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Anesthésie sans opioïde en chirurgie cardiaque: deux études françaises aux résultats contrastés

Publié le mercredi 24 septembre 2025

L'anesthésie sans opioïde utilisée chez les patients de chirurgie cardiaque a été associée à une réduction des complications et de la mortalité postopératoire dans un essai clinique français, tandis qu'un autre n'a pas montré de différence sur les complications majeures liées aux opioïdes, selon des résultats présentés au congrès de la Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar) à Paris.

La chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle (CEC) est associée à des taux de complications postopératoires élevés. L'anesthésie conventionnelle avec opioïdes est elle-même pourvoyeuse d'effets indésirables, tels que des nausées, vomissements, iléus et complications pulmonaires et cardiovasculaires, rappelle Pierre-Grégoire Guinot (CHU de Dijon) dans le résumé de la communication orale sur les résultats de l'essai OFACAR présentés vendredi 19 septembre.

L'anesthésie sans opioïde (Opioid-free anesthesia -OFA) a émergé comme une nouvelle approche multimodale, associant des agents non opioïdes avec potentiellement des propriétés cardioprotectrices, explique-t-il. En chirurgie non cardiaque, l'essai randomisé multicentrique français POFA n'avait pas montré de réduction des effets indésirables liés aux opioïdes avec une OFA. Des études de cohorte ont en revanche suggéré un bénéfice de l'OFA en chirurgie cardiaque, a rappelé de son côté Emmanuel Besnier (CHU de Rouen) lors de la présentation des résultats de l'essai OFACS, vendredi en session Hot topics.

 Dans l'essai OFACAR, financé par le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) interrégional, 320 patients recevant une chirurgie cardiaque programmée avec CEC ont été randomisés entre OFA (kétamine intraveineuse, dexaméthasone, lidocaïne et sulfate de magnésium) et anesthésie conventionnelle avec sufentanil.

Le taux de survenue de complications postopératoires (dysfonction neurologique, insuffisance rénale aiguë, insuffisance respiratoire, complications cardiovasculaires, décès) à 30 jours était de 75,5% dans le groupe OFA contre 84,5% dans le groupe contrôle. Le risque relatif approché (calculé selon la méthode des odds ratios) ajusté de complications postopératoires était significativement réduit de 43% avec l'OFA. Il y a eu en particulier une baisse significative des décès à 30 jours avec l'OFA (0% contre 3,7%) ainsi qu'une baisse des lésions myocardiques postopératoires (62,3% contre 72,7%).

 Des réductions significatives avec l'OFA ont notamment été observées pour les complications cardiovasculaires (64,2% contre 75,2%, soit un risque réduit de 42%), les complications digestives (2,5% contre 11,2%, risque réduit de 80%) et les nausées et vomissements postopératoires -NVPO (13,3% contre 29,8%, risque réduit de 66%).

Les taux de complications neurologiques et respiratoires n'étaient pas significativement différents. "Ces résultats suggèrent qu'au-delà d'éviter les effets indésirables liés aux opiacés, les effets cardioprotecteurs associés des composants de l'OFA peuvent être particulièrement bénéfiques en chirurgie cardiaque", commente Pierre-Grégoire Guinot dans le résumé. "Ces résultats soutiennent l'utilisation des protocoles d'OFA en chirurgie cardiaque pour améliorer les résultats postopératoires", conclut-il.

 

Une méta-analyse en commun des données des deux études est prévue

Pour l'essai OFACS, également financé par le PHRC interrégional, 268 patients recevant un pontage coronaire avec ou sans remplacement de valve aortique ont été randomisés entre OFA intégrant dexmédétomidine et lidocaïne, et anesthésie conventionnelle avec rémifentanil. Le taux de complications majeures liées aux opioïdes (insuffisance respiratoire aiguë, dysfonction cognitive, iléus intestinal, décès) était de 11,9% dans le groupe OFA contre 19,5% dans le groupe contrôle. Après ajustement sur l'âge, le sexe, l'euroscore et le diabète, le risque relatif approché (odds ratio = 2,04) de complications majeures liées aux opioïdes n'était pas significativement réduit dans le groupe OFA.

Toutefois, une réduction significative de la douleur à l'extubation a été observée dans le groupe OFA (score EVA de 2,3 mm contre 4,4 mm), ainsi qu'une réduction des NVPO à 48 heures (3% contre 9,2%).

La sécurité peropératoire était bonne, avec des taux de recours à l'atropine, aux anti-hypertenseurs, vasopresseurs, etc., similaires dans les deux groupes. Les autres complications et critères n'étaient pas significativement différents. Ces résultats non significatifs s'expliquent probablement par un sous-dimensionnement de l'étude concernant son effectif, selon Emmanuel Besnier. Les deux équipes ont prévu une méta-analyse en commun des données individuelles des études OFACAR et OFACS, a-t-il fait savoir.

 

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