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Comment dépister la toxicité cardiaque des thérapies ciblées prescrites dans le cadre de la prise en charge du mélanome

Publié le mardi 31 octobre 2023

Pierre-Yves Courand

Pr Pierre-Yves Courand
Fédération de cardiologie Croix-Rousse Lyon Sud, IMMUCARE,
Hospices Civils de Lyon, CREATIS, Université Claude Bernard Lyon 1
Lyon

Le mélanome, dans sa forme avancée, reste un des cancers de plus mauvais pronostic. Les thérapies ciblées et l’immunothérapie (anti-PD1 et anti-CTLA4) ont récemment permis de moduler le devenir des patients. En cas de mutation BRAF V600, les thérapies ciblées par inhibiteurs de BRAF (rapidly accelerated fibrosarcoma B-type) et de MEK (mitogen-activated extracellular signal-regulated kinase) sont indiquées en première intention : dabrafenib, vemurafenib, encorafenib et trametinib, binimetinib, cobimetinib respectivement. Ces thérapies ciblées sont prises par voie orale au long cours si les effets secondaires sont acceptables.

La cardiotoxicité habituellement décrite sous inhibiteurs de BRAF et MEK comportent la dysfonction systolique du VG, l’allongement de l’intervalle QT et l’hypertension artérielle. La fréquence de la dysfonction systolique du VG dans les études cliniques randomisées varie de 2 à 12%. Nous ne disposions à l’heure actuelle que peu de données de vie réelle. Les recommandations récentes cardio-oncologique de l’ESC proposaient de stratifier le risque et de décrire la cardiotoxicité selon les nouveaux critères HFA/ICOS.

L’article de Claire Glen et coll. décrit une cohorte de 63 patients traités par inhibiteurs de BRAF et de MEK avec une surveillance systématique en échocardiographie à un mois du début du traitement puis tous les 3 mois. Cette attitude était celle réalisée habituellement avant les nouvelles recommandations de l’ESC qui proposaient une surveillance ajustée à la stratification du risque de chaque patient. Les auteurs ont observé des dysfonctions systoliques asymptomatiques du VG « modérées » pour 11 patients (soit 17%, correspondant à une diminution relative ≥15% du strain longitudinal global avec une FEVG restant ≥50%) et « moyennes » pour 6 patients (soit 10%, correspondant à une altération de la FEVG entre 40 et 49% associée à une diminution de la FEVG ≥10% ou ≥15% du strain longitudinal global). Il n’a pas été noté de de cas avec altération sévère de la fonction systolique (FEVG <40%) ou d’insuffisance cardiaque symptomatique (cf. Figure 1). Seulement 2 patients ont gardé une FEVG <50% au cours du suivi. La stratification du risque de cardiotoxicité selon les critères HFA/ICOS n’a pas permis de prédire la population à risque de dysfonction systolique du ventricule gauche, puisque la majorité des patients développant la cardiotoxicité était classé dans des groupes à risque bas ou modéré. Les 2 critères qui semblaient être prédictif de dysfonction systolique du VG était le diamètre non indexé télésystolique et télédiastolique du VG. La diminution du GLS semble être assez précoce, essentiellement observée à un mois du début du traitement, tandis que la baisse de la FEVG peut apparaître au-delà de 4 mois après l’instauration du traitement.  La plupart des patients n’avaient pas reçu d’introduction de traitement cardiotrope (IEC, béta-bloquant) en cas d’apparition de cardiotoxicité. Le suivi des patients n’ayant duré que 1 an, il est difficile de pouvoir tirer des conclusions sur le pronostic cardiaque au long cours, ce d’autant que la mortalité oncologique serait probablement compétitive.

Ces données démontrent que les dysfonctions systoliques asymptomatiques sous inhibiteurs de BRAF et MEK sont observés chez environ ¼ des patients et surviennent le plus souvent dans les 4 premiers mois. Une surveillance systématique en échocardiographie semble rester approprié en l’absence de classification adéquate du risque par le score HFA/ICOS.

Figure centrale de “Cardiotoxicity of BRAF/MEK inhibitors, a longitudinal study incorporating contemporary definitions and risk scores” Claire Glen et al. JACC Cardiooncology 2023, In Press.

Figure 1 -  “Cardiotoxicity of BRAF/MEK inhibitors, a longitudinal study incorporating contemporary definitions and risk scores” Claire Glen et al. JACC Cardiooncology 2023, In Press.

 

Référence

  1. Cardiotoxicity of BRAF/MEK inhibitors, a longitudinal study incorporating contemporary definitions and risk scores” Claire Glen et al. JACC Cardiooncology 2023, In Press.

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Nouveautés en cardio-oncologie, un an après les recommandations ESC 2022"

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