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Le ministère de la santé souhaite "replacer le sommeil au cœur des politiques publiques et des stratégies de prévention"
Publié le mercredi 23 juillet 2025
Le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, Yannick Neuder, a présenté une feuille de route interministérielle visant à "replacer le sommeil au cœur de nos politiques publiques et de nos stratégies de prévention", mardi 22 juillet, lors d'un point presse à l'issue d'une table ronde avec des experts organisée au ministère.
"Le sommeil, c'est bien plus qu'un temps de repos, c'est un processus biologique essentiel qui régule un certain nombre de fonctions immunitaires, métaboliques, hormonales et digestives. Un temps de sommeil insuffisant, de mauvaise qualité, peut avoir des conséquences très graves sur notre organisme: en termes de santé mentale avec des troubles mentaux comme le stress, l'anxiété et la dépression; de troubles chez les enfants et les adolescents, notamment de l'apprentissage et du développement; ainsi que de maladies chroniques, comme l'obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires; mais aussi d'accidents de la route", a rappelé le ministre. Or, "en 50 ans, le sommeil des Français a diminué de 1h30. Un Français sur cinq dort moins de 6 heures par nuit en semaine, 45% des Français déclarent des troubles du sommeil et plus de 30% des enfants et 70% des adolescents ne dorment pas suffisamment", a-t-il souligné. "Nous sommes devant une dette de sommeil généralisée […], tout le monde est touché, tout le monde est concerné et nous devons nous mobiliser pour avoir une action globale et coordonnée."
"Une volonté forte" du ministère est de proposer "une approche transversale, concrète et opérationnelle" et c'est pourquoi cette feuille de route a été élaborée en lien avec de nombreux autres ministères: l'éducation nationale, l'enseignement supérieur, la culture, l'agriculture, la transition écologique, le logement, la justice. S'inscrivant dans le cadre de la grande cause nationale 2025 santé mentale, ce "plan d'action" vise à "promouvoir un sommeil de qualité" et notamment à "réduire les inégalités face au sommeil", lit-on dans un communiqué.
Le sommeil, déterminant de la santé globale
Selon le document diffusé à la presse, la feuille de route comprend 25 mesures qui se déclinent selon quatre axes. Tout d'abord, il s'agit d'informer et de promouvoir le sommeil comme un déterminant de la santé globale, avec notamment des "repères clés" donnés aux parents et aux familles sur les sites internet de l'assurance maladie et de Santé publique France, sur le site de prévention Mangerbouger.fr, a notamment fait savoir Yannick Neuder. Il a également évoqué des campagnes de sensibilisation.
Le deuxième axe consiste à favoriser une bonne hygiène de sommeil chez les enfants et les jeunes, car le sommeil "participe de manière centrale aux apprentissages, au développement cognitif et à la mémorisation". "Il est important aussi de créer les bonnes habitudes que nos futurs adultes pourront entretenir toute la vie."La sensibilisation des professionnels de la petite enfance sera renforcée, le sommeil mieux pris en compte dans le cadre scolaire, avec un renforcement des connaissances des enseignants et une sensibilisation des enfants et des parents. Des actions de prévention et d'éducation à la santé seront menées auprès des étudiants. Pour agir pour un environnement plus favorable au sommeil, troisième axe de cette feuille de route, il est prévu des actions dans différents milieux pour préserver le sommeil, comme une rénovation de l'habitat pour réduire les nuisances sonores et la chaleur, le déploiement d'espaces calmes dans les lieux publics et les entreprises, la diffusion de recommandations concernant l'organisation des services hospitaliers pour favoriser le sommeil des patients et des soignants…
Enfin, il s'agit d'améliorer le repérage des troubles du sommeil, notamment en équipant les professionnels d'outils de mesure du sommeil, mais aussi les particuliers, avec, par exemple, l'application gratuite Jardin mental pour suivre son sommeil.
Un cinquième "engagement" ou "axe" figure dans le document: renforcer les connaissances sur le sommeil. Il s'agit de soutenir les travaux de recherche concernant le sommeil en inscrivant cette thématique dans les différents appels à projets. Interrogée par APMnews, la sous-directrice de la direction générale de la santé (DGS) en charge de la santé des populations et de la prévention des maladies chroniques, Marion Marty, a précisé qu'aucun financement spécifique n'était alloué à cette feuille de route.
"Ce nouveau cadre d'action est le point de départ d'un engagement durable, qui vise à produire des changements de long terme sur les modes de vie, […] grâce à des bases scientifiques solides", a conclu le ministre.
Une feuille de route bâtie sur des bases scientifiques solides
Avant son intervention, six spécialistes du sommeil ont dressé un état des lieux synthétique lors d'une table ronde d'une heure. La Dr Isabelle Poirot du CHU de Lille a notamment rappelé les actions menées depuis 25 ans par l'Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV), qu'elle préside.
L'INSV documente le sommeil des Français, identifie les populations à risque et formule des propositions d'actions. "Il faut intégrer le sommeil dans le programme national nutrition santé (PNNS) pour bien manger, bien bouger et bien dormir", a insisté la Dr Isabelle Poirot.
La Pr Carmen Schröder des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) a rappelé de son côté le rôle essentiel du sommeil dans la maturation cérébrale chez l'enfant et l'adolescent et que ceux qui avaient des troubles du neurodéveloppement étaient encore plus vulnérables aux troubles du sommeil. Le sommeil intervient également dans l'équilibre psychique, la gestion et la régulation des émotions. La durée du sommeil en particulier est un facteur prédictif de troubles psychiatriques, a exposé pour sa part le Pr Pierre-Alexis Geoffroy de l'hôpital Bichat à Paris (AP-HP), avant de rappeler qu'il est possible de traiter les insomnies avec la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), traitement de première intention, et de réduire le risque de dépression.
Egalement président du Collège national des enseignants en médecine du sommeil (Cnesom), il a souligné l'importance de former les professionnels de santé notamment pour mieux informer la population et orienter les patients.
Le Pr Renaud Tamisier du CHU de Grenoble, président de la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS), a évoqué les maladies respiratoires du sommeil, qui augmentent avec la progression de l'obésité et la problématique de leur sous-diagnostic. En raison d'un délai d'attente pour une polysomnographie en centre de sommeil, pouvant se prolonger pendant plusieurs mois, des financements doivent permettre d'évaluer des outils numériques de dépistage précoce.
Sur le plan somatique, le sommeil est "un pilier de la santé cardio et cérébrovasculaire" et joue un rôle dans la prévention secondaire, à la fois par la durée et la structure du sommeil, a ajouté son collègue, le Dr Sébastien Baillieul.
Enfin, le Pr Pierre Philip du CHU de Bordeaux a souligné qu'à la fois la durée, la qualité et la régularité du sommeil étaient importantes. Pour lui, il est essentiel de comprendre pour anticiper et agir, et pour cela, il estime qu'il faut créer un observatoire national du sommeil et diffuser des outils simples et validés pour mesurer le sommeil et repérer les troubles, comme l'application Kanopee.
"On est en train de déstructurer durablement notre sommeil", a-t-il alerté. Alors que les niveaux de dépression et d'anxiété ont augmenté pendant les confinements puis diminué après, les altérations du sommeil se sont maintenues. La dette de sommeil pendant la semaine n'est récupérée que partiellement pendant le sommeil ultérieur, notamment à cause du "jet lag social", accentué encore par l'usage des écrans, lui-même accentué pendant les confinements.
Le ministère de la santé avait mis en place un groupe de travail sur la santé dès 2021 et la feuille de route devait initialement être présentée fin 2023, mais l'agenda a vraisemblablement été bousculé par les changements de gouvernement et la valse des ministres, note-t-on.
Un "plan sommeil" avait été présenté en 2007 puis étendu jusqu'en 2010. La nouvelle feuille de route s'inscrit dans la continuité des travaux engagés depuis, précise le ministère dans son communiqué.
Feuille de route interministérielle en faveur d'un sommeil de qualité (2025-2026)
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