tardives: plusieurs zones d'hypersignal latérobasale et latéro-médian à 50% sous-endocardique, inféromédiane et inféro-septale

La consultation est poursuivie par une échocardiographie qui met en évidence :

  • Une FEVG discrètement altérée à 50% avec altération du strain à -10.7%
  • L'index cardiaque est de 2,2l/min/m²
  • Il n'y a pas de SAM ni excès de longueur des feuillets mitraux
  • Il n'y a ps d'obstruction sous aortique au repos et au Valsalva
Consultation par une échocardiographie

Figure 3 : strain global longitudinal VG

FEVG 50% en BP

Figure 4 : recherche d’une obstruction sous aortique au valsalva

Le patient est convoqué pour une épreuve d’effort avec analyse des échanges gazeux afin de quantifier sa gène fonctionnelle. L’examen, maquillé par son bétabloquant, est stoppé à 105W par notre cardiologue du sport (remerciements au Dr Frédéric Chague) pour une chute du pouls d’oxygène qui est le reflet du volume d’éjection systolique. À l’auscultation il n’est pas perçu de souffle. Le pic de VO2 est à 15,4ml/Kg/min (34% théorique) et le premier seuil ventilatoire à 60W (VO2 13ml/Kg/min). Un rebond de VO2 et du pouls d’oxygène est noté en début de récupération.

Sur ces résultats, le patient est reconvoqué pour une nouvelle échographie cardiaque. Les boucles vidéo 3 à 5 sont centrées sur son ventricule gauche, les vidéos 6 à 8 avec la figure 5 sont centrées sur le ventricule droit.

Vidéo 3

Vidéo 4

Vidéo 5

Vidéo 6

Vidéo 7

Vidéo 8

Résultats de VO2 sont préoccupants

Figure 5

vous-avez-dit-cardiomyopathie-obstructive-resultat-quizz

Diagnostic final

Les bonnes réponses étaient :

  • Une obstruction de l’infundibulum pulmonaire droit
  • Une obstruction médio-ventriculaire droite

Traitement et gestion réels du cas

Les explorations ont été complétée par une épreuve d’effort avec analyse des échanges gazeux couplée à une échographie d’effort, cette fois-ci démaquillée du traitement bétabloquant.

  • Il n’a pas été mis en évidence d’élévation du gradient médio-ventriculaire droit ni de l’out-flow à l’effort (figure 7)
  • À 50 W, le patient a décrit une douleur thoracique rétrosternale, constrictive type d’angor d’effort. L’ECG montre un brutal sous décalage descendant significatif (figure 8)
  • L’échographie per critique en coupe petit axe montre une altération de la fraction d’éjection d’effort avec un trouble de la cinétique latéral (vidéo 9)
Médioventriculaire

Figure 7 : gradient médio-ventriculaire droit à 50W

Infundibulum pulmonaire

Figure 8 : ECG d’effort per critique à 50 Watts

Vidéo 9 : coupe petit axe

Le coroscanner confirmera que le statut coronaire est sain.

On conclut à une cardiomyopathie hypertrophique avec évolution restrictive. L’origine de la chute du pouls d’oxygène à l’effort est probablement mixte en lien avec :

  • Principalement une altération de la fraction d’éjection d’effort (origine microvasculaire supposée)
  • Et une obstruction modérée médio-ventriculaire droite et de l’infundibulum pulmonaire

Après discussion en staff, une gliflozine ainsi qu’un antagoniste des minéralocorticoïdes ont été initiés. Le suivi sera plus rapproché en unité thérapeutique de l’insuffisance cardiaque. Un projet de transplantation cardiaque à terme reste à l’esprit.

Discussion

Jusqu’à 30% des CMH pourraient présenter une hypertrophie ventriculaire droite, il existe une corrélation avec l’importance de l’HVG. (1)

L’obstruction ventriculaire droite est quant à elle plus rare, plus fréquente chez les enfants, dans les formes syndromiques et en cas d’obstruction gauche significative. Les obstructions bi-ventriculaires concerneraient moins 0,5% des CMH mais ce chiffre est probablement sous-estimée par le caractère bruyant de l’obstruction gauche. Les faibles gradients (entre 5 et 25mmHg) sont plus fréquents. (2)

Le siège de l’obstruction peut varier. Les caractéristiques anatomiques qui contribuent à l’obstruction droite sont l’hypertrophie de la crista supraventricularis, de la paroi libre du ventricule droit, du septum interventriculaire (>30mm) et de l’infundibulum pulmonaire notamment. (2-3)

Certains centres ont rapportés des séries de myectomies en cas d’obstruction bi ventriculaire sévère symptomatique malgré traitement médical. La chirurgie peut consister en une résection de la bandelette modératrice et élargissement de la chambre de chasse. (2)

Conclusion

L’analyse du ventricule gauche et la recherche d’une obstruction sous aortique au Valsalva tunnelisent souvent notre attention lors de l’évaluation échocardiographique d’une cardiomyopathie hypertrophique.

Les incidences échographiques centrées sur le ventricule droit doivent être multipliées afin d’identifier les patients présentant une hypertrophie (fréquente) et une obstruction ventriculaire droite (plus rare).

REGARDEZ LA SESSION EN VIDÉO

Références

  1. Maron MS, Hauser TH, Dubrow E, Horst TA, Kissinger KV, Udelson JE, Manning WJ. Right ventricular involvement in hypertrophic cardiomyopathy. Am J Cardiol. 2007 Oct 15;100(8):1293-8. doi: 10.1016/j.amjcard.2007.05.061. Epub 2007 Aug 9. PMID: 17920373
  2. Quintana E, Johnson JN, Sabate Rotes A, Cetta F, Ommen SR, Schaff HV, Dearani JA. Surgery for biventricular obstruction in hypertrophic cardiomyopathy in children and young adults: technique and outcomes†. Eur J Cardiothorac Surg. 2015 Jun;47(6):1006-12. doi: 10.1093/ejcts/ezu313. Epub 2014 Aug 9. PMID: 25108895.
  3. Maron BJ, McIntosh CL, Klues HG, Cannon RO 3rd, Roberts WC. Morphologic basis for obstruction to right ventricular outflow in hypertrophic cardiomyopathy. Am J Cardiol. 1993 May 1;71(12):1089-94. doi: 10.1016/0002-9149(93)90578-z. PMID: 8475874.

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