Un ventricule qui s’autolyse

Publié le lundi 9 juin 2025

Silhouette

Rubens GROULEZ 
Interne - CHU de Lille

Madame X., 80 ans est suivie pour une CMH obstructive diagnostiquée en février 2020. Elle est adressée par un hôpital périphérique en hôpital de jour pour bilan complémentaire de cardiomyopathie hypertrophique.

Contexte clinique

Ce patient a été pris en charge par l'équipe l’équipe d’explorations fonctionnelles cardiovasculaires, de l’USIC et de chirurgie cardiaque du CHU de Lille : Pr David Montaigne, Dr Hélène Ridon, Pr Augustin Coisne, Dr Natacha Rousse, Pr Gilles Lemesle, le Dr Charlotte Potelle, le Dr Cédric Delhaye, le Pr Pontana.

Présentation du cas

Cette patiente présente comme antécédents :

  • Une cardiomyopathie hypertrophique obstructive diagnostiquée en février 2020
  • Un rétrécissement aortique modéré avec une vitesse maximale trans-aortique à 3,3 m/s et un gradient moyen trans-aortique à 27 mmHg sur une dernière échocardiographie en janvier 2022
  • Une fibrillation atriale persistante avec un score de CHADS-VA à 3/8
  • Une hypertension artérielle 

 Son traitement comporte : 

  • APIXABAN 5 mg matin et soir 
  • ATENOLOL 50 mg 2 fois par jour
  • PERINDOPRIL 5 mg par jour 
  • AMLODIPINE 5 mg par jour 
  • AMIODARONE 200 mg par jour 

Elle vit avec son mari au domicile. Elle est autonome dans les activités de la vie quotidienne et n’a pas d’aide présente au domicile. 

Son principal symptôme est une dyspnée d’effort côtée NYHA IIB-III. Elle ne présente pas de syncope ni de lipothymie. Elle ne présente pas d’angor. 

Son bilan biologique retrouve une hémoglobine à 14 g/dL, créatinine à 10 mg/L, troponine à 17 ng/L, NT pro BNP 622 ng/L. 

Son électrocardiogramme déroule un rythme sinusal régulier à 50 ppm. Un axe gauche sur bloc de branche incomplet avec un bloc atrio-ventriculaire du 1er degré. 

Elle est suivie dans un hôpital de périphérie et est adressée au CHU pour un premier bilan complémentaire comprenant une IRM cardiaque, une échocardiographie, un Holter-ECG. Des prélèvements génétiques sont également réalisés. 

Autres examens réalisés

IRM 

  • Son IRM cardiaque est la suivante (Vidéo 1) et retrouve : 
  • Un aspect de cardiomyopathie hypertrophique sarcomérique 
  • Une fraction d’éjection du ventricule gauche à 62%
  • Une hypertrophie ventriculaire gauche asymétrique mesurée au maximum à 20 mm 
  • Une fibrose interstitielle intra-septale 
  • Une insuffisance mitrale modérée 

Vidéo 1 : IRM cardiaque en séquence ciné en coupe 4 cavités

Son échocardiographie est la suivante (Vidéo 2, Figures 1,2,3,4 et 5) et retrouve : 

  • Une FEVG à 70%
  • Un Strain longitudinal global à -13,9%
  • Une ébauche de SAM
  • L’absence d’obstruction sous aortique significative 
  • Des piliers hypertrophiques 
  • Un rétrécissement aortique avec des critères discordants : vitesse maximale sous aortique à 4,2 m/s avec un gradient moyen à 37 mmHg
  • Une insuffisance mitrale centrale modérée avec volume régurgité à 35 mL, une surface d’orifice régurgitant à 13mm^2 

Vidéo 2 : échographie en coupe parasternale grand axe

IRM

Figure 1 : ETT en coupe parasternale grand axe avec épaisseur maximale du septum inter-ventriculaire mesurée à 22 en septal basal

IRM

Figure 2 : quantification de la fuite mitrale par la méthode de la PISA

IRM

Figure 3 : quantification de la fuite mitrale par la méthode de la PISA

IRM

Figure 4 : utilisation de la sonde de Pedoff permettant de recueillir une vitesse maximale trans-aortique à 4,2m/s

IRM

Figure 5 : flux Doppler continu en trans-aortique avec une vitesse maximale à 4,2 m/s et un gradient moyen à 37 mmHg 

Holter ECG

Le Holter-ECG est réalisé pour l’aide au calcul du risque de mort subite à 5 ans. Celui-ci ne retrouve que huit extrasystoles ventriculaires isolées sans tachycardie ventriculaire associée. 

Le risque de mort subite à 5 ans est estimé à 1,14% et il n’est donc pas retenu d’indication de défibrillateur en prévention primaire. 

Holter ECG

Figure 6

Score calcique valvulaire 

Un score calcique valvulaire est réalisé pour s’assurer du caractère serré du rétrécissement aortique

Devant des critères échocardiographiques discordants, la patiente est reconvoquée pour la réalisation d’un score calcique valvulaire. Le score valvulaire aortique revient à 1290 UA et le rétrécissement est donc considéré comme serré (>1200 UA chez la femme). 

Vidéo 3 : score calcique valvulaire

Echographie de contrôle 

La patiente est également revue à 3 mois pour réévaluer le rétrécissement aortique et s’assurer l’absence d’obstruction sous aortique. Le rétrécissement aortique est désormais serré avec des critères concordants : une vitesse maximale à 4,2 m/s avec un gradient moyen à 50 mmHg. L’insuffisance mitrale est toujours modérée et centrale. Il n’y a pas d’obstruction sous aortique significative malgré les manoeuvres de provocation telles que le Valsalva et l’évaluation échocardiographique en post prandial. Le gradient maximal est estimé à 20 mmHg avec une vitesse maximale à 2,2 m/s. 

Dans ce contexte, la patiente est adressée pour prise en charge de son rétrécissement aortique par TAVI. 

Vidéo 4 : coupe apicale 4 cavités

Vidéo 5 : coupe apicale 3 cavités

ETT de contrôle

Figure 7 : flux doppler continu trans-aortique montrant une vitesse maximale à 4,2 m/s et gradient moyen à 50 mmHg 

ETT de contrôle

Figure 8 : flux doppler continu sans obstruction signicative malgré les manoeuvres de provocation 

Bilan pré TAVI

Un bilan pré TAVI est réalisé comprenant : 

  • Une coronarographie normale 
  • Une consultation d’anesthésie 
  • Un angioscanner pré TAVI 

TAVI

La patiente bénéficie de l’implantation d’une valve TAVI Evolut Fx 26 mm par voie fémorale droite avec voie secondaire radiale droite. 

Vidéo 6 : déploiement de la prothèse Evolut Fx 

Vidéo 7 : contrôle scopie en fin de procédure avec bon déploiement sans fuite 

Evolution post-TAVI 

Deux jours après l’implantation du TAVI, l’évolution est marquée par une dénaturation avec un oedème aigu pulmonaire nécessitant l’introduction d’une ventilation non invasive en alternance avec de l’oxygénothérapie à haut débit nasal. Le contrôle échocardiographique montre l’apparition d’une obstruction majeure sur SAM complet avec un gradient maximal à 120 mmHg. Il existe également une insuffisance mitrale sévère en relation avec un SAM très sévère, un ventricule gauche hyperkinétique, une fraction d’éjection à 75%. La prothèse TAVI fonctionne bien cependant. 

Evolution post-TAVI

Figure 9 : flux doppler continu montrant l’apparition d’une obstruction sous aortique avec une vitesse maximale à plus de 30 mmHg 

Vidéo 8 : insuffisance mitrale sévère avec SAM complet en coupe apicale 4 cavités 

Vidéo 9 : coupe apicale 4 cavités montrant un VG hyperkinétique avec apparition d’un SAM

Vidéo 10 : coupe apicale 3 cavités avec SAM complet 

Le résultat du questionnaire :

Un ventricule qui s’autolyse

Diagnostic

La bonne réponse est : A - Cette entité est appelée « suicide ventriculaire »

CMH obstructive 

Après discussion collégiale entre cardiologues, chirurgiens et anesthésistes, il a été proposé :

  • Expansion volémique
  • SEES avec objectif de désynchronisation
  • Landiolol
  • Introduction de Mavacamten ? Non, hors AMM
  • Discussion de Mitraclip ? Problématique de volumineuse calcification du feuillet mitral postérieur + feuillet postérieur court
  • Discussion de prise en charge chirurgicale si échec de la prise en charge médicale

Après désynchronisation, introduction du landiolol et remplissage vasculaire :

  • Persistance du SAM et de l’IM sévère associée
  • Finalement dégradation respiratoire dans la nuit sous Optiflow avec décision d’IOT
  • Donc prise en charge chirurgicale retenue après concertation entre cardiologues, chirurgiens et anesthésistes

Opération 

  • Dépose du TAVI
  • Remplacement valvulaire mitral bioprothétique
  • Myectomie et remplacement valvulaire aortique bioprothétique
  • Exclusion d’auricule gauche

Traitement et gestion du cas

Discussion- traitements du suicide ventriculaire 

Place de l’IMPELLA dans la CMH obstructive ?

  • Reste une option à discuter, permet le shunt de l’obstruction
  • En attendant l’efficacité du traitement médical ?
  • Pour essayer de temporiser une alcoolisation septale ? Une myectomie ?
Discussion

Figure 10

Discussion 

Traitements de la CMH en choc obstructif ont pour but de maintenir une précharge et une post charge VG pour garder un remplissage VG et atténuer l’hypercontractilité VG.

Discussion

Figure 11

Conclusion

  • Le suicide ventriculaire est une complication peu fréquente mais sévère qui peut survenir en post implantation de TAVI
  • Dégradation hémodynamique et/ou respiratoire due à une obstruction post TAVI avec SAM +/- IM
  • Le + souvent : femme, petit ventricule, hypercontractilité, gradient intraVG pré TAVI dans la moitié des cas
  • TTT : remplissage, BB-, NAD, SEES, alcoolisation, myectomie, (place de l’Impella ?)
Conclusion

Figure 12

Abstract 16850 : Suicide Left Ventricle After Transcatheter Aortic valve Replacement. A systematic Review, Diego Barzallo et al.

 

Références

1. Overcoming the Obstacle of Suicide Left Ventricle After Transcatheter Aortic Valve Replacement Phenomenon, Leonidas Koliastasis et al.
2. Abstract 16850 : Suicide Left Ventricle After Transcatheter Aortic valve Replacement. A systematic Review, Diego Barzallo et al.

 

Clause de non responsabilité

Ce cas ne représente pas l’opinion de la SFC ni de Cardio-online, et n’engage pas leur responsabilité.

 

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