La prévalence de l'hypertension artérielle en France revue un peu à la baisse

Publié le mardi 16 mai 2023
dans
APM news

SAINT-MAURICE (Val-de-Marne), 16 mai 2023 (APMnews) - La prévalence de l'hypertension artérielle (HTA) en France, qui s'établit à près de 30%, a été quelque peu surestimée lors des précédentes enquêtes qui ne prenaient pas en compte la variabilité intra-individuelle de la pression artérielle, selon de nouvelles analyses publiées mardi par Santé publique France (SPF) dans son Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH).

Les auteurs ont compilé les dernières données épidémiologiques françaises sur l'HTA afin d'en dresser un panorama à l'occasion de la journée mondiale de l'HTA, fixée au 17 mai. Ils ont utilisé pour cela essentiellement les données de l'enquête en population générale Esteban réalisée en 2014-2016 en France métropolitaine, outre celles du baromètre de SPF 2019, d'une enquête auprès d'un panel de médecins généralistes et du système national des données de santé (SNDS).

L'étude Esteban "répondait aux critères de représentativité et disposait d'une mesure standardisée de la pression artérielle pour l'identification des patients hypertendus", soulignent les auteurs. Mais l'estimation de la prévalence de l'HTA est plus complexe car elle doit prendre en compte la variabilité intra-individuelle de la PA, à travers plusieurs mesures et non une mesure unique.

Les chercheurs ont donc corrigé les données précédentes en utilisant une source de données externe et en appliquant un modèle hiérarchique bayésien pour estimer les différents composants de la variabilité de la pression systolique et diastolique.

Avec ces calculs, ils parviennent à une prévalence corrigée de l'HTA dans Esteban de 27,9%, au lieu de 31,3% initialement.

Le nombre d'hypertendus en France peut ainsi être estimé, à partir des données de l'Insee de population, à 12,7 millions d'adultes entre 18 et 74 ans.

Sur l'ensemble de la population de plus de 18 ans, en extrapolant la prévalence de l'HTA chez les plus de 74 ans par projection de la prévalence chez les 65-74 ans aux classes d'âge supérieures, ce sont 17 millions d'adultes qui seraient concernés par l'HTA en France.

Après correction toujours, 60,3% des hypertendus avaient connaissance de leur hypertension (56,3% avant correction), 54,9% étaient traités (49,0% avant correction) et 54,9% des hypertendus traités étaient contrôlés (49,7% avant correction). Au total, ce sont 30% des hypertendus (traités et non traités) qui étaient contrôlés (24% avant correction). Les hypertendus avaient en moyenne 10 consultations par an chez le généraliste -toutefois le motif de consultation n'était pas connu dans l'étude.

Bien que les chiffres paraissent meilleurs après correction, ils continuent de refléter une prise en charge sous-optimale malgré un recours aux soins important: 93% des hypertendus ayant connaissance de leur maladie avaient eu au moins une consultation chez le médecin généraliste dans l'année et 11,4% chez le cardiologue.

"[Le] déficit de dépistage en France devrait interroger sur la nécessité d'une promotion de la mesure de la pression artérielle dans toute visite avec un professionnel de santé, sur l'importance de l'information et de l'éducation à la santé données au public et sur la nécessité d'un suivi tensionnel rapproché en cas de mesure élevée", suggèrent les auteurs.

En outre, 57% des patients hypertendus connus n'avaient pas reçu de conseils hygiéno-diététiques au cours de l'année précédente.

L'enquête auprès des médecins généralistes indique que moins de la moitié se sentent impliqués dans la prévention nutritionnelle de la surcharge pondérale, de la sédentarité et de la consommation d'alcool.

Par ailleurs, selon les données du SNDS de 2019, plus de 1,6 million d'adultes ont initié un traitement anti-hypertenseur cette année-là, mais moins d'un patient hypertendu sur deux recevait un traitement pharmacologique. Ce taux est "très inférieur" aux autres pays européens, et il existe en outre une disparité entre hommes et femmes.

L'inertie thérapeutique à l'origine du mauvais contrôle de l'HTA?

L'inertie thérapeutique pourrait expliquer le mauvais taux de contrôle de l'hypertension, puisque 60% des patients traités étaient en monothérapie, recommandée en première intention mais qui doit être réévaluée au bout d'un mois.

Près d'un patient sur cinq recevait un bêta-bloquant "alors que les recommandations françaises de la Haute autorité de santé (HAS) et de la Société française d'hypertension artérielle (SFHTA) précisaient leur moindre efficacité par rapport aux quatre autres classes d'antihypertenseurs (inhibiteurs de l'enzyme de conversion, antagonistes de l'angiotensine II, inhibiteurs calciques et diurétiques) pour l'initiation d'un traitement en monothérapie".

Seuls 40% des hypertendus connus et traités dans l'étude Esteban pouvaient être considérés comme observants, avec au moins 80% de jours de l'année couverts par un traitement anti-hypertenseur.

Environ un Français sur cinq disposait d'un appareil d'automesure tensionnelle à son domicile en 2015 selon l'étude Esteban. Ils étaient 54% à en disposer parmi les hypertendus connus et 59% parmi les hypertendus connus et traités. Dans le Baromètre 2019, plus de 60% des adultes avec une hypertension connue possédaient un appareil d'automesure tensionnelle.

Seul un hypertendu sur deux possédant un appareil transmettait les résultats à son médecin traitant.

Recul du dépistage et de la prise en charge pendant la crise sanitaire

Par ailleurs, l'initiation des traitements anti-hypertenseurs a significativement diminué en 2020 de 11% par rapport à la période 2017-2019, comme cela a été observé pour les autres traitements du risque vasculaire. La baisse était plus importante chez les femmes que chez les hommes, et n'a pas été rattrapée en 2021 chez les femmes, contrairement aux hommes. Il y a eu parallèlement une baisse des visites chez le médecin généraliste et le cardiologue.

"Ces résultats, qui montrent un recul du dépistage et de la prise en charge de l'HTA en France pendant la crise sanitaire, soulignent la nécessité de renforcer l'information du public concernant la prévention cardiovasculaire et l'importance de ne pas renoncer à recourir aux soins de ville, notamment pour les femmes", commentent les auteurs.

Ils concluent que "l'HTA est un enjeu important de santé publique" et que "des politiques de santé en faveur de la prévention primaire de l'HTA, de son dépistage, et de sa prise en charge doivent être mises en place rapidement pour permettre, comme dans d'autres pays, une évolution favorable des indicateurs épidémiologiques de la maladie chronique la plus fréquente et de ses complications cardiovasculaires".

Une autre étude réalisée à partir des données du baromètre de SPF Drom 2021, menée sur plus de 6.500 personnes, établit la prévalence de l'HTA dans les départements et régions d'outre-mer (Drom) à 31,5% en Martinique, 29,9% en Guadeloupe, 22,7% en Guyane et 20,8% à La Réunion.

La prévalence était plus élevée chez les femmes dans chaque Drom, la proportion de patients traités par un médicament antihypertenseur parmi les adultes se déclarant hypertendus dépassait les 80% comme en métropole, mais davantage d'hypertendus déclaraient avoir eu des conseils pour modifier leur mode de vie dans les Drom (entre 65% et 73% contre 58,5% en métropole).

(BEH n°8, 16 mai 2023, p130-138 et 138-147)

Source: APMnews

Tags:  Vasculaire Vasculaire

Dépêche précédente

La dépression prénatale associée à une augmentation du risque cardiovasculaire post-partum

Dépêche suivante

Fibrillation atriale : des données cliniques en faveur de la prise rapide d'anticoagulants oraux lors d'un AVC ischémique

0 commentaire — Identifiez-vous pour laisser un commentaire