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L'antiagrégant plaquettaire ticagrelor associé à un risque accru d'apnées centrales du sommeil
Publié le jeudi 20 septembre 2018
PARIS, 18 septembre 2018 (APMnews) - L'anti-agrégant plaquettaire ticagrelor (Brilique, AstraZeneca) est associé à un risque accru d'apnées centrales du sommeil, suggère une étude française dont les résultats ont été présentés lundi au congrès de l'European Respiratory Society (ERS) à Paris.
Le ticagrelor est un antiagrégant plaquettaire indiqué en première ligne, en association avec l'aspirine, dans la prévention des événements athérothrombotiques chez les adultes ayant un syndrome coronaire aigu (SCA) ou des antécédents d’infarctus du myocarde et à haut risque de développer un événement athérothrombotique.
Des cas de dyspnée ont été rapportés chez les patients traités par ticagrelor et c'est un effet indésirable décrit comme très fréquent dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP), qui est dose-dépendant et d'intensité légère à modérée. Les dyspnées disparaissent à l'arrêt du traitement mais, en pratique, elles conduisent rarement à une interruption de traitement, a rappelé Bruno Revol, pharmacien au Centre régional de pharmacovigilance et d'information sur les médicaments (CRPV) du CHU de Grenoble, lors d'une session orale.
Le ticagrelor a également été associé à 4 cas de respiration Cheyne-Stokes avec apnée centrale et hyperpnée, survenant peu après l'initiation du traitement.
Pour mieux apprécier l'association de l'antiagrégant plaquettaire avec les dyspnées et les apnées centrales du sommeil, Bruno Revol et ses collègues ont analysé la base de pharmacovigilance VigiBase de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui rassemble plus de 16 millions de déclarations de cas individuels d'effets indésirables dans 127 pays.
Ils ont recherché tous les cas de dyspnée et d'apnée centrale rapportés chez des patients recevant du ticagrelor et réalisé ensuite une analyse de disproportionnalité pour établir le ratio des cas rapportés par rapport aux non-cas (ROR). Par comparaison, ils ont effectué une analyse similaire avec d'autres antiagrégants plaquettaires.
L'association entre le produit et l'effet indésirable était considéré comme significatif avec au moins 5 cas rapportés et un ROR supérieur à 2, a indiqué Bruno Revol.
Dans VigiBase, 2.665 cas de dyspnée et 28 cas d'apnée du sommeil ont été déclarés chez des patients traités par ticagrelor, avec un ROR de respectivement 8,26 et 4,16.
Ces résultats n'ont pas été retrouvés pour les autres antiagrégants plaquettaires: avec le clopidogrel, le ROR était de 0,64 pour les dyspnées et de 0,55 pour les apnées, avec le prasugrel (Efient, Lilly), le ROR était de respectivement 1,12 et 1,08 et avec l'aspirine, de respectivement 0,96 et 0,57.
Malgré la sous-notification notoire des effets indésirables, un signal significatif de disproportionnalité a été confirmé à la fois pour les dyspnées et les apnées du sommeil avec le ticagrelor, a conclu le pharmacien. Cependant, les données restent insuffisantes pour notamment tenir compte de facteurs potentiels de confusion et procéder aux ajustements appropriés; un recueil prospectif serait nécessaire.
Bruno Revol a par ailleurs apporté un éclairage sur le mécanisme physiopathologique potentiel de ces effets indésirables.
Le ticagrelor agit en bloquant l'activation et l'agrégation plaquettaire dépendantes du récepteur P2Y12. Or, celui-ci est exprimé également dans le système nerveux central et notamment au niveau des commandes centrales de la respiration. Par son action antagoniste du récepteur P2Y12, le ticagrelor pourrait induire un dérèglement de la respiration, favorisant la survenue de dyspnées et d'apnées du sommeil. Cependant, comme le ticagrelor n'est pas connu pour traverser la barrière hémato-encéphalique, il pourrait induire des dyspnées et des apnées du sommeil en agissant sur les fibres nerveuses de type C bronchiques.
Au-delà du mécanisme d'action précis du ticagrelor sur la respiration, les chercheurs s'interrogent sur l'impact à long terme d'une activité sympathique accrue, qui est connue pour être délétère chez les patients avec une maladie cardiaque.
Ces résultats ne remettent pas en question le bénéfice cardiovasculaire du ticagrelor mais suggèrent qu'il faut estimer plus précisément l'incidence des apnées centrales du sommeil, même si elles semblent rares, leur persistance ou non et leurs conséquences potentielles, a ajouté Bruno Revol.
Après avoir alerté les cardiologues par une lettre publiée dans le Journal of the American College of Cardiology (JACC) rapportant ces données, l'équipe du CRPV du CHU de Grenoble a souhaité sensibiliser la communauté des pneumologues à la possible implication du ticagrelor face à des cas de dyspnée ou d'apnées centrales du sommeil.
Source : APM International
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