Obstruction intraventriculaire gauche : définitions et conséquences

Pr Albert Hagège
Chef du département de Cardiologie,
HEGP, Paris
L’obstruction sous-aortique est consécutive au mouvement systolique antérieur de la valve mitrale (SAM), provoqué par l’accélération sous aortique dans un chenal rétréci et l’hypercontractilité du ventricule gauche (VG). Elle est rendue possible par l’antéposition de la valve dans la cavité ventriculaire et l’excès d’étoffe mitrale.
Ses conséquences sont l’apparition d’une insuffisance mitrale et un effet délétère sur la relaxation VG, sources de dilatation atriale (avec risque accru de FA), une baisse du volume d’éjection systolique avec dyspnée, notamment dans les conditions d’apparition ou d’accentuation de l’obstruction (après effort, repas frugal, ingestion d’alcool). Un signe typique de l’obstruction de la CMH est ainsi l’apparition ou la franche majoration de la dyspnée d’effort, souvent accompagnée d’angor d’effort assez typique, lors de la promenade dominicale après le déjeuner plus copieux du dimanche, souvent un peu arrosé.
C’est la recherche en Doppler continu d’un flux systolique à pic de vélocité tardif (à différencier du flux holosystolique d’insuffisance mitrale) qui permet de quantifier l’obstruction par l’évaluation du gradient maximal instantané ventricule gauche - aorte. Un gradient > 30 mmHg signe l’obstruction ; le seuil de 50 mmHg est considéré comme ayant un net impact hémodynamique et est celui au-delà duquel peuvent être discutées les thérapeutiques invasives (ablation septale) chez les patients les plus gênés. En l’absence de symptômes, la présence d’une obstruction peut aussi influencer la prise en charge (éviction des diurétiques ou vasodilatateurs en cas d’hypertension artérielle). Environ 2/3 des patients avec CMH d’origine sarcomérique (prouvée ou supposée) ont une obstruction sous-aortique (> 30 mmHg) de repos ou provoquée, alors que, dans 1/3 des cas, cette obstruction est présente uniquement lors de manœuvres de provocation (obstruction dite latente). L’obstruction latente est souvent sous-diagnostiquée en pratique clinique courante, parce que les tests de provocation de l’obstruction ne sont pas réalisés ou se limitent à un test de Valsalva (dont la qualité de réalisation n’est souvent pas garantie). Il est probable donc que de nombreux patients étiquetés porteurs de CMH non obstructive ont souvent une CMH avec obstruction latente, expliquant alors les symptômes d’effort qu’ils présentent, qui souvent, chez ces patients jeunes, impactent la vie personnelle et socio-professionnelle.
De plus, la présence et l’importance de l’obstruction intraventriculaire gauche est prise en compte pour évaluer le risque de mort subite (elle est inclus dans le score ESC de risque de mort subite à 5 ans) et sa présence prédit l’évolution vers des symptômes sévères (NYHA III/IV) (x 2 si obstruction uniquement provoquée, x 5 si présente au repos, par rapport aux formes non obstructives) (Figure 1).

Figure 1 : la présence d'une obstruction prédit la gêne fonctionnelle sévère (III/IV)
Ainsi, lors de l’évaluation initiale de la CMH, s’il n’y a pas d’obstruction sur l’échographie de base ou si elle ne dépasse pas 50 mmHg, il faut donc s’acharner, notamment si le patient est symptomatique, à la déclencher par des manœuvres de provocation (épreuve de Valsalva et effort notamment).
Référence :
- Rowin EJ, Maron BJ, Olivotto I, Maron MS, et al. Role of exercise testing in hypertrophic cardiomyopathy. JACC Cardiovasc Imaging 2017;10(11):1374-1386.
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Les cardiomyopathies hypertrophiques"
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