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AQUATIC : pas de bénéfice pour l’aspirine en sus des anticoagulants après stenting dans le syndrome coronarien chronique
En direct du congrès de l'ESC 2025
Publié le lundi 1 septembre 2025
Messages clés
- Le traitement anti-thrombotique est difficile à déterminer chez les patients ayant bénéficié d’un stenting dans le cadre d’un syndrome coronarien chronique, avec une indication d’anticoagulation et un haut risque ischémique résiduel.
- L’objectif de l’essai AQUATIC était d’évaluer l’impact de l’ajout d’aspirine au traitement anticoagulant sur la survenue d’évènements cardiovasculaires, décès et saignements majeurs.
- L’ aspirine associée aux anticoagulants augmente le risque de saignement et de décès sans réduire le risque ischémique, et ne doit donc pas être utilisée dans ce contexte.
Le chiffre à retenir
L’aspirine associée au traitement anticoagulant a triplé le risque de saignement versus placebo, parmi ces patients stentés dans le cadre d’un syndrome coronarien chronique ayant une indication d’anticoagulation.
Méthodologie et résultats
De nombreux patients bénéficient d’un stenting dans le cadre d’un syndrome coronarien chronique, et présente une indication d’anticoagulation associée à un haut risque ischémique résiduel. Chez ces patients diabétiques, insuffisants rénaux ou multitronculaires, le traitement anti-thrombotique optimal peut être difficile à déterminer.(1) Les données disponibles sont basées sur des études en ouvert, avec des patients à faible risque ischémique et d’origine asiatique.(2,3) L’étude AQUATIC, présentée au congrès de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) 2025 et publiée dans le New England Journal of Medicine, a donc cherché à répondre à cette question de pratique clinique.(4)
Méthodes
AQUATIC est un essai national français multicentrique, randomisé, en double aveugle et contrôlé par placebo, réalisé dans 51 hôpitaux.(5) Les patients inclus avaient un antécédent d’angioplastie avec implantation d’un stent datant de plus de six mois, nécessitaient une anticoagulation orale prolongée et présentaient un haut risque ischémique résiduel. Les critères de haut risque ischémique comprenaient : le diabète, l’insuffisance rénale chronique, l’atteinte tritronculaire, les angioplasties complexes ou la présence d’une maladie artérielle périphérique associée. Au total, 872 patients âgés en moyenne de 72 ans ont été répartis en 1/1 entre : aspirine en plus de leur anticoagulant, ou placebo associé à leur anticoagulant. Le critère principal d’efficacité regroupait plusieurs événements cardiovasculaires majeurs : décès d’origine cardiovasculaire, infarctus, accident vasculaire cérébral, embolie systémique, revascularisation coronaire ou ischémie aiguë de membre. Le critère principal de sécurité était la survenue d’hémorragies majeures selon la définition de l’ISTH (hémorragie fatale, saignement intracranien, saignement avec perte >5 points d’hémoglobine).
Résultats
Après un suivi médian de 2.2 ans, l’étude a dû être interrompue prématurément sur décision du comité de surveillance, en raison d’un excès de décès dans le groupe traité par aspirine. Entre mai 2020 et avril 2024, 872 patients ont été randomisés et 433 répartis dans le groupe aspirine, 439 dans le groupe placebo (72 ans, 85% d’hommes, 37% de diabète, 89% d’anticoagulation pour fibrillation atriale dont 80% sous AOD et 62% sous Apixaban). Les résultats montrent clairement que l’ajout d’aspirine aggrave le pronostic, même sur le versant ischémique : le critère principal d’efficacité est survenu chez 16.9 % des patients du groupe aspirine contre 12.1 % dans le groupe placebo avec un HR 1.53 (95% CI 1.07-2.18, p=0.019, Figure 1). La mortalité toutes causes était également plus élevée sous aspirine (13.4 % contre 8.4 %, HR 1.72, 95% CI 1.14-2.58, p=0.01, Figure 2). Enfin, le risque de saignements majeurs était plus de trois fois supérieur dans le groupe aspirine (10.2 % contre 3.4 % (HR 3.35, 95% CI 1.87-6.0, p<0.001).
Figure 1 : critère de jugement principal ischémique dans l’étude AQUATIC
Figure 2 : mortalité toutes causes dans l’étude AQUATIC
Références
D’après la présentation de l’étude AQUATIC, publiée simultanée dans le New England Journal of Medicine par le Pr. Martine Gilard
3. Cho M, Kang D, Ahm J. Edoxaban for Atrial Fibrillation and Stable Coronary Artery Disease. N Engl J Med. 20 févr 2025;392(8):826‑7.
Conclusion
L’essai AQUATIC démontre que, chez les patients atteints de syndrome coronarien chronique à haut risque ischémique et nécessitant une anticoagulation orale prolongée, l’ajout d’aspirine augmente à la fois les complications cardiovasculaires, la mortalité et les hémorragies sévères. L’utilisation de l’aspirine dans ce contexte doit donc être évitée, Cette étude produit des données solides qui pourront être utilisées dans les recommandations à venir.