Une obstruction qui prend la fuite

Publié le vendredi 22 août 2025

Une patiente de 72 ans est suivie pour une cardiomyopathie hypertrophique (CMH) sarcomérique obstructive symptomatique, traitée par Atenolol. Elle a présenté 2 épisodes de décompensation cardiaque en 2023, et se présente aux urgences pour une nouvelle aggravation de sa dyspnée d’effort.

Contexte clinique

Présentation du cas

Cette patiente de 72 ans présente comme antécédents :

  • Trouble bipolaire
  • Stéatose hépatique
  • Cancer ovarien traité par chirurgie puis chimiothérapie

Elle présente une dyspnée d’effort NYHA 3, et des œdèmes des membres inférieurs bilatéraux prenant le godet aux chevilles et un souffle systolique dans tout le précordium. 

Elle est mise sous diurétiques intra-veineux pour cette récidive d’insuffisance cardiaque aigue.

Voici son échocardiographie transthoracique (ETT) après déplétion volémique :

ETT coupe parasternale grand axe

Figure 1 : ETT coupe parasternale grand axe

Vidéo 1 : ETT coupe 4 cavités

Vidéo 2 : ETT coupe 3 cavités

Vidéo 3 : ETT coupe 3 cavités avec doppler couleur

Gradient maximal intra VG en doppler continu

Figure 2 : gradient maximal intra VG en doppler continu

Estimation des PAPs sur le flux d’IT en doppler couleur

Figure 3 : estimation des PAPs sur le flux d’IT en doppler couleur

Voici son scanner cardiaque :

Coupe axiale 3 cavités centrée sur la valve mitrale

Figure 4 : coupe axiale 3 cavités centrée sur la valve mitrale

Coupe sagitale centrée sur l’anneau mitral

Figure 5 : coupe sagitale centrée sur l’anneau mitral

Voici sa coronarographie :

Vidéo 4 : incidence crâniale dégageant le trajet de l’IVA

Vidéo 5 : incidence OAG dégageant le trajet de la CD

Voici son IRM cardiaque :

Coupe 4 cavités - Séquence FLASH (rehaussement tardif)

Figure 6 : coupe 4 cavités; Séquence FLASH (rehaussement tardif)

Coupe petit basale - Séquence FLASH (rehaussement tardif)

Figure 7 : coupe petit basale; Séquence FLASH (rehaussement tardif)

Voici le résultat de son cathétérisme cardiaque droit :

  • Pcap 26 mmHg;
  • PAPs 90 mmHg;
  • PAPm 56 mmHg;
  • Dc 2,14 l/min et RVP 14 UW.

Voici le résultat de son Holter ECG :

  • Rythme sinusal permanent. Pas de trouble conductif. Rare ESA et ESV sans salve.

Voici son risque opératoire :

  • Euroscore 2 = 5% STS score = 2,8%

 

Questionnaire

Powered by Quiz Maker

Diagnostic

Nous avons opté pour une approche par imagerie multimodale devant ce cas complexe de CMH obstructive et de valvulopathie mitrale.

L’ETT met en évidence une obstruction médio-ventriculaire gauche significative et une insuffisance mitrale (IM) d’allure sévère, très excentrée, sur un prolapsus du feuillet postérieur P2 et restriction du feuillet antérieur. La longueur du feuillet mitral postérieur est mesurée à 12mm. Il y a des calcifications annulaires mitrales postérieurs modérés, et la surface valvulaire mitrale est à 2,5cm2 en planimétrie. Il existe par ailleurs une hypertension pulmonaire sévère.

Le scanner cardiaque retrouve un anneau mitral à 33mm, des calcifications importantes de l’anneau mitral postérieur, sans calcifications du feuillet mitral et un auricule gauche libre.

L’IRM cardiaque retrouve deux foyers de fibrose aspécifique aux points d’insertions VD.

La coronarographie montre une deuxième artère septale médio-ventriculaire accessible pour une procédure d’alcoolisation septale. Le cathétérisme droit met en évidence une hypertension pulmonaire mixte sévère à prédominance post-capillaire.

 

Traitement et gestion du cas

La sévérité de l’IM est donc principalement expliquée par le prolapsus valvulaire mitral. Corriger l’obstruction ventriculaire gauche ne corrigera donc pas entièrement la fuite mitrale. Par ailleurs, l’obstruction intra-ventriculaire gauche est significative, c’est-à-dire ≥50 mmHg et symptomatique, elle doit donc être prise en charge.

Notre équipe médico-chirurgicale a donc retenu une procédure de Mitraclip suivie d’un traitement par Mavacamtem pour les raisons suivantes :

  • Un risque chirurgical élevé, et une obstruction médio-ventriculaire gauche difficilement accessible par abord chirurgical
  • Une procédure de Mitraclip faisable, sans contre-indication absolue
  • Pas de contre-indication au Mavacamtem

Voici le résultat après la procédure de Mitraclip :

Vidéo 6 : coupe 4 cavités avec doppler couleur

Vidéo 7 : coupe petit axe avec doppler couleur

Vidéo 8 : coupe biplan avec doppler couleur

Gradient trans-mitral en doppler continu

Figure 8 : gradient trans-mitral en doppler continu

On retrouve un bon résultat après Mitraclip avec une IM résiduelle modérée. Pas d’effet sténosant majeur avec un gradient moyen trans-mitral à 6 mmHg.

Après traitement par Mavacamtem en titration progressive de la dose, le gradient maximal va baisser à 30 mmHg, sans altération de la FEVG, et la patiente revient à un statut NYHA 2.

En revanche l’hypertension pulmonaire reste sévère et fixée, en lien avec cette valvulopathie mitrale sévère ancienne.

Pas de récidive d’épisode d’insuffisance cardiaque aigue congestive à 6 mois de la procédure de Mitraclip et de l’introduction du Mavacamtem.

Gradient maximal intra VG en doppler couleur

Figure 9 : gradient maximal intra VG en doppler couleur

Estimation PAPs sur le flux d’IT en doppler couleur

Figure 10 : estimation PAPs sur le flux d’IT en doppler couleur

 

Discussion

La CMH obstructive est souvent associée à des anomalies de l’appareil mitral. Un mouvement systolique antérieur (SAM) de la valve mitrale peut être présent, et responsable en grande partie de l'obstruction dynamique sous-aortique dans la CMH.

Pour autant, il est important de garder à l’esprit qu’une valvulopathie mitrale organique, sans lien direct avec la CMH, peut exister de manière concomitante. Il est alors indispensable de réaliser un bilan exhaustif aidé de l’imagerie multimodale pour planifier une prise en charge adaptée et individualisée au tableau clinique du patient.

L’intervention de clip mitral a donné de bons résultats sur la correction des fuites mitrales sévères symptomatiques organiques, à condition d’une sélection rigoureuse des patients.

Le Mavacamtem, inhibiteur de la myosine ATPase, est un traitement novateur dans le CHM et permet une réduction du gradient intra ventriculaire significative en titration progressive de la dose. Un dosage du cytochrome 2C19 doit être réalisé avant le démarrage du traitement pour adapter la dose de départ. D’autre part, une altération de la FEVG transitoire et réversible peut être observée, et doit être surveillée.

Conclusion

Finalement, chez cette patiente a été retenu un diagnostic de CMH obstructive associée à une IM sévère par prolapsus.

Il a été décidé un traitement séquentiel par Mitraclip puis Mavacamtem devant le risque chirurgical élevé, une obstruction médio-ventriculaire gauche difficile d’accès par abord chirurgical, et l’absence de contre-indication au Mavacamtem et à une procédure de Mitraclip.

Une réduction significative de la fuite mitrale a été obtenu chez cette patiente après la procédure de Mitraclip.

Cette patiente s’est révélée être porteuse du cytochrome 2C19 à métabolisme intermédiaire, ce qui a conduit au démarrage du Mavacamtem à 5 mg/j puis augmentation à 10mg/j 3 mois après devant la bonne tolérance. Une diminution significative de l’obstruction ventriculaire gauche a été obtenu. Ce qui a permis de diminuer les symptômes de la patiente, et l’absence de récidive de décompensation cardiaque à 6 mois.

Un suivi clinique et échographique régulier sous Mavacamtem est recommandé.

Ce concours vous est proposée avec le soutien institutionnel de :

Amicus logo
Bristol-Myers Squibb

 

Ce cas ne représente pas l’opinion de la SFC ni de Cardio-online, et n’engage pas leur responsabilité.