La syncope : les recommandations de l’ESC 2018

Mis à jour le vendredi 31 août 2018
dans

Congrès de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) 2018

Charles Morgat
Julien Rischard
Audrey Sagnard
Alexandre Zhao

Ce compte-rendu vous est proposé par les membres du CCF : Charles Morgat (Interne, Paris), Julien Rischard (Interne, Paris), Audrey Sagnard (Interne, Dijon) et Alexandre Zhao (CCA, Paris).

La syncope est définie comme une perte de conscience transitoire secondaire à une hypoperfusion cérébrale. Elle est caractérisée par un début brutal, une durée courte et un retour à la conscience spontané et total. L’interrogatoire est souvent évocateur néanmoins les recommandations de l'ESC 2018 rappellent que les chutes inexpliquées de l’adulte doivent être considérée comme des syncopes. Schématiquement, on peut séparer les syncopes en trois causes distinctes : les causes réflexes, cardiaques et l'hypotension orthostatique.

Leur évaluation initiale doit avant tout éliminer les présentations autres qu’une perte de connaissance transitoire ainsi que les pertes de connaissances d’origine non syncopale (épileptique, psychogénique, autres…).

Évaluation initiale

Aux urgences, l'évaluation clinique initiale présente deux objectifs : repérer les diagnostics évidents et stratifier le risque des autres patients afin d’hospitaliser les patients à risque moyen et élevé.

L’examen clinique doit comprendre un interrogatoire du patient et des témoins, un examen physique avec mesure de la pression artérielle (PA) couché/debout et un ECG. En fonction, on rajoutera un massage du sinus carotidien (si âge > 40 ans), une échocardiographie (en cas de cardiopathie structurelle connue ou suspectée), un monitoring ECG (en cas de suspicion de cause cardiaque), un test d’hypotension orthostatique et éventuellement, une analyse biologique (troponine, D-dimères) en fonction des présentation.

Les situations évidentes sont présentées dans le tableau suivant :

Tableau des situations évidentes syncope (ESC 2018)
Tableau des situations évidentes syncope (ESC 2018)

La grande nouveauté de ces recommandations ESC 2018 est l’introduction de profils à haut risque ou à faible risque dans le cas des syncopes sans diagnostic évident. L’évaluation du risque va guider le lieu de prise en charge avec la possibilité d’une évaluation en ambulatoire en cas de faible risque. Elles proposent également la création d’unités de syncope répondant d’avantage à une contrainte économique que médicale.

Le profil des risques selon les patients et leur examen clinique
Le profil des risques selon les patients et leur examen clinique

Évaluation spécialisée

De nombreux examens complémentaires peuvent être utiles dans le diagnostic étiologique de la syncope inexpliquée, leurs indications dépendant de la suspicion clinique.

Explorations de routines (unités observationnelles, ambulatoire)

Monitoring ECG :

  • Scope/Télémétrie si haut risque en hospitalisation (Classe I, C)
  • Holter si symptômes > 1/semaine (Classe IIa, B)
  • Holter de longue durée si symptômes > 1/mois (Classe IIa, B)
  • Holter implantable si récidive probable durant la durée de vie de la batterie (Classe  I, A)

Le critère diagnostic étant la survenue concomitante d’une arythmie et d’une syncope (Classe I, B), ou, en l’absence de syncope, d’un bloc auriculo-ventriculaire (BAV) de haut degré, d’une pause > 3 secondes, d’une arythmie (tachycardie ventriculaire, tachycardie paroxystique supraventriculaire) rapide et prolongée (Classe IIa, C).

Tilt-test (Classe IIa, B):

  • Hypotension orthostatique (OH) : baisse de 20 mmHg de la pression artérielle systolique (PAS) OU 10 mmHg de la pression artérielle diastolique (PAD) OU PAS < 90 mmHg avec reproduction des symptômes
  • Syndrome de tachycardie posturale (PoTS) : augmentation de 30 points de fréquence cardiaque à l’orthostatisme OU fréquence cardiaque (FC) > 130 bpm sans hypotension orthostatique avec reproduction des symptômes.

Echocardiographie (Classe I, B) :

  • De repos : suspicion de cardiopathie structurelle
  • D’effort : suspicion d’obstacle

D’autres examens peuvent être utiles dans certaines situations comme :

  • les tests fonctionnels du système nerveux autonome (manoeuvre de Valsalva, inspiration profonde, MAPA)
  • l’enregistrement vidéo, qui fait son apparition dans les recommandations de l'ESC 2018, que ce soit à domicile (Classe IIa, C) ou pendant un tilt-test (Classe IIb, C)
  • l’épreuve d’effort, recommandée pour toute syncope à l’effort ou juste après l’arrêt de l’effort (Classe I, C).

Explorations invasives (hospitalisation)

Exploration électrophysiologique (EEP)

Cette exploration est indiquée qu’après l’évaluation non-invasive, si celle-ci n’a pas conclue à un diagnostic, dans le cas des :

  • syncopes sur coeur infarci (Classe I, B) à la recherche notamment d’une TV monomorphe,
  • branches bifasciculaires (Classe IIa, B) à la recherche d’un bloc infra-hissien ou d’un intervalle HV > 70 ms. Si HV < 70 ms, il est recommandé d’implanter un enregistreur d'événements.

L'exploration électrophysiologique est peu utile en cas de :

  • syncopes avec bradycardie sinusale asymptomatique (Classe IIb, B), à la recherche d’un temps de retour du rythme sinusal allongé, qui, s’il est normal n’élimine pas le diagnostic de dysfonction sinusale,
  • tachycardies paroxystiques supraventriculaires (TSV).

Stimulation ventriculaire programmée

Cette simulation est à réaliser si la syncope est précédée de palpitations (Classe IIb, C) pour rechercher une tachycardie ventriculaire (TV) monomorphe

Coronarographie

La coronarographie est à réaliser en fonction des situations cliniques. La découverte d’une sténose coronaire n’explique pas la survenue d’une syncope, mais peut favoriser certaines étiologies, notamment rythmiques, qu’il faudra rechercher.

Traitements

Syncope réflexe

La pierre angulaire du traitement des syncopes réflexes est l’éducation du patient et la réassurance quand à la bénignité du diagnostic.

Dans les formes fréquentes ou sévères, quand les syncopes altèrent la qualité de vie ou surviennent dans des conditions à risque, d’autres traitements peuvent être proposés.

Dans les formes hypotensives, la diminution du traitement antihypertenseur est évidement conseillé. On peut ajouter, le cas échéant, un traitement par fludrocortisone ou midodrine.

Dans les formes à prédominance cardio-inhibitrice, après 40 ans, il peut être indiqué d’implanter un stimulateur cardiaque quand une asystolie (symptomatique > 3 sec ou asymptomatique > 6 sec) est documentée, soit spontanément lors d’un massage du sinus carotidien (Classe IIa), soit lors d’un tilt-test (Classe IIb). Une syncope sans asystolie documentée ne doit pas conduire à une implantation de stimulateur cardiaque. 

Schéma du traitement des causes réflexes de la syncope (ESC 2018)

Hypotension orthostatique

Un schéma similaire est proposé pour l’hypotension orthostatique avec l’éducation, des apports hydro-sodés suffisants ainsi que l’équilibration du traitement antihypertenseur au centre de la prise en charge. Les traitements additionnels, comme la midodrine ou la fludrocortisone, peuvent être prescrits en cas de symptômes rebels (Classe Iia). A noter que les cibles tensionnelles peuvent être élargies dans cette situation. En revanche, il n’existe aucune indication à la stimulation.

Schéma du traitement des hypotensions orthostatiques corrélées aux syncopes (ESC 2018)

Syncope cardiaque

Troubles de la conduction intrinsèque

Les recommandations ESC 2018 d’implantation de stimulateur cardiaque en cas de bloc sino-atrial (BSA) ou bloc auricul-ventriculaire (BAV) sont caricaturales et sont représentées sur le schéma ci-dessus.

Dans le cadre d’une syncope avec bloc bifasciculaire, une EEP doit être réalisée et l’implantation d’un pacemaker sera proposée si celle-ci revient positive (HV >70 ms, bloc infra-hisien du second ou 3ème degré après stimulation atriale à fréquence croissante) (Classe I). Sinon, il est recommandé d’implanter un enregistreur d’évènements afin de documenter un trouble de la conduction paroxystique.

Les recommandations introduisent également la possibilité de l’implantation empirique d’un stimulateur chez la personne âgée, à risque traumatique, avec syncope et bloc bifasciculaire sans documentation (Classe IIb). En revanche, si le patient présente une FEVG ≤35%, il n'est éligible à l’implantation d’un défibrillateur que s’il est traité médicalement de façon optimale depuis au moins 3 mois, avec une espérance de vie estimée supérieure à un an. Il n’y a pas besoin d’exploration dans ce cas.

Il est rappelé, comme dans les précédentes recommandations, que les causes réversibles de trouble de la conduction ne relève pas de l’implantation d’un stimulateur cardiaque.

Schéma du traitement des causes cardiaques de la syncope (ESC 2018)

Les arythmies

Schématiquement, les arythmies responsables de syncopes sont plus fréquemment ventriculaires et sont une indication de classe I à l’ablation. Certaines arythmies supra-ventriculaires sont également pourvoyeuses de syncopes, comme les tachycardies jonctionnelles, qui répondent également bien à l’ablation. En cas d’échec ou de refus du patient, le traitement médical est recommandé (Classe IIa).

Conclusion

La syncope représente une situation diagnostique complexe dans laquelle le symptôme est fugace et le premier contact médical souvent retardé. L’objectif des investigations est de montrer la corrélation temporelle entre les symptômes et les manifestations du diagnostic.

L’interrogatoire, l’examen clinique et l’ECG permettent d’orienter la suspicion afin d’établir la meilleure stratégie diagnostique. Certaines situations, comme la syncope réflexe ou l’hypotension orthostatique, peuvent être diagnostiquées directement à l’examen initial, tandis que les syncopes cardiaques nécessitent souvent d’autres examens pour établir le diagnostic précis et guider le traitement (échocardiographie, exploration électrophysiologique, enregistreur d’évènements). Les recommandations introduisent des critères de faible risque, permettant de réaliser les investigations en ambulatoire, et des critères de haut risque, devant conduire à l’hospitalisation du patient ou à son admission dans une unité de syncope.

Sur le plan thérapeutique, les syncopes réflexes répondent généralement bien à l’éducation et l’apprentissage des manoeuvres, mais peuvent nécessiter l’implantation d’un stimulateur cardiaque dans certaines situations. Enfin, les syncopes d’origines rythmiques nécessitent très souvent l’implantation d’un stimulateur cardiaque ou l’ablation d’un trouble du rythme.

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