WARRIOR : une stratégie intensive ne réduit pas les événements cardiovasculaires chez les femmes avec INOCA suspecté

Publié le mardi 1 avril 2025

En direct du congrès de l'ACC 2025

D'après la présentation de Dr Eileen Handberg : "Primary and secondary outcomes of the women's ischemia trial to reduce events in non-obstructive coronary artery disease".

Messages clés

  • L’étude WARRIOR est le plus large essai randomisé mené chez les femmes présentant un angor stable et une absence de maladie coronaire obstructive (INOCA)
  • Une stratégie de traitement médical intensif (statine forte dose ou PCSK9i + IEC/ARA2 + aspirine) n’a pas permis de réduire significativement les événements cardiovasculaires majeurs (MACE) à 5 ans comparée aux soins usuels
  • Aucune différence significative n’a été observée entre les groupes, notamment sur la mortalité, les infarctus, les AVC ou les hospitalisations
  • L’essai met en lumière la fréquence élevée des hospitalisations pour douleurs thoraciques dans cette population

Introduction

L’ischémie sans maladie coronaire obstructive (INOCA) est une entité longtemps négligée, qui représente pourtant une part importante des patientes vues en consultation pour angor : jusqu’à 50 % des coronarographies réalisées chez des femmes symptomatiques révèlent l’absence de sténose coronarienne significative.

Dans ce contexte, l’objectif de WARRIOR était d’évaluer si une stratégie de traitement médical intensif — associant statine à forte intensité ou inhibiteur de PCSK9, IEC ou ARA2 à dose maximale tolérée et aspirine à faible dose — pouvait réduire les événements cardiovasculaires majeurs.

Méthodologie et résultats

Type d’étude : essai multicentrique, prospectif, randomisé, avec évaluation en aveugle des critères de jugement (PROBE)

Population incluse :

  • 2 476 femmes présentant un angor stable ou équivalent d’angor
  • Absence de sténose ≥ 50 % à la coronarographie invasive ou au coroscanner (CCTA)
  • Bras interventionnel : thérapie médicale intensive : statine forte dose (ou PCSK9i) + IEC ou ARA2 + aspirine faible dose
  • Bras contrôle : soins usuels selon le médecin traitant

Critère primaire : MACE (décès toutes causes, infarctus, AVC ou hospitalisation pour angor ou insuffisance cardiaque)
Critères secondaires : qualité de vie, délai de retour au travail, consommation de soins, décès CV, WIN ratio

Au total, 2 476 femmes présentant un angor stable ou un équivalent d’angor, et sans sténose coronarienne ≥50 %, ont été randomisées dans l’étude WARRIOR. Parmi elles, 1 239 ont été affectées au groupe traitement médical intensif (IMT), recevant une statine forte dose ou un inhibiteur de PCSK9, un IEC ou ARA2 à dose maximale tolérée, et de l’aspirine à faible dose. Les 1 237 autres ont été suivies selon la stratégie de soins usuels, à la discrétion du médecin traitant. L’âge moyen des participantes était de 64 ans, avec une forte prévalence de diabète (21 %) et d’hypertension (64 %).

Caractéristiques initiales des patients

Figure 1 : caractéristiques initiales des patients

Les deux groupes étaient similaires en termes de caractéristiques basales et de prescriptions : environ 70 % des patientes recevaient une statine, 53 % un IEC ou un ARA2, et près de 60 % de l’aspirine dans chaque bras. La proportion de patientes ayant subi une coronarographie invasive ou un coroscanner était également équivalente.

Le critère principal, un composite regroupant la mortalité toutes causes, infarctus du myocarde, AVC, ou hospitalisation pour angor ou insuffisance cardiaque, n’a montré aucune différence significative entre les deux stratégies après 5 ans de suivi. Le taux d’événements était de 17,8 % dans le groupe IMT contre 16,2 % dans le groupe soins usuels (hazard ratio : 1,13 ; IC 95 % : 0,94–1,37 ; p = 0,20).

Critère de jugement principal

Figure 2 : critère de jugement principal

Les événements cardiovasculaires majeurs (décès cardiovasculaires, infarctus et AVC) étaient rares et équivalents entre les groupes :

  • Décès cardiovasculaires : 4 dans le groupe IMT, 5 dans le groupe soins usuels
  • Infarctus non fatals : 14 dans chaque groupe
  • AVC ou AIT : 16 dans le groupe IMT, 19 dans le groupe soins usuels
Évènements Cardiovasculaires (MACE)

Figure 3 : évènements Cardiovasculaires (MACE)

La grande majorité des événements ayant contribué au critère primaire était constituée d’hospitalisations pour douleurs thoraciques : 305 dans le groupe IMT contre 298 dans le groupe soins usuels, soulignant la charge subjective et symptomatique persistante de cette population.

Les critères secondaires, comprenant la qualité de vie, la reprise d’activité, la consommation de soins ou les décès d’origine cardiovasculaire, n’ont pas non plus montré de différence significative entre les deux groupes à 5 ans.

Une analyse de sensibilité prenant en compte les cas de “contamination” thérapeutique (patientes du groupe contrôle recevant une thérapie intensive) a montré une tendance non significative en faveur du groupe IMT (HR : 0,74 ; IC 95 % : 0,35–1,56 ; p = 0,43), suggérant un potentiel bénéfice sous-exploité par manque d’adhérence thérapeutique stricte.

Conclusion

L’essai WARRIOR, malgré sa taille et son ambition, n’a pas montré de bénéfice clinique significatif d’une stratégie de traitement médical intensif chez les femmes avec angor et absence de sténose coronaire significative. Le résultat est dit “neutre”, mais il ne doit pas être interprété comme un échec thérapeutique.

Pour aller plus loin

L’essai WARRIOR s’attaque à une question fondamentale en cardiologie contemporaine : que faire des patients (et surtout des patientes) présentant une ischémie sans sténose coronarienne significative ? Représentant jusqu’à 50 % des angiographies normales, cette entité — que l’on regroupe sous le terme INOCA — est associée à une mauvaise qualité de vie, une morbidité non négligeable.

L’étude souffre de plusieurs limites majeures :

  • Un profil de risque cardiovasculaire faible (âge modéré, événements rares)
  • Une prescription de fond très similaire entre les deux groupes
  • Une contamination des traitements intensifs dans le bras contrôle
  • Un critère composite majoritairement porté par les hospitalisations pour douleurs thoraciques, un paramètre subjectif

Mais cet essai, aussi bien construit soit-il, a été pragmatiquement sous-optimal : en l’absence de différenciation claire entre les phénotypes INOCA (dysfonction microvasculaire vs angor vasospastique), et en l’absence de tests fonctionnels invasifs, la prise en charge est restée non personnalisée. Il est donc impossible de conclure à l’inefficacité réelle d’un traitement médical, si celui-ci n’était ni strictement appliqué, ni adapté au substrat physiopathologique.

Le plus grand enseignement est peut-être là : “no evidence of effect” ne signifie pas “no effect”. La pertinence de la stratégie repose donc sur une meilleure stratification diagnostique en amont, et des essais ciblés selon la physiopathologie sous-jacente. Les futures études devront intégrer systématiquement les tests de fonction coronaire invasifs recommandés par les guidelines ESC (classe IB).

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