Dossier spécial - Correction de la carence en fer de l’insuffisant cardiaque

Pr Jean-Noël Trochu
Professeur de cardiologie et maladies vasculaires
Nantes1
La carence martiale est une des principales comorbidités non cardiovasculaires en cas d’insuffisance cardiaque chronique ou décompensée.
Les registres et les grands essais cliniques randomisés ont permis de souligner son impact clinique important et les bénéfices de sa prise en charge pour réduire les hospitalisations pour IC, améliorer les symptômes, la capacité d’effort, et la qualité de vie, et doit donc être systématiquement recherchée et traitée.
1. PUPH, professeur de cardiologie et maladies vasculaires - Médecin coordonateur du CIC INSERM - Coordonateur local et inter-régional du DES de Cardiologie et Maladies Vasculaires - IRT - UN l'institut du thorax - Nantes
L’étude prospective française CARENFER
Le Pr Jean-Noël Trochu (Nantes) nous présente en détail l'étude prospective française CARENFER dont l'objectif principal était de permettre une meilleure description de la prévalence de la carence martiale.
Le diagnostic de la carence martiale
L'insuffisance cardiaque chronique (IC) est un problème majeur de santé publique. En France, il y a plus d'un 1,5 million de patients atteints d'IC, responsable de 165 000 hospitalisations par an, et générant un coût pour la société estimé à 2,5 milliards d'euros.
La carence en fer est présente chez environ la moitié des patients avec IC et est associée à la sévérité de l'insuffisance cardiaque en termes de NYHA, à l’altération de la performance physique, de la qualité de vie, d’hospitalisations, du taux de mortalité et, de manière indépendante, de la présence d'anémie.
De même, la supplémentation de la carence martiale par Fer injectable chez les patients à FEVG altérée permet de réduire les réhospitalisations et améliorer les symptômes de l’IC et la qualité de vie.
Le diagnostic de la carence martiale est donc important, et ce, quelque soit le niveau de l’hémoglobine. En conséquence, la société européenne de cardiologie recommande le diagnostic de la carence martiale chez tous les patients insuffisants cardiaques quelle que soit la FEVG.
Selon ces recommandations, la carence martiale chez le patient IC est définie par un taux de ferritine < 100 μg/L (carence absolue), ou un niveau entre 100 et 299 μg / L, avec un coefficient de saturation de la transferrine < 20 %.
Nous nous sommes intéressés aux articles récents qui relatent le diagnostic de la carence martiale chez ces patients.
Correction de la carence en fer de l’insuffisant cardiaque : les recommandations
Les dernières recommandations européennes (août 2021) et américaines (mai 2022) constituent des documents didactiques d’une qualité remarquable et elles intègrent les résultats des derniers essais cliniques pour guider le traitement de l’IC à FEVG altérée, légèrement altérée et préservée.
Elles soulignent également toutes deux l’importance de dépister et traiter les comorbidités, et en particulier la carence martiale, avec un niveau élevé de recommandation.
Correction de la carence martiale dans l’insuffisance cardiaque : les preuves
Les études consacrées à la carence martiale au cours de l’insuffisance cardiaque ont démontré la fréquence très élevée de cette comorbidité, tant dans les formes aiguës que chroniques de la maladie, l’inefficacité de la voie orale pour la corriger, et le bénéfice de sa correction par voie veineuse, grâce au fer carboxymaltose, pour améliorer la symptomatologie et la capacité d’efforts des patients et réduire le risque d’hospitalisation pour décompensation dans les formes à fraction d’éjection inférieure à 50 %.
Les études à venir dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée devraient confirmer le bénéfice ubiquitaire de cette prise en charge.
La correction de la carence martiale chez l’insuffisant cardiaque : Quel parcours de soins ?
Après avoir approfondi, dans les articles précédents de ce dossier thématique, le diagnostic de la carence martiale, les données bibliographiques et les recommandations internationales concernant la carence martiale dans l’insuffisance cardiaque : place à la pratique ! Comment supplémenter mon patient ?
Après avoir explicité les détails pratiques concernant l’administration de la supplémentation martiale chez le patient insuffisant cardiaque, nous verrons pourquoi il est important (pour le patient et pour le cardiologue) d’intégrer cette intervention dans un parcours de soins optimisé, et comment il peut s’articuler dans la pratique du quotidien.