4 minutes de lecture
RIVER : Le Rivaroxaban semble faire mieux que la Warfarine les trois premiers mois chez les porteurs de bioprothèse mitrale
Publié le dimanche 28 août 2022
Auteur :
Nabil Bouali
Membre du Collège des Cardiologues en Formation,
Poitiers
Relecteur :
Théo Pezel
Membre du Collège des Cardiologues en Formation,
Paris
Sous la supervision de :
Albert Hagège
Président du Comité Éditorial de Cardio-online,
Paris
En direct de l'ESC Congress 2022
D'après la présentation de Renato Lopes (Durham, United States of America) : "RIVER: Rivaroxaban for Valvular Heart Disease and Atrial Fibrillation"
Messages clés
- En 2020, RIVER avait montré la non-infériorité du Rivaroxaban comparativement à la Warfarine chez les patients en fibrillation ou en flutter atrial porteurs d’une bioprothèse mitrale.
- Cette étude secondaire suggère une meilleure efficacité et une meilleure sécurité du Rivaroxaban sur la Warfarine en phase précoce soit dans les 3 mois post-opératoires de l’implantation d’une bioprothèse mitrale.
- Cette étude conforte les données de non-infériorité vis-à-vis de la Warfarine sans supériorité démontrée. Ainsi, cela suggère l’utilisation du Rivaroxaban en 1ère intention sur la Warfarine dans les trois premiers mois mais ces données doivent s’interpréter avec la prudence inhérente aux analyses en sous-groupe.
Introduction
L’étude RIVER1 est un essai clinique randomisé multicentrique conduit dans 49 centres brésiliens dont les résultats parus en 2020. Cette étude avait montré la non-infériorité du Rivaroxaban comparativement à la Warfarine (cible INR 2-3) chez les patients en fibrillation ou en flutter atrial porteurs d’une bioprothèse mitrale. Le critère évalué en ouvert comprenait de décès ou évènement cardiovasculaire majeur ou saignement majeur à 12 mois.
Cependant, il existe des variations des effets au cours du temps tant pour le Rivaroxaban que pour la Warfarine mais celles-ci demeurent mal comprises. En particulier les guidelines actuelles préconisent une anticoagulation par AOD seulement 3 mois après l’implantation d’une bioprothèse. La phase précoce post-opératoire apparait comme importante puisque c’est durant ce moment que l’endothélialisation de la prothèse se fait et donc que le risque thrombotique est maximal.
Cette analyse prévue a priori a pour objectif d’évaluer plus spécifiquement l’anticoagulation par AOD selon le délai d’implantation de la bioprothèse mitrale et en particulier avant et après 3 mois (post-opératoire).
Méthodologie et résultats
Méthodologie
Dans l’étude RIVER, environ 20 % des patients ont été inclus dans les 3 premiers mois suivant l’implantation d’une bioprothèse mitrale (groupe « phase précoce »). Dans le groupe « phase tardive » (> 3 mois), les patients étaient répartis de la façon suivante : 20 % entre 3 mois et 1 an, 30 % entre 1 an et 5 ans et 30 % entre 5 et 10 ans.
Les patients dans le groupe « phase précoce » étaient globalement plus jeunes, présentaient plus de tableau d’insuffisance cardiaque congestive et moins hypertendus.
Résultats
En phase précoce de l’implantation de la bioprothèse (< 3 mois), l’utilisation du Rivaroxaban était associé à une réduction d’environ 70 % (HR 0,31 [0,12-0,79 p = 0,01] du risque de décès ou évènement cardiovasculaire majeur ou de saignement majeur comparativement à l’utilisation de Warfarine (figure 1).
Figure 1. Décès ou évènement CV majeur ou saignement majeur dans le groupe « phase précoce » (< 3 mois)
Source: présentation de Renato Lopes (Durham, United States of America), ESC 2022
En phase tardive de l’implantation de la bioprothèse (> 3 mois), le Rivaroxaban fait preuve de sa non-infériorité à la Warfarine puisqu’il n’a pas été retrouvé de différence significative entre les deux groupes sur ce même critère composite (HR 1, 21 [0,77-1,90], p=0.416, figure)
Figure 2 : Décès ou évènement CV majeur ou saignement majeur dans le groupe « phase tardive »
Source: présentation de Renato Lopes (Durham, United States of America), ESC 2022
Une analyse supplémentaire montre que le bénéfice du Rivaroxaban se voit dès le premier mois et persiste les trois premiers mois (figure 3).
Figure 3 : Hazard ratio sur le critère de jugement primaire en fonction du temps (en mois)
Source: présentation de Renato Lopes (Durham, United States of America), ESC 2022
L’analyse de sécurité réalisée en phase précoce (< 3 mois) montre une différence significative en faveur du Rivaroxaban essentiellement drivée par la présence de moins d’AVC dans ce groupe (1% dans le groupe Rivaroxaban vs 4,2 % dans le groupe Warfarine), moins hospitalisations pour insuffisance cardiaque et moins de saignements majeurs.
Enfin, l’analyse de la fenêtre thérapeutique chez les patients prenant de la Warfarine objective une plus grande labilité de l’INR en phase précoce avec seulement 55,2 % patients dans la fenêtre thérapeutique en phase précoce vs 65,5 % en phase tardive (p< 0,001).
Conclusion
- Cette sous analyse de l’étude RIVER suggère qu’en phase précoce (dans les 3 mois suivant l’implantation d’une bioprothèse mitrale), une anticoagulation par Rivaroxaban est associé à un moindre risque de décès ou évènement cardiovasculaire majeur ou de saignement majeur. En phase tardive (après 3 mois suivant l’implantation d’une bioprothèse mitrale, l’anticoagulation par Rivaroxaban semble non inférieur à la Warfarine.
- Une hypothèse explicative est avancée par les auteurs concernant la plus grande difficulté à contrôler l’INR chez les patients sous AVK en phase précoce.
- Ces données doivent s’interpréter avec la prudence inhérente aux analyses post-hoc et en sous-groupe.
Références bibliographique
- Guimarães HP, Lopes RD et al. RIVER Trial Investigators. Rivaroxaban in Patients with Atrial Fibrillation and a Bioprosthetic Mitral Valve. N Engl J Med. 2020 Nov 26;383(22):2117-2126
Pour en savoir plus, consultez les LBT complètes, en langue anglaise, présentées lors de l'ESC 2022 :
Toute l'actualité de l'ESC 2022
Ce compte rendu de l'ESC 2022 vous est proposé avec le soutien institutionnel de :
Ce compte rendu d'étude ne reflète pas l'opinion de Cardio Online ou de la SFC, et n'engage pas leur responsabilité.
|
Dans la même thématique
Articles les plus lus

FA et maladie coronaire
Publié le 26 janvier 2022
L’AVC ischémique vu par le cardiologue et par le neurologue
Publié le mercredi 26 janvier 2022