AOD chez le patient insuffisant rénal
Auteur :
Orianne Weizman
CCF, Nancy
Depuis les premières études pivots réalisées pour la mise sur le marché des AOD, une attention toute particulière a été portée au patient insuffisant rénal. Le Dabigatran, le Rivaroxaban et l’Apixaban sont tous trois contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère, soit une clairance de la créatinine <30mL/min pour le Dabigatran, <15 mL/min pour le Rivaroxaban et l’Apixaban, et pour les 3 AODs en cas d’hémodialyse. La clairance validée dans les études pivots est celle estimée par la formule de Cockroft, qui n’est cependant pas un reflet parfait de la fonction rénale. De plus, les études pivots avaient exclu tous les patients avec clairance < 30mL/min (alors que le seuil de contre-indication est de 15mL/min pour Rivaroxaban et Apixaban).
Les recommandations européennes ne proposent pas d’AOD préférentiel selon le stade de l’atteinte rénale. Aux États-Unis seulement, l’Apixaban est autorisé à demi-dose pour les patients avec clairance < 15mL/min et à pleine dose chez les patients dialysés.[1] En effet, il s’agit de l’AOD avec la plus faible élimination rénale (<30%).
Chez les patients insuffisants rénaux terminaux, les AVK restent donc indiqués en première intention.
Les patients porteurs d’une insuffisance rénale présentent un risque de saignement accru (saignements gastro-intestinaux surtout [2]) qui n’est pas exacerbé par les AOD comparés aux AVK. En parallèle, le bénéfice en terme de réduction du risque embolique est manifeste quel que soit l’AOD tant que la clairance reste > 15mL/min, et ceci sans augmentation associée du risque hémorragique.[3]
Enfin, selon une étude américaine, 43% des patients avec une indication de réduction de dose du fait de leur fonction rénale prennent cependant une pleine dose. [4] Ce surdosage aboutit à un sur risque hémorragique sans différence sur le risque embolique.
En conclusion, la prescription d’AOD chez le patient insuffisant rénal modéré à sévère (avec clairance estimée par formule de Cockroft) est possible, en respectant scrupuleusement - selon l’AOD utilisé - les indications de réduction de dose et les contre-indications formelles.
Figure 1 : algorithme de prise en charge du patient insuffisant rénal chronique avec suspicion de fibrillation atriale. Adaptée de Potpara TS, Ferro CJ, Lip GYH. Use of oral anticoagulants in patients with atrial fibrillation and renal dysfunction. Nat Rev Nephrol 2018;14:337–51 [2]
Abréviations : AVC : Accident Vasculaire Cérébral, ClCr : Clairance de la créatinine, FA : Fibrillation Atriale, FDR : Facteurs De Risque, IRC : Insuffisance Rénale Chronique
Figure 2 : Utilisation des anticoagulants chez le patient insuffisant rénal chronique en fibrillation atriale selon la clairance de la créatinin.
Adaptée de Potpara et al. Use of oral anticoagulants in patients with atrial fibrillation and renal dysfunction. Nat Rev Nephrol 2018;14:337–51
Bibliographie
- Hylek EM. Apixaban for End-Stage Kidney Disease: More Questions for the Randomized Trials. Circulation 2018;138:1534–6.
- Potpara TS, Ferro CJ, Lip GYH. Use of oral anticoagulants in patients with atrial fibrillation and renal dysfunction. Nat Rev Nephrol 2018;14:337–51.
- Gui Y-Y, Zou S, Yang W-L, Gong S-Z, Cen Z-F, Xie Z-H, et al. The impact of renal function on efficacy and safety of new oral anticoagulant in atrial fibrillation patients: A systemic review and meta-analysis. Medicine (Baltimore) 2019;98:e18205.
- Yao X, Shah ND, Sangaralingham LR, Gersh BJ, Noseworthy PA. Non–Vitamin K Antagonist Oral Anticoagulant Dosing in Patients With Atrial Fibrillation and Renal Dysfunction. Journal of the American College of Cardiology 2017;69:2779–90.
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