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Une arythmie peut cacher un trouble de la conduction… et une cardiomyopathie restrictive
Publié le mardi 11 juin 2024
Aya Belkhadir
Service cardiologie
Hôpital Cheikh Zayed, Rabat, Maroc
Etudions ensemble le cas d’un patient de 66 ans, sans antécédents particuliers, qui rapporte une dyspnée NYHA II-III évoluant depuis 3 mois avec accès de palpitations. Contexte familial : mort subite de son fils à l'âge de 37 ans pendant ses études à l’étranger (pas de documents).
Présentation du cas
Contexte clinique
Histoire de la maladie :
Dyspnée stade II-III NYHA d’aggravation progressive, devenant stade IV avec orthopnée et dyspnée paroxystique nocturne. Pas de douleur thoracique.
Cliniquement :
Orthopnéique, TA 100/60mmHg, tachycarde à 137 battements/min, la SaO2 à 96% à l’air ambiant.
Signes d’insuffisance cardiaque globale : bruit de galop gauche, râles crépitants aux bases pulmonaires, hépatomégalie et œdèmes des membres inférieurs.
La biologie retrouve un BNP à 1000,70 pg/ml, une HbA1c à 9,80%, une bonne fonction rénale et hépatique.
ECG en flutter rapide justifiant la mise en route d’un traitement ralentisseur par digitalique et bétabloquant en association avec un traitement anticoagulant en vue d’une ablation programmée 3 semaines plus tard.
A l’échocardiographie transthoracique (ETT) :
- Dilatation bi-atriale prédominante à gauche avec thrombus de l’auricule gauche évident faisant saillie dans l’OG
- VG non dilaté, non hypertrophié, siège d’une hypokinésie basale et médiane des parois inférieure, antérieure et antéro-septale
- Dysfonction VG sévère avec une FEVG évaluée à 35%. Altération du Strain Global Longitudinal prédominant au niveau des segments basaux et médian et respectant les segments apicaux (SGL altéré à -9,8%)
- Pressions de remplissage gauche élevées
- Le ventricule droit présente une cavité réduite, sa fonction systolique est modérément altérée
- HTAP modérée avec une PAPS à 47 mmHg
- VCI dilatée non compliante et un épanchement péricardique de faible abondance
Figure 1
- Cardiomyopathie avec de petits foyers de fibrose myocardique en antérieur et en inférieur
- Dilatation bi-atriale avec confirmation d’un thrombus intra OG
Figure 2
La patiente revient à J20 pour syncope
Figure 3 : électrocardiogramme
Figure 4 : flutter atrial typique en BAV complet
Figure 5 : ablation flutter atrial
Fugure 6 : implantation d’un PM triple chambre
Autres explorations
Enquête familiale :
- Autopsie de son fils (Espagne) : CMR avec mutation MYH7
- Test génétique de sa fille et de son petit-fils (résidant à l’étranger) retrouvant la même mutation MYH7
Biopsie des glandes salivaires : négative
Diagnostic
Cardiomyopathie restrictive familiale avec mutation MYH7 compliquée de troubles du rythme et de la conduction à type de :
- Flutter atrial typique
- Puis d’un bloc AV complet sous traitement ralentisseur indispensable
Le tout sur un terrain de dysfonction VG sévère à 35%
Attitude thérapeutique
Compensation de la poussée d’IC aiguë à base de diurétiques de l’anse et de spironolactone.
Pour le flutter atrial compliqué de thrombus de l’auricule gauche : la patiente a été mise sous Rivaroxaban, digitalique et bisoprolol pour le ralentissement de la cadence ventriculaire.
BAV complet syncopal justifiant la pose d’un pacemaker triple chambre.
Ablation par radiofréquence du flutter atrial après contrôle ETO confirmant la dissolution du thrombus de l’auricule gauche.
Discussion
Éliminer les principaux diagnostics différentiels : cardiomyopathie infiltrative et péricardite constrictive
Forme familiale de CMR à déterminisme génétique : mutation du gène MYH7 (c.1477A>G (p.Met493Val)) habituellement retrouvée dans les CMH et CMD, ainsi que chez les membres atteints de sa famille et qui s’exprime phénotypiquement par une CMR.
L’expression clinique d’une CMR est celle d’une IC globale, les complications notamment rythmiques et thrombo-emboliques sont fréquentes, et le pronostic est réservé.
La principale approche thérapeutique est symptomatique.
La transplantation cardiaque devrait être considérée chez les patients avec défaillance cardiaque sévère et devant une inefficacité thérapeutique.
Conclusion
La CMR familiale est une maladie rare +++
La particularité de notre cas réside :
- Dans l’analyse génétique objectivant la mutation du gène MYH7 habituellement retrouvée dans les CMH et CMD
- Et dans ses complications : rythmiques et conductives
La connaissance des mutations génétiques est très utile à la fois pour le diagnostic mais également pour le pronostic de ces cardiomyopathies.
- Langlard, J.-M. 2004. « Cardiomyopathies restrictives ». EMC, Cardiologie angéiologie, Elsevier
- S.E. Hughes, W.J. McKenna. 2005. “New insights into the pathology of inherited cardiomyopathy.” Heart91(2) (2005 Feb 1), pp. 257-264.
Ce cas ne représente pas l’opinion de la SFC ni de Cardio-online, et n’engage pas leur responsabilité.
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