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Quels objectifs de LDL-cholestérol en prévention primaire ?

Publié le jeudi 2 mai 2024

En matière observationnelle, plus le LDL-cholestérol (LDL-c) est bas, plus le risque de maladie coronaire est bas (1) et en matière interventionnelle, plus le LDL-c est abaissé, plus le risque coronaire diminue (1). Si les taux les plus bas de LDL-c ont surtout été obtenus dans des essais thérapeutiques contrôlés effectués en prévention cardiovasculaire (CV) secondaire (1), en prévention primaire, l’étude JUPITER(2) a démontré le bénéfice clinique lorsqu’on abaisse nettement le LDL-c le faisant passer en moyenne de 1,08 g/l à 0,55 g/l sous statine. Dès lors, jusqu’où diminuer le LDL-c en prévention primaire ?

Les défis de la prévention primaire

Réduire le LDL-c à l’échelle d’une population doit permettre de diminuer de façon importante le nombre d’événements coronaires, mais au prix du traitement d’un grand nombre de personnes car le risque en prévention primaire est parfois faible. Ainsi, par exemple, si le risque d’infarctus du myocarde (IDM) d’une population donnée est de 1% à 10 ans, et qu’un traitement diminuant le LDL-c permet une réduction de 30% de ce risque, il faudrait traiter 333 personnes pendant 10 ans pour éviter un IDM.

À supposer que le coût d’un tel traitement soit de 20 euros par mois, il faudra donc dépenser pratiquement 800 000 euros en 10 ans pour éviter un IDM alors que le prix d’un IDM pour la collectivité est compris la première année entre 10 000 et 15 000 euros en France (3).

Par ailleurs chez des personnes asymptomatiques, se pose la question de l’acceptabilité d’un traitement pour réduire un risque qui est toujours hypothétique et se pose aussi celui de la tolérance des moyens utilisés.

Dès lors, il est nécessaire d’adopter des compromis entre les données validées de la science, le rapport coût-bénéfice des mesures à proposer, le rapport bénéfice-risque de ces mesures et leur acceptabilité.

Les choix

Dans les recommandations européennes les plus récentes pour la prévention CV (4), il est proposé d’évaluer le risque CV par une grille simple, la grille SCORE2 et sa déclinaison pour les patients les plus âgés, SCORE2-OP, et pour les diabétiques, SCORE-diabetes (5, 6), cette dernière ayant été développée après la publication des recommandations. 
Chez les patients ayant des dyslipidémies athérogènes rares ou une maladie rénale chronique, l’évaluation du risque est faite indépendamment de l’utilisation de ces grilles (4).

L’entrée de quelques paramètres dans les grilles SCORE2 fournit un niveau de risque absolu et la cible de LDL-c est proposée en fonction de ce niveau de risque modulé en fonction de la classe d’âge pour tenir compte de la durée d’exposition au LDL (Tableau).

Chez les patients ayant une maladie rénale chronique, ce sont des paramètres en rapport avec celle-ci (débit de filtration glomérulaire, albuminurie) qui vont permettre de qualifier la catégorie de risque.

Tableau 1 : catégories de risque cardiovasculaire selon les grilles SCORE2 et SCORE2-OP chez des personnes en apparente bonne santé, en fonction de l’âge

Age du patient

Moins de 50 ans

50 à 69 ans

Au moins 70 ans

Risque CV bas à intermédiaire

Le traitement des facteurs de risque est généralement non recommandé

< 2,5 %

< 5 %

< 7,5%

Risque CV élevé

Le traitement des facteurs de risque doit être envisagé

2,5 à < 7,5 %

5 à < 10 %

7,5 à < 15 %

Risque CV très élevé

Le traitement des facteurs de risque est généralement recommandé

> 7,5 %

> 10 %

> 15 %

Les objectifs fixés en prévention primaire dans les recommandations de 2021 sont d’obtenir si possible :

  • Un LDL-c inférieur à 1,0 g/l dans l’ensemble de la population
  • Un LDL-c inférieur à 0,70 g/l et une diminution d’au moins 50 % du LDL-c de départ chez les patients à risque CV élevé
  • Un LDL-c inférieur à 0,55 g/l et une diminution d’au moins 50 % du LDL-c de départ chez les patients à risque CV très élevé

Ainsi, la base de la prise en charge d’envisager est de diminuer le LDL-c proportionnellement au risque des patients : traiter surtout les patients les plus à risque, abaisser d’autant plus fortement le LDL-c que le patient est à risque.

La deuxième base de la prise en charge est que chez les personnes à faible risque, le traitement des facteurs de risque est généralement non recommandé. On peut en déduire qu’elles pourraient n’être que surveillées de loin en loin, tout en préconisant les mesures hygiéno-diététiques validées qui permettent de maintenir un risque CV faible et ce, dès lors que leur LDL-c est inférieur à 1,0 g/l.

Le problème est représenté par les patients à risque intermédiaire ou n’acceptant pas ou mal un traitement s’il est nécessaire et ceux chez lesquels il est mal toléré.

Dans ces cas, il est proposé d’améliorer l’évaluation du risque CV en utilisant :

  • Des modificateurs du risque tel qu’une bronchopathie chronique obstructive, une maladie migraineuse, la pollution, l’obésité.
  • Une imagerie vasculaire mais en n’ayant recours qu’à deux méthodes à l’exclusion de toutes les autres : le score calcique coronaire et/ou l’échodoppler des artères du cou à la recherche de plaques d’athérome.

Dans ces deux cas, cependant, les constantes de modification du niveau de risque ne sont pas fournies dans les recommandations rendant cette mesure peu opérationnelle. Elle indique simplement qu’en présence de telles maladies, le risque est plus élevé que celui calculé par la grille SCORE2.

En synthèse

Les cibles de LDL-c proposées dans les recommandations européennes de 2021 sont simples avec trois cibles pour trois niveaux de risque : moins de 1,0 g/l pour tous si possible, moins de 0,70 g/l pour les personnes à risque CV élevé, moins de 0,55 g/l pour les personnes à risque CV très élevé.

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Références

1. Ference BA, Ginsberg HN, Graham I et al. Low-density lipoproteins cause atheroscleroticcardiovascular disease. 1. Evidence from genetic, epidemiologic, and clinical studies. A consensus statement from the European Atherosclerosis Society Consensus Panel. European Heart Journal 2017; 38 : 2459–2472. doi:10.1093/eurheartj/ehx144
2. Ridker PM, Danielson E, Fonseca FAH et al. Rosuvastatin to Prevent Vascular Events in Men and Women with Elevated C-Reactive Protein. N Engl J Med 2008;359:2195-2207. DOI: 10.1056/NEJMoa080764
3. Kotseva  K, Gerlier L, Sidelnikov E et al. Patient and caregiver productivity loss and indirect costs associated with cardiovascular events in Europe. Eur J Prev Cardiol 2019 Jul;26(11):1150-1157. doi: 10.1177/2047487319834770
4. Visseren FLJ, Mach F, Smulders YM et al. 2021 ESC Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice. Eur Heart J 2021;42:3227–3337. doi:10.1093/eurheartj/ehab484
5. SCORE2-Diabetes Working Group and the ESC Cardiovascular Risk Collaboration. SCORE2-Diabetes: 10-year cardiovascular risk estimation in type 2 diabetes in Europe. European Heart Journal 2023; 28 : 2544–2556. doi.org/10.1093/eurheartj/ehad260
6. Marx N, Federici M, Schütt K et al. 2023 ESC Guidelines for the management of cardiovascular disease in patients with diabetes. Eur Heart J. 2023 ;44(39):4043-4140. doi: 10.1093/eurheartj/ehad192.Reco MCV chez les diabétiques

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