Derniers résultats du TAVI valve-in-valve avec ou sans fracture de la valve bioprothétique
D'après la présentation de Christina Brinkmann (Hambourg, Allemagne) durant le congrès EuroPCR 2023

Auteur :
Dr Thomas Levesque
Centre Hospitalier Universitaire de Rouen

Avec l'aimable contribution des jeunes du GACI
En direct d'EuroPCR 2023
"Late outcome of valve-in-valve TAVI with or without bioprosthetic valve fracture", Christina Brinkmann (Hambourg, Allemagne).

Cette étude observationnelle multicentrique montre que l’utilisation d’une fracture de bioprothèse dans les TAVI valve in valve apporte de meilleurs résultats hémodynamiques en post TAVI sans surrisque pour le patient et que cet avantage persiste sur le long terme.
Messages clés
- Étude observationnelle multicentrique portant sur 195 patients
- 2 groupes de TAVI valve in valve
- avec fracture de bioprothèse
- sans fracture de bioprothèse
- Plus de succès et meilleures performances hémodynamiques en post TAVI avec fracture de bioprothèse
- Pas de différence significative sur le taux de complications sévères
Introduction
L’utilisation du TAVI valve in valve dans les dégénérescences de bioprothèses chirurgicales est de plus en plus importante1 et demeure parfois la seule option thérapeutique. Or les TAVI valve in valve sont également plus à risque de mismatch patient-prothèse et d’entrainer un gradient résiduel élevé (>20mmHg)2.
La réalisation d’une fracture de la bioprothèse valvulaire chirurgicale (BVF) à l’aide d’un ballon non compliant gonflé à haute pression a déjà été démontré comme étant réalisable3. Cependant les données sur sa sécurité et son efficacité notamment sur le long terme sont encore rares.
L’objectif de cette étude était donc d’étudier l’efficacité, la sécurité et le devenir à long terme de la BVF.
Méthodologie
Il s’agit d’une étude réalisée à partir d’un registre multicentrique international comprenant 15 centres. À partir de ce registre, les TAVI valve in valve ont été divisés en deux groupes : d’un côté les patients ayant eu un TAVI valve in valve avec fracture (groupe BVF), et de l’autre les patients ayant eu un TAVI valve in valve durant la même période sans réalisation de fracture (groupe contrôle).
Pour la fracture, il était recommandé d’utiliser un ballon dont la taille était 2 à 4 mm plus grande que la taille de la prothèse chirurgicale déjà en place. Le délai de réalisation de la fracture (avant ou après TAVI) était laissé à la discrétion de l’opérateur.
Le succès de la BVF était défini par la chute brutale de la pression d’inflation sans perforation du ballon et avec une expansion complète de la bioprothèse TAVI.
Figure 1. Résumé des indications de la fracture de la valve bioprothétique, des aspects procéduraux et des complications.
Source : Mota AL, Gaia DF, Fonseca JHPD. Ring fracture of Brazilian aortic valve bioprostheses using non-compliant high-pressure transcatheter alloon, an ex vivo test. Braz J Cardiovasc Surg 2022;37:301-05.
Résultats
On retrouvait 116 patients dans le groupe BVF et 79 patients dans le groupe contrôle. Les deux groupes ne différaient pas sur les facteurs de risque cardiovasculaire classique (âge, hypertension, diabète). En revanche, dans le groupe BVF il y avait plus de femmes (61 % vs 35 %, p<0,001) avec des tailles de bioprothèses chirurgicales plus petites (22 ± 2,0 mm vs 24 ± 2,4 mm, p<0,001) et des gradients aortiques moyens pré procéduraux plus importants (41 ± 22 mmHg vs 35 ± 16 mmHg, p=0,009).
Le type de bioprothèse chirurgicale était également différent entre les deux groupes avec notamment une proportion plus importante de valve Magna et Mitroflow dans le groupe BVF.
Comme on pouvait s’y attendre, la durée de procédure était plus longue dans le groupe BVF en comparaison au groupe contrôle (90 ± 41 min vs 58 ± 25 min, p<0,001) et avec un recours à un système de protection cérébrale plus fréquent (36,0 % vs 8,9 %, p<0,001).
Le taux de succès d’implantation du TAVI était meilleur dans le groupe BVF (95 % vs 68 %, p<0,001) et on retrouvait de meilleures performances hémodynamiques avec seulement 4 % des patients présentant des gradients > 20mmHg contre 28 % dans le groupe contrôle.
Il n’y avait pas de différence significative sur le taux de complications sévères (3,7 % vs 7,6 %, p=0,325).
En ce qui concerne le suivi à long terme, il y avait moins de mortalité toutes causes à 5 ans dans le groupe BVF (6 % vs 18 %, p=0,05) et moins de nécessité de réintervention (0,9 % vs 7,6 %, p=0,018).
Le gradient aortique moyen en post TAVI était significativement plus faible dans le groupe BVF (10,8 ± 5,9 mmHg vs 15,8 ± 6,8 mmHg) et cette différence restait stable tout au long du suivi jusqu’à 5 ans. Cette baisse de gradient était retrouvée quel que soit le type de bioprothèse chirurgicale déjà en place ou le type de bioprothèse TAVI implanté.
Conclusion
Pour conclure, même s’il s’agit d’une étude observationnelle rétrospective avec les biais inhérents à ce type d’étude, la réalisation d’une fracture de bioprothèse lors des TAVI valve in valve semble garantir de meilleurs résultats hémodynamiques en post implantation qui persistent au cours du temps. De plus, même si la taille des effectifs est faible, cette étude ne retrouve pas de majoration des complications per-procédures avec la fracture de bioprothèse. D’autres études randomisées, avec des effectifs plus importants, sont nécessaires pour pouvoir confirmer sa sécurité et son efficacité.
Références
- Dvir D, Webb JG, Bleiziffer S, et al. Transcatheter aortic valve implantation in failed bioprosthetic surgical valves. JAMA. 2014;312:162-70.
- Webb JG, Mack MJ, White JM, et al. Transcatheter Aortic Valve Implantation Within Degenerated Aortic Surgical Bioprostheses: PARTNER 2 Valve-in-Valve Registry. J Am Coll Cardiol. 2017;69:2253-62.
- Johansen P, Engholt H, Tang M, et al. Fracturing mechanics before valve-in-valve therapy of small aortic bioprosthetic heart valves. EuroIntervention. 2017;13:1026-31.