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Dispositifs médicaux à usage unique retraités : la "principale préoccupation" des professionnels concerne leur qualité (étude)
Publié le mercredi 12 mars 2025
Dans l'hypothèse d'une future mise en service de dispositifs médicaux à usage unique (DMUU) retraités dans les hôpitaux, la "principale préoccupation" des cardiologues et pharmaciens hospitaliers sera liée aux "aspects qualitatifs" du retraitement des DMUU, relève une enquête publiée fin janvier dans la revue des Annales pharmaceutiques françaises.
L'étude est intitulée "Retraitement des dispositifs médicaux à usage unique: points de vue et perceptions des cardiologues et pharmaciens hospitaliers". Elle a été menée par Samantha Huynh, Adeline Bonan, Judith Pineau et Brigitte Sabatier du service de pharmacie de l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP, Paris), Eloi Marijon du service de cardiologie à HEGP, et Nicolas Martelli, maître de conférences au Groupe de recherche et d'accueil en droit et économie de la Santé (Grades) de la faculté de pharmacie (université Paris-Saclay), et praticien hospitalier à l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP).
Cette enquête a été réalisée au sein de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP). Elle se donne pour objectif de "comparer les connaissances et les positions des pharmaciens hospitaliers (PH) et des cardiologues sur l'utilisation de DM à usage unique retraités (DMUUR)", afin "d'identifier leurs préoccupations ainsi que les points de convergence et de divergence", expliquent les auteurs.
Des expérimentations attendues sur le retraitement des DMUU
L'article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a ouvert la voie au retraitement de certains DMUU, à leur mise à disposition sur le marché et à leur utilisation, rappelle-t-on. L'objectif est de réduire l'impact environnemental des DMUU. Une expérimentation dérogatoire doit être menée dans quatre établissements de santé français. L'expérimentation, prévue pour une durée de deux ans à compter d'une date fixée par décret, restait en attente de la parution de ce décret. L'inspection générale des affaires sociales (Igas) avait recommandé en juillet 2024 de mener cette expérimentation avec la société allemande Vanguard, en l'absence de filière industrielle sur le territoire national, rappelle-t-on. Le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique est interdit en France depuis 1986, tandis que d'autres pays de l'Union européenne le pratiquent comme l'Espagne, le Portugal ou l'Allemagne.
27 questions envoyées aux pharmaciens hospitaliers et cardiologues de l'AP-HP
Un questionnaire électronique, directif et mixte, a été envoyé aux pharmaciens hospitaliers (PH) et aux cardiologues de l'AP-HP, sans critère d'exclusion spécifique. Celui-ci contenait 27 questions catégorisées en huit sections thématiques, dont les réponses variaient entre des choix simples et des choix multiples. Le questionnaire était accessible aux participants du 1er janvier au 31 mars 2024. Pour maximiser le taux de réponses, un rappel a été envoyé deux semaines après l'envoi initial. Les réponses ont été anonymisées afin de préserver la confidentialité des participants. Les réponses de 32 PH et de 30 cardiologues ont été analysées. Parmi les 32 PH figurent 18 spécialistes en dispositifs médicaux, 7 en stérilisation, 5 en dispositifs médicaux et en stérilisation (16%), et 1 pharmacien dans un autre secteur. Parmi les 30 médecins répondants figurent 16 cardiologues, 12 rythmologues, et 2 électro-physiologistes.
Un niveau de confiance relatif envers les DMUU retraités
Parmi les répondants, 84% des PH et 50% des cardiologues ont déclaré avoir connaissance du concept de retraitement des DMUU. Les PH se sont estimés à 75% peu ou pas du tout informés, ainsi que 77% des cardiologues. Concernant le retraitement des DMUU, l'enquête a révélé "une divergence notable" de perception entre les deux groupes professionnels, soulèvent les auteurs de l'étude. Les cardiologues se sont prononcés unanimement en faveur du retraitement, contre 59% des PH. Ces derniers se sont positionnés à 13% de manière "défavorable", et à 28% comme "neutre ou autre".
La grande majorité (90%) des cardiologues ont estimé qu'ils accepteraient d'utiliser des DMUU retraités "en tant que professionnels de santé", contre 72% des PH (9% se déclarant défavorables, et 19% neutres). En tant que patients, 80% des cardiologues, et 56% des PH, ont déclaré qu'ils accepteraient l'utilisation des DMUU retraités.
Parmi les cardiologues, 7% ont aussi expliqué qu'ils n'accepteraient pas leur utilisation en tant que patient (13% se déclarant aussi "neutres" ou "autres"). Parmi les PH, 22% se déclarent "neutres" ou "autres", et 22% déclarent qu'ils n'accepteraient pas leur utilisation. Parmi les cardiologues interrogés, 20% ont déclaré être "très confiants" envers les DMUU retraités, 53% "confiants", 23% "neutres/autres" et 3% "peu confiants". Parmi les PH, seulement 3% se sont déclarés "très confiants", contre 47% "confiants", 41% "neutres ou autres", et 9% "peu confiants". Les cardiologues ont estimé à 90% que la réalisation d'études cliniques sur les DMUU retraités était "nécessaire", de même que 69% des pharmaciens.
Dans l'éventualité d'une légalisation du retraitement, 91% des PH et 67% des cardiologues considèrent leur propre responsabilité comme "importante", voire "très importante" dans le processus. Pour 63% des PH et 70% des cardiologues, informer les patients sur l'utilisation de DM retraités est également "important". La mise en place de "programmes de formation spécifiques" est jugée nécessaire par 88% des pharmaciens et par 80% des cardiologues.
Des motivations économiques et écologiques pour pousser au retraitement des DM
Dans l'hypothèse où le retraitement des DMUU devenait possible, 78% des PH ont estimé que la motivation principale pour adopter ce procédé serait d'ordre économique, ainsi que pour 80% des cardiologues. En moyenne, les PH se sont déclarés prêts à considérer l'utilisation d'un DM retraité si celui-ci permet de réduire au minimum de 49% les coûts, et de 48% l'empreinte carbone, contre respectivement 47% et 39% chez les cardiologues. Les cardiologues ont estimé à 87% que le retraitement des DMUU permettrait une "réduction significative" des coûts économiques et environnementaux, contre 28% des PH. A l'opposé, les pharmaciens ont perçu à 78% le retraitement des DMUU comme un "avantage potentiel" pour prévenir les tensions d'approvisionnement, contre 50% des cardiologues.
Les répondants se sont également exprimés sur leur préférence entre la mise en place d'un circuit "fermé" pour le retraitement des DM, et un circuit "ouvert". Dans un circuit fermé, "l'établissement de santé sous-traite l'ensemble du processus de retraitement à un centre externe qui est certifié. Ce modèle se rapproche du circuit déjà bien connu de la stérilisation externalisée", expliquent les auteurs de l'étude. Dans un circuit ouvert, "l'établissement de santé vend ses DM à usage unique usagés à des centres de retraitement, et rachète les dispositifs une fois retraités". Pour 56% des pharmaciens, le circuit "ouvert" serait à privilégier, tandis que 28% ont opté pour un circuit "fermé". Les cardiologues ont préféré à 30% le circuit "ouvert", et à 40% le circuit "fermé". Enfin, 66% des pharmaciens et 100% des cardiologues ont estimé que le retraitement devrait être activement encouragé par les instances de santé.
Un "renforcement des exigences réglementaires" préconisé
Les auteurs déduisent de leurs résultats que "les principales préoccupations soulevées […] concernent les aspects qualitatifs du retraitement". "Le processus de retraitement, incluant les étapes pour pré-désinfecter, laver, tester, stériliser ou reconditionner les DM retraités, reste encore mal connu, y compris pour les pharmaciens responsables de stérilisation", exposent les auteurs. "Ces inquiétudes […] découlent principalement du manque de données publiées sur la sécurité et la qualité des DM après retraitement", rapportent-ils.
Ils préconisent un "renforcement des exigences réglementaires", ainsi que la "production de données probantes par le biais d'études". Ces études devraient, selon eux, inclure une évaluation des impacts "cliniques, économiques et environnementaux". Ils observent aussi que "malgré ces réticences, les professionnels de santé reconnaissent les avantages économiques et environnementaux potentiels du retraitement". Les auteurs soulèvent enfin le fait que les DMUUR "oscillent entre leur statut initial de DM à usage unique, gérés par les pharmaciens hospitaliers en charge des DM stériles, et celui de dispositif réutilisable, sous la responsabilité des pharmaciens en stérilisation", et estiment que "cette ambiguïté introduit des défis logistiques et réglementaires".
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