Décidemment, l’aspirine ne fait pas ses preuves en prévention primaire...

Mis à jour le mercredi 12 septembre 2018
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Congrès de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) 2018

Serge Kownator

Cette revue es études ASCEND et ARRIVE vous est proposée par Docteur Serge KOWNATOR, cardiologue à Thionville et membre du comité éditorial de Cardio-Online.

Dans les années 80, les études chez les médecins anglais et américains laissaient à penser que l’aspirine pouvait, en prévention primaire, protéger de la survenue d’un infarctus du myocarde avec un bénéfice obtenu au prix d’un taux d’hémorragies modérément plus élevé. Ces données ont conduit à une utilisation large de l’aspirine à petites doses en prévention primaire, notamment chez le diabétique. Par la suite différentes études, telle que POPADAD, ont montré l’absence d’effet bénéfique du traitement par aspirine chez des sujets à risque faible à modéré et même chez le diabétique. Lors du congrès de l’ESC, qui s'est tenu à Munich, deux études sont venues renforcer ces données et pourraient, du moins pour le moment clore le débat.

L'étude ARRIVE

ARRIVE, présentée en Hotline lors de l'ESC, montre chez 12 546 sujets à risque modéré (risque cardiovasculaire à 10 ans > 17 %) suivi 5 ans, l’aspirine 100 mg Protect ne parvient pas à montrer de bénéfice par rapport au placebo sur la survenue d’un critère primaire associant mortalité cardiovasculaire, infarctus ou AVC, mortalité totale (En ITT : HR 0.96; IC 95% 0.81-1.13; P=0.60). En analyse perprotocole, on note cependant une réduction de 47% sur la survenue d’un premier infarctus du myocarde (HR 0·53; 95% IC 0·36-0·79; p=0·0014). Bien que le nombre d’évènements soit peu important, sous aspirine, il existe un surcroît d’hémorragies gastro-intestinales (HR 2·11; IC 95% 1.36-3.28; p=0·0007). Par ailleurs, aucun bénéfice n’apparaît en termes de survenue de cancers.

Etude ARRIVE

Figure 1 : Critère d'évaluation primaire de l'efficacité : décès par MCV, IDM, angor instable, AVC et AIT (ARRIVE, ESC 2018)

L'étude ASCEND

ASCEND est l’autre étude ayant testé l’aspirine en prévention primaire, cette fois chez 15 480 sujets diabétiques de type 1 et 2 suivis en moyenne 7,4 ans. On observe cette fois un bénéfice sur la survenue d’un critère primaire portant sur la survenue évènements vasculaires graves (HR 0.88 ; IC 95 % 0.79-0.97 ; P=0.01). Ce bénéfice de 12 % en termes est contrebalancé par un taux majoré d’hémorragies sévères (HR 1,29 ; IC 95% 1.09-1.52 ; P=0,003). Autrement dit le rapport bénéfice/risque est ici encore très largement défavorable au traitement par aspirine.

Etude ASCEND - ESC 2018

Figure 2 : Effet de l'aspirine sur les événements vasculaires majeurs (ASCEND, ESC 2018)

Conclusion

Le problème de la prévention primaire par de petites doses d’aspirine semble pour le moment réglé, en attendant d’autres études. En tous cas pour la pratique, la décision d’une prévention par aspirine chez les sujets n’ayant pas d’antécédents cardiovasculaires doit résulter d’une approche personnalisée pour chaque patient.

Références

Toute l'actualité de l'ESC 2018