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Utilisation du ballon actif au Sirolimus chez les patients coronariens tout-venants : le registre prospectif EASTBOURNE
Publié le mardi 24 mai 2022
D'après la présentation de Bernardo Cortese (Milan, Italie) et Antonio Colombo (Milan, Italie) à EuroPCR 2022
Auteur :
Sandra Zendjebil
Felllow, Massy, Paris
Avec l'aimable contribution des jeunes du GACI
En direct d'EuroPCR 2022
"Sirolimus-coated balloon in an all-comer population of coronary artery disease patients : the EASTBOURNE prospective registry", Bernardo Cortese et Antonio Colombo (Milan, Italie)
Contexte
On observe un regain d’intérêt récent pour le ballon actif dans le traitement de la cardiopathie ischémique, particulièrement en cas de situation où la mise en place d’un stent peut s’avérer périlleuse (petites artères (BASKET SMALL 2 (1)), resténoses intrastents, patients à haut risque hémorragique (DEBUT (2))). Tandis que les résultats du ballon actif à Paclitaxel sont intéressants dans ces indications, le ballon actif à Sirolimus, substance antiproliférative plus efficace et d’absorption plus rapide, pourrait s’avérer d’autant plus utile.
Méthodologie
Le registre prospectif multicentrique EASTBOURNE sur 2123 patients est le plus important à ce jour et évalue l’efficacité du ballon actif à Sirolimus chez les patients coronariens tout-venants.
L’inclusion des patients a eu lieu entre septembre 2016 et décembre 2020, et le suivi durera 3 ans jusqu’en 2024. Les données intermédiaires à 12 mois ont été présentées au congrès.
Les critères d’exclusion de cette étude étaient les suivants :
- Absence de prédilatation de la lésion cible ou prédilatation inefficace
- Calcifications sévères de la lésion cible ou en amont
- Tortuosités au niveau de la lésion cible
- Thrombus de la lésion cible
Le critère de jugement principal était le taux de revascularisation de la lésion cible à 12 mois.
Les critères de jugement secondaires étaient : le taux de succès procédural (défini comme le taux de succès de l’angioplastie associé à l’absence d’évènements intrahospitaliers), les évènements cardiovasculaires majeurs (MACE), à savoir : décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde et revascularisation de la lésion cible à 6, 12 et 24 mois, et chaque critère MACE individuellement.
Résultats
Les résultats du suivi à 12 mois ont porté sur les 2123 patients. L’âge moyen de la cohorte était de 66,6 (+/- 11) ans avec 18,9 % de femmes et 41,5 % de patients diabétiques. 59,4 % des patients avaient une maladie multitronculaire, 42,8 % avaient déjà eu un infarctus du myocarde et 66,1 % avaient déjà eu une angioplastie.
L’indication principale de l’angioplastie était dans plus de la moitié des cas de l’angor stable, suivi par de l’angor instable, des NSTEMI puis des STEMI.
La longueur moyenne des 2440 lésions étudiées était de 18,7 (+/- 9) mm, avec 93,1 % de lésions faiblement à moyennement calcifiées. Le diamètre moyen du ballon de prédilatation était de 2,7 (+/- 2) mm.
Il a été observé un taux de 1,6 % de complications et un recours à la mise en place d’un stent après ballon actif dans 7,8 % des cas.
Le taux de revascularisation de la lésion cible était de 6 % à 12 mois, avec 2,4 % de mortalité et 2,3 % d’infarctus du myocarde. Le taux global de MACE était de 9,2 % à 12 mois.
Une analyse en sous-groupe a mis en évidence une diminution de la mortalité en cas d’utilisation du ballon actif sur des lésions de novo par rapport aux resténoses intrastents (p < 0,0001).
TLR : target lesion revascularisation, DL : De novo lesion, IR : instratent restenosis
Les facteurs associés à la nécessité de revascularisation de la lésion cible traitée étaient le diabète (OR = 1,58 [1,01 ;2,58], p = 0,0045), l’antécédent d’infarctus du myocarde (OR = 1,57 [1,03 ;2,39], p = 0,038), l’antécédent d’angioplastie (OR = 2,16 [1,13 ;4,12], p = 0,019), la resténose intrastent (OR = 2,18 [1,49 ; 3,21], p < 0,001), un diamètre de référence élevé du vaisseau (OR = 2,03 [1,42 ;2,90], p < 0,001), tandis qu’un diamètre minimal élevé de la lumière du vaisseau apparait comme facteur protecteur (OR = 0,59 [0,41 ;0,84], p = 0,004).
Discussion
Dans cette étude de registre, le taux de revascularisation de la lésion cible à 12 mois est concordant avec celui retrouvé dans l’essai contrôlé randomisé BASKET SMALL 2 du groupe ballon actif, qui était non inférieur à celui retrouvé après mise en place d’un stent XIENCE ou TAXUS (7,3 vs 7,5 %, HR = 0,97 [0,58 ;1,64], p = 0,92). Le taux de MACE était également équivalent à 3 ans (15,0 % vs 15,0 %, HR = 0,99 [0,68 ;1,45], p = 0,95) (3). Les résultats rejoignent également ceux du registre SELFIE sur 74 patients ayant été traités par ballon actif à Sirolimus (4). Néanmoins, un suivi plus long des patients ayant été traités par ballon actif au Sirolimus reste nécessaire afin d’évaluer le risque d’évènements cardiovasculaires à long terme, du fait de la potentielle durée d’efficacité plus courte que celle du Paclitaxel.
Bien que l’intérêt du ballon actif dans les resténoses ait déjà été souligné, cette étude met en évidence un signal d’efficacité également intéressant sur les lésions de novo, et ce après ajustement multivarié. Néanmoins, il est probable que d’autres facteurs liés à la complexité des patients ayant des resténoses intrastents et grèvant leur pronostic (pathologie plus avancée, âge, comorbidités…) n’aient pu être pris en compte.
Enfin, bien que l’étude ait porté sur une population de patients coronariens tout venants, l’exclusion des lésions très calcifiées implique tout de même une sélection rigoureuse des lésions à traiter par ballon actif.
Conclusion
EASTBOURNE représente le plus grand registre à ce jour sur le traitement de lésions coronaires par ballon actif au Sirolimus, toutes indications confondues, chez des patients peu sélectionnés ayant des lésions peu calcifiées. Ces résultats préliminaires sont en faveur d’un profil de sécurité et d’efficacité intéressant. Néanmoins, la durée d’action du Sirolimus, plus courte que celle du Paclitaxel, nécessite l’étude de données de suivi à plus long terme.
Références
- Jeger RV, Farah A, Ohlow MA, Mangner N, Möbius-Winkler S, Leibundgut G, Weilenmann D, Wöhrle J, Richter S, Schreiber M, Mahfoud F, Linke A, Stephan FP, Mueller C, Rickenbacher P, Coslovsky M, Gilgen N, Osswald S, Kaiser C, Scheller B; BASKET-SMALL 2 Investigators. Drug-coated balloons for small coronary artery disease (BASKET-SMALL 2): an open-label randomised non-inferiority trial. Lancet. 2018 Sep 8;392(10150):849-856. doi: 10.1016/S0140-6736(18)31719-7. Epub 2018 Aug 28. PMID: 30170854.
- Rissanen TT, Uskela S, Eränen J, Mäntylä P, Olli A, Romppanen H, Siljander A, Pietilä M, Minkkinen MJ, Tervo J, Kärkkäinen JM; DEBUT trial investigators. Drug-coated balloon for treatment of de-novo coronary artery lesions in patients with high bleeding risk (DEBUT): a single-blind, randomised, non-inferiority trial. Lancet. 2019 Jul 20;394(10194):230-239. doi: 10.1016/S0140-6736(19)31126-2. Epub 2019 Jun 13. Erratum in: Lancet. 2019 Jul 20;394(10194):218. PMID: 31204115.
- Jeger RV, Farah A, Ohlow MA, Mangner N, Möbius-Winkler S, Weilenmann D, et al.; BASKET-SMALL 2 Investigators. Long-term efficacy and safety of drug-coated balloons versus drug-eluting stents for small coronary artery disease (BASKET-SMALL 2): 3-year follow-up of a randomised, non-inferiority trial. Lancet. 2020 Nov 7;396(10261):1504-1510. doi: 10.1016/S0140-6736(20)32173-5. Epub 2020 Oct 19. Erratum in: Lancet. 2020 Nov 7;396(10261):1490. PMID: 33091360.
- Caiazzo G, De Michele M, Golino L, Manganiello V, Fattore L. Sirolimus-Eluting Balloon for the Treatment of Coronary Lesions in Complex ACS Patients: The SELFIE Registry. J Interv Cardiol. 2020 Oct 16;2020:8865223. doi: 10.1155/2020/8865223. PMID: 33132769; PMCID: PMC7586180.
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