Amyloses cardiaques valvulaires

Publié le mercredi 28 septembre 2022

Magali Colombat

Dr Magali Colombat
Service d'anatomopathologie de l'Oncopole
Toulouse

D’après la communication de Kolluri Nihil de la Mayo Clinic, Rochester, États-Unis, présentée lors du congrès de l'ISA 2022

Contexte

L'amylose cardiaque (AC) désigne la présence de dépôts protéiques fibrillaires dans l'interstitium du myocarde.

Traditionnellement, l'échocardiographie transthoracique (ETT) révèle un épaississement de la paroi ventriculaire, un dysfonctionnement systolique et diastolique, ainsi qu'une déformation longitudinale globale anormale (SLG).

L'atteinte valvulaire au cours de l’amylose est de plus en plus fréquemment détectée.

Dans de rares cas, l'AC peut présenter des caractéristiques atypiques, à savoir une épaisseur de paroi normale ou légèrement augmentée, et, comme principale lésion, des valves épaissies, le diagnostic d’amylose étant alors difficile à évoquer. 

Objectif

Analyser les données de l’imagerie par ETT de plusieurs cas d’AC valvulaires.

Matériel et méthodes

A partir de leur base de données institutionnelle, les auteurs ont identifié 3 cas d'AC prouvée histologiquement avec anomalies valvulaires prédominantes à l’ETT. 

Résultats

Cas 1

Un homme de 70 ans s'est présenté pour l’évaluation d’une cardiomyopathie non ischémique avec régurgitation sévère de la valve mitrale (RM).

L'ETT a montré une épaisseur normale de paroi du ventricule gauche, un épaississement sévère de la valve mitrale, et une fraction d'éjection (FE) à 34 % (Figure 1-A).

Compte-tenu des antécédents familiaux d'amylose, un bilan complémentaire a été réalisé, montrant une positivité à la scintigraphie osseuse au pyrophosphate de technétium 99 m (99 m Tc-PYP).

Une biopsie endomyocardique a confirmé le diagnostic d’amylose à transthyrétine sauvage (ATTRwt-CA).

Un remplacement de la valve mitrale a été réalisé. 

À l’examen histologique, la valve mitrale renfermait d’important dépôts d'amylose (Figure 1-B).

Figure 1: A. 4 cavités montant la dilatation du ventricule gauche et l’épaississement des feuillets valulaire mitraux. B. Présences de dépôts rouge Congo positifs épars dans la valve mitrale avec birefringence jaune-vert en lumière polarisée confirmant le diagnostic d’amylose

Figure 1-A : 4 cavités montrant la dilatation du ventricule gauche et l’épaississement des feuillets valulaire mitraux.

Figure 1-B : présences de dépôts rouge Congo positifs épars dans la valve mitrale, avec birefringence jaune-vert en lumière polarisée confirmant le diagnostic d’amylose.

Cas 2

Un homme de 61 ans s’est présenté avec un canal carpien bilatéral et une macroglossie.

L’ETT réalisée dans le cadre du bilan préopératoire a montré une FEVG normale, une épaisseur pariétale limite, des feuillets des valves mitrale et tricuspide significativement épaissis, avec une régurgitation modérée, et un SLG anormal à -11 % (Figure 2-A).

Malgré l’épaisseur quasi normale du VG, considérée comme inhabituelle pour l'AC, et devant la macroglossie, des tests complémentaires ont été réalisés, révélant une gammapathie monoclonale.

La biopsie de graisse abdominale et la moelle osseuse ont apporté la preuve de l’amylose.

Le typage par spectrométrie de masse a conclu à une amylose AL.

Un traitement a été instauré par daratumumab, cyclophosphamide, bortezomib et dexaméthasone (DARA-CyBorD), avec autogreffe de cellules souches.

Figure 2. A. Vue 4 cavités montrant l’augmentation d’épaisseur de la valve mitrale et de la valve tricuspide ainsi que la paroi ventriculaire. B. Coupe du ventricule droit montrant l’épaississement important de la valve tricuspide lié à l’infiltration amyloide de l’endocarde.

Figure 2-A : vue 4 cavités montrant l’augmentation d’épaisseur de la valve mitrale et de la valve tricuspide, ainsi que la paroi ventriculaire.

Cas 3

Une femme de 60 ans s'est présentée avec un ictère et une élévation des enzymes hépatiques avec, à l'imagerie, des nodules hépatiques multiples.

L'ETT a montré un léger épaississement ventriculaire, avec une FEVG à 54 %, et un épaississement "globulaire" sévère de la valve tricuspide avec sténose et régurgitation (Figure 2-B).

Une biopsie du foie a permis de porter le diagnostic d’amylose AAPOA1.

Les résultats de l'ETT ont été interprétés comme une AC valvulaire endocardique.

La patiente a bénéficié d’une transplantation combinée foie-rein.

Figure 2. A. Vue 4 cavités montrant l’augmentation d’épaisseur de la valve mitrale et de la valve tricuspide ainsi que la paroi ventriculaire. B. Coupe du ventricule droit montrant l’épaississement important de la valve tricuspide lié à l’infiltration amyloide de l’endocarde.

Figure 2-B : coupe du ventricule droit montrant l’épaississement important de la valve tricuspide, lié à l’infiltration amyloide de l’endocarde

Conclusion

Cette étude décrit trois AC valvulaires prédominantes, avec un pattern échographique différent pour chaque cas, et en lien avec différents types d’amyloses ATTR, AL et APOA1.

D’autres études sont nécessaires pour recueillir de nouvelles données qui permettront de mieux définir les phénotypes des patients avec AC valvulaire, et de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques sous-jacents.

Ce travail souligne l’existence de formes inhabituelles d’amyloses cardiaques de par leur topographie, ici valvulaire prédominante, et de par la diversité des amyloses en cause.

En France, la collection de cas à l’échelle nationale pourrait être envisagée pour mieux appréhender ces amyloses particulières

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "ISA 2022"

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