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Le mystérieux

Publié le jeudi 11 janvier 2024

Hadjseyd Chahreddine

Dr Chahreddine Hadjseyd
Service SICAT
Hospices Civils de Lyon

Monsieur B âgé de 73 ans se présente aux urgences cardiologiques en 2015 pour tableau de décompensation cardiaque globale associée à une tachycardie atriale.

Voyez au fil des étapes, le diagnostic posé et la prise en charge réalisée.

Présentation du cas

Contexte clinique

  • Pas d’ATCD cardiovasculaires.
  • Facteurs de risque cardiovasculaires : âge, sexe.

Enquête

Symptômes : Dyspnée stade IV NYHA, pas de douleur thoracique, palpitations, pas de syncope

Examen clinique :

  • TA 110/70 mmhg Fc 120 bpm SAO2 91 % AA
  • Crépitants au 1/3 inferieurs des deux champs pulmonaires, OMI bilatéraux prenant le godet

ECG d’admission : Tachycardie atriale à 130 bpm +HVG

ETT dans le cadre d’urgence : Dilatation biventriculaire, FEVG 25 % sur une hypokinésie diffuse, pas de valvulopathies significatives, péricarde libre

Patient stabilisé à USIC :

  • Cardioversion faite à J3 avec retour en rythme sinusal
  • Introduction du traitement de l’insuffisance cardiaque + lancement d’un bilan d’exploration ( coronarographie, ETT de contrôle, IRM cardiaque, bilan biologique et génétique )

ECG de contrôle post cardioversion

ECG de contrôle post cardioversion

Figure 1

ETT de contrôle après cardioversion à USIC

  • VG dilaté ( DTD 65 mm VTD 89 ml/m² ), hypertrophié ( SIV 14 mm PP 11 mm ),
  • FEVG 33% en SP, hypokinésie diffuse plus marquée en antérieur et antérolatéral
  • Débit cardiaque modérément abaissé
  • IM modérée stable, pas de valvulopathie aortique significative
  • Cavités droites dilatées normokinétiques
  • PAPS 42 mmHg et POD 5mmHg
  • Péricarde sec

Vidéo 1

Bilan biologique d’exploration

  • Hb : 148 g/l
  • NA : 141 mmol/l, K : 4,1 mmol/l, durée : 6 mmol/l, créat : 84 Mmol/l
  • Troponine : 62 ng/l, BNP : 1162 ng/l, NTPROBNP : 7584 ng/l
  • TSH : 1,9 mui/l, ferritinémie : 124 Mg/l
  • Carnitine, selinium, vitamine B1 normales
  • Pas de déficit en activité alpha-galactosidase A
  • Bilan génétique en cours

Coronarographie diagnostic

Vidéo 2 : réseau coronaire gauche sans lésion significative

Vidéo 3 : coronaire droite sans lésion significative

IRM cardiaque

  • FEVG mesurée à 30 %.
  • Les volumes indexés sont mesurés à 86 ml/m² en télédiastole et 62 ml/m² en télésystole
  • Hypertrophie au niveau septale avec SIV à 13-14 mm
  • L’étude de rehaussement tardif met en évidence une prise de contraste intra myocardique au niveau du septum
IRM cardiaque

Figure 2

Vidéo 4 : Argus Ventricule gauche

Vidéo 5 : Ciné Truefisp 4 cavités

Vidéo 6 : Tfi Psir single shot 8sl petit axe Psir

Vidéo 7 : Tfi Psir single shot 8sl 4 cavités Psir

Diagnostic

Une discussion collégiale concernant le diagnostic et la suite de prise en charge a été faite en RCP et on a adopté le diagnostic de décompensation cardiomyopathie à coronaires saines associée à une tachycardie atriale, le patient est sortie sous traitement d’insuffisance cardiaque et suivi régulier tous les 6 mois.

L’évolution a été marquée par une amélioration FEVG, disparition des signe d’insuffisance cardiaque.

Ablation tachycardie atriale faite à 4 mois de la sortie.

Bilan de contrôle à 06 mois : NTPROBNP : 914 ng/l, créatinine : 105 Mmol/l.

  • L’analyse génétique a mis en évidence une variation pathogène à l’état hétérozygote au niveau du gène MYBPC3.

ETT de contrôle à 6 mois

  • VG dilaté (DTDVG 58mm, VTDVG 78mL/m²) hypertrophié ( SIV 14mm ), FEVG modérément altérée, SBP 42%
  • Petite IM centrale, pas de valvulopathie aortique
  • PRVG normales, profil mitral en trouble de relaxation onde E 0.4m/s
  • OG sévèrement dilatée
  • VD non dilaté normokinétique
  • PAPS estimées à 25mmHg, POD basse VCI fine compliante
  • Péricarde sec

Vidéo 8 : incidence apicale 4 Cavités

Vidéo 9 : incidence apicale 4 Cavités

ETT de contrôle à 6 mois - Profil mitral normal

Figure 3 : profil mitral normal

Discussion

Cette variation du gène MYBPC3 est généralement associée au développement de cardiopathies hypertrophiques mais a déjà été décrite dans certaines cardiomyopathies dilatées.

Il ne s’agit donc pas d’une manifestation classique mais son caractère pathogène déjà authentifié permet de proposer un diagnostic pré-symptomatique chez les apparentés du premier degré.

Arguments pour absence de distinction

La prise en charge thérapeutique de la CMD et CMH en dysfonction VG systolique proposée dans les recommandations de l’ESC se rejoignent sous l’entête du traitement de l’insuffisance cardiaque.

La prise en charge thérapeutique de la CMD et CMH en dysfonction VG systolique proposée dans les recommandations de l’ESC se rejoignent sous l’entête du traitement de l’insuffisance cardiaque ,

Figure 4

Arguments pour la distinction entre les cardiomyopathies quelque soit la FEVG est importante dans les différents stades :

Dans la prise en charge

Dans le suivi de CMH sarcomérique : il est recommandé de prévoir un holter ECG de 48H à la recherche des troubles de rythme ou de conductions, il est aussi recommandé chez les patients symptomatiques de réaliser une échocardiographie d’effort.

Dans le suivi de CMH sarcomérique : il est recommandé de prévoir un holter ECG de 48H à la recherche des troubles de rythme ou de conductions ,il est aussi recommandé chez les patients symptomatiques de réaliser une échocardiographie d’effort

Figure 5

Arguments pour la distinction entre les cardiomyopathies quelque soit la FEVG est importante dans les différents

Figure 6

Dans la stratification du risque rythmique

La stratification du risque rythmique est différente entre CMH sarcomérique et CMD, la pose de DAI pourrait être discutable dans le cas de notre patient si on avait initialement adopté le diagnostic de CMH sarcomérique.

Stratification du risque rythmique en cas de CMH sarcomérique

Figure 7 : stratification du risque rythmique en cas de CMH sarcomérique

Stratification du risque rythmique en cas de CMD

Figure 8 : stratification du risque rythmique en cas de CMD

Les recommandations concernant la pratique sportive sont aussi différentes entre les cardiomyopathies dilatées et cardiomyopathies hypertrophiques surtout concernant les sports de compétitions.

Patient suivi pendant 6 ans régulièrement tous les 6 mois sans aucune hospitalisation ni de décompensation jusqu’à janvier 2023, le patient consulte son médecin traitant qui l’oriente aux urgences cardiologiques.

L’examen clinique retrouve : une dyspnée stade III NYHA, pas de palpitations, vertiges, une syncope.

TA 98/60 mmhg Fc 55 bpm, SAO2 95% AA.

OMI prenant le godet.

Notion d’intolérance aux médicaments décrite par son médecin traitant et confirmée par le patient.

Évolution

La prise en charge du patient a été assurée au service d’insuffisance cardiaque avec diurétisation IV permettant l’amélioration clinique et la régression des signes de surcharges.

Une surveillance télémétrique objective un trouble conductif équivalent BAVc avec alternance entre BBG et BBD, l’indication de poser a un pacemaker a été retenue par les rythmologues.

Plusieurs tentatives pour la reprise du traitement cardiotropes même à des petites doses mais sans succès avec intolérance clinique type hypotension, vertiges et hypotension orthostatique.

Nouvelle découverte

Le patient a été stabilisé sur le plan insuffisance cardiaque.

Devant ce tableau on décide de lancer un bilan d’exploration d’amylose cardiaque :

Bilan immunologique négatif :

  • Electrophorèse des protéines normale.
  • Dosage des chaines légères sériques retrouve un Ratio Kappa/Lambda normale 2,4 dans un contexte d’insuffisance rénale.
  • La recherche de la protéinurie de Bences Jones est négative.

ECG

ECG - Microvoltage périphérique non connue

Figure 9 : microvoltage périphérique non connue

Ancien ECG

Figure 10 : ancien ECG

Une nouvelle réévaluation écho cardiographique

  • VG dilaté (DTD 62 mm VTD 89 ml/m²) hypertrophie SIV 15 mm
  • FEVG altérée 20% ,SLG altérée -15% avec un gradient base-apex >1 et septum basal-apical > 2,1
  • IM modérée
  • Décollement péricardique minime en regard du VG

Vidéo 10

SLG altérée -15% avec un gradient base-apex >1 et septum basal-apical>2,1

Figure 11 : SLG altérée -15% avec un gradient base-apex > 1 et septum basal-apical > 2,1

Profil mitral type III restrictif

Figure 12 : profil mitral type III restrictif

Scintigraphie osseuse à la recherche d’amylose cardiaque

Scintigraphie osseuse à la recherche d’amylose cardiaque

Figure 13 : hyperfixation cardiaque supérieure à la fixation costale avec score Perugini = 2

Conclusion

Le diagnostic et la prise en charge des cardiomyopathies surtout hypertrophiques est un grand chalenge qui nécessite plus d’investigations en cas de formes litigieuses et une réflexion minutieuse devant toute évolution atypique pouvant évoquer une infiltration amyloide.

Références

1. 2023 ESC Guidelines for the management of cardiomyopathies : Developed by the task force on the management of cardiomyopathies of the European Society of Cardiology (ESC)

2. Charron et aL ,Circulation 1998

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