Proposer une stratégie « française » en 2023 pour le traitement hypolipémiant après un syndrome coronarien aigu

Pr François Schiele
Cardiologie et maladies vasculaires
Hôpital Jean-Minjoz, CHU Besançon
Proposer une stratégie « française » en 2023 pour le traitement hypolipémiant après un syndrome coronarien aigu (SCA) ne revient pas à contredire les recommandations de la société européenne de cardiologie (ESC)1, mais au contraire à en faciliter l’application, en tenant compte de la disponibilité et des conditions de remboursement des traitements en France.
C’est aussi une mise à jour des propositions du consensus pour la prise en charge lipidique après un SCA de 20182. À la base de ce travail, le constat des études observationnelles d’un faible taux (moins de 20 %) de patients à l’objectif de LDL-c3, d’une optimisation du traitement peu efficace, d’une perte d’adhésion au traitement au cours du temps4 et, finalement, d'une qualité du traitement de prévention très incomplète.
Par rapport aux autres pays européens, la situation française pour la prescription des hypolipémiants comporte quelques spécificités: la dose de rosuvastatine est limitée à 20 mg/j, l’acide bempédoique, alternative en cas d’intolérance aux statines, n’est pas disponible, mais en revanche, les 2 inhibiteurs de PCSK9 sont utilisables après un SCA. Pour ce dernier point, comme dans la plupart des pays, l’utilisation des iPCSK9 n’est possible que si le LDL-c n’est pas contrôlé par l’association de statines et ezétimibe à dose maximale tolérée. « Non contrôlé » ne signifie pas que l’objectif de LDL-c (< 55 mg/dL) n’est pas atteint, mais que le LDL-c reste ≥ 70mg/dL. Ce seuil de prescription est très correct, puisque c’est le plus bas en Europe, et qu’il correspond exactement aux critères d’inclusion des études ODYSSEE-OUTCOMES5 et FOURIER6. Le protocole d’accord préalable pour la prescription de l’ezétimibe, effectif jusqu’en janvier 2019, est indispensable pour les inhibiteurs du PCSK9. Cette formalité assure le respect des indications et n’est pas bloquante pour des patients qui ont une intolérance aux statines (ou à l’ezétimibe). Pour résumer, on doit admettre que les possibilités thérapeutiques en France sont très bonnes et que c’est la responsabilité des médecins de les utiliser au mieux.
Figure 1 : Proposition d’experts français pour la prescription hypolipémiante lors d’un SCA7
L’algorithme de traitement proposé dans le « consensus 2022 » pour la phase aiguë du SCA7 est simple et reprend l’idée générale de l’association statines forte intensité + ezétimibe systématique avant la sortie. La première ligne thérapeutique est la statine de forte intensité, à envisager dès l’admission, et sans condition sur le niveau de LDL-c. Ensuite, si le LDL-c basal est > 70 mg/dL (et donc dans la grande majorité des cas), association avec l’ezétimibe. Enfin, prévoir la visite de contrôle entre 4 et 6 semaines (Figure 1). Ce délai correspond aux recommandations ESC, permet de vérifier rapidement la tolérance et l’efficacité de la prescription initiale, et d’effectuer l’optimisation du traitement si nécessaire. Par rapport à une stratégie plus classique qui séparerait toutes les étapes, l’optimisation du traitement est possible bien plus rapidement et si nécessaire (Figure 2), l’introduction d’un inhibiteur de PCSK9 peut avoir lieu dans les 3 mois qui suivent le SCA, reproduisant ainsi le schéma de l’étude ODYSSEE-OUTCOMES5.
Figure 2 : Chronologie de la stratégie de prescription hypolipémiante post SCA : Stratégie décrites par les recommandations ESC 2019 en rouge et par le groupe français en bleu7
Sur la base d’expérience monocentrique, on peut estimer qu’avec l’association statines et ezétimibe, environ 50-60 % des patients post-SCA peuvent être à l’objectif de LDL-c recommandé (< 55 mg/dL)8, pour 10-15 %, il faudra un inhibiteur de PCSK9, et pour les 35 % restant, le LDL-c sera compris entre 55 et 70 mg/dL, ce qui correspond tout de même à une prévention très efficace, à condition que les patients gardent leurs traitements. Cette phase de suivi au long cours, qui n’est pas moins importante, fait aussi l’objet d’un papier de consensus adapté à la situation française9.
Références :
- Mach F, Baigent C, Catapano AL, Koskinas KC, Casula M, Badimon L, et al. 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk. Eur Heart J. 2020;41(1):111-88.
- Schiele F, Farnier M, Krempf M, Bruckert E, Ferrieres J, French G. A consensus statement on lipid management after acute coronary syndrome. Eur Heart J Acute Cardiovasc Care. 2018;7(6):532-43.
- Ray KK, Molemans B, Schoonen WM, Giovas P, Bray S, Kiru G, et al. EU-Wide Cross-Sectional Observational Study of Lipid-Modifying Therapy Use in Secondary and Primary Care: the DA VINCI study. Eur J Prev Cardiol. 2021;28(11):1279-89.
- Schiele F, Quignot N, Khachatryan A, Gusto G, Villa G, Kahangire D, et al. Clinical impact and room for improvement of intensity and adherence to lipid lowering therapy: Five years of clinical follow-up from 164,565 post-myocardial infarction patients. Int J Cardiol. 2021;332:22-8.
- Schwartz GG, Steg PG, Szarek M, Bhatt DL, Bittner VA, Diaz R, et al. Alirocumab and Cardiovascular Outcomes after Acute Coronary Syndrome. N Engl J Med. 2018;379(22):2097-107.
- Sabatine MS, Giugliano RP, Wiviott SD, Raal FJ, Blom DJ, Robinson J, et al. Efficacy and safety of evolocumab in reducing lipids and cardiovascular events. N Engl J Med. 2015;372(16):1500-9.
- Schiele F, Sabouret P, Puymirat E, Abdennbi K, Lebeau F, Meltz M, et al. French expert group proposal for lipid-lowering therapy in the first 3 months after acute myocardial infarction. Panminerva Med. 2023.
- Buonvino C, Chopard R, Guillon B, Puymirat E, Farnier M, Ferrières J, et al. An innovative lipid-lowering approach to enhance attainment of low-density lipoprotein cholesterol goals. Eur Heart J Acute Cardiovasc Care. 2020;9(8):879-87.
- Sabouret P, Puymirat E, Kownator S, Abdennbi K, Lebeau F, Meltz M, et al. Lipid-lowering treatment up to one year after acute coronary syndrome: guidance from a French expert panel for the implementation of guidelines in practice. Panminerva Med. 2022.
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