Rôle et métabolisme du fer dans l’organisme
Pr Jean-Michel Tartière
Service de cardiologie
Médecin Coordonnateur FIL-EAS ic (FILière d’Accompagnement et d’Evaluation dans le parcours de Soin de l’insuffisant cardiaque)
Hôpital Sainte Musse
Toulon
La majeure partie du fer corporel est contenue dans l'hémoglobine présente dans les érythrocytes (2 500 mg), et une grande partie du fer restant est contenu dans la myoglobine (130 mg) et les enzymes (150 mg), le fer excédentaire étant stocké dans le foie.
Les 0.1 % du fer corporel total contenu dans le plasma sont liés à la transferrine. Sous cette forme, le fer peut être apporté aux tissus en se liant au récepteur de la transferrine.
Au niveau cellulaire, le fer est essentiel à de nombreuses fonctions, dont la synthèse et la réparation de l'ADN, l'activité enzymatique, la fonction mitochondriale et la production et la fonction des neurotransmetteurs1.
Il intervient dans la constitution de l'hémoglobine assurant les échanges d'oxygène et de gaz carbonique avec le milieu extérieur ; dans la constitution de la myoblogine (forme de réserve de l'oxygène musculaire) ainsi que dans de nombreuses réactions enzymatiques.
Dans le corps humain, le fer joue donc un rôle, non seulement dans le transport de l'oxygène, mais aussi au niveau des muscles squelettiques, de la glande thyroïde, du système nerveux central, ainsi que sur la fonction immunitaire2.
A- Les sources de fer de l’organisme et leur métabolisme
Le fer plasmatique est rapidement renouvelé et provient principalement du fer extrait par les cellules macrophagiques des globules rouges sénescents. Une plus petite quantité provient de l’alimentation1.
Ces deux voies, macrophagique et alimentaire, font l’objet d’une régulation spécifique ayant pour médiateur l’hepci.
Les pertes cutanées et digestives sont négligeables, les pertes gynécologiques venant toutefois se rajouter chez la femme. Ces pertes sont habituellement compensées par les apports alimentaires.
De plus, en l’absence de mécanisme d’excrétion du fer, tout apport ferrique exogène trop important est susceptible d’entrainer un stockage inadapté dans les tissus.
Le fer «érythrocytaire recyclé »
Les érythrocytes sénescents participent au recyclage du fer. Ces érythrocytes sont phagocytés par les macrophages tissulaires qui permettent le catabolisme de l’hème et la mise à disposition de fer.
De faibles quantités de fer héminique (hème et hémoglobine) sont également parfois présentes dans la circulation (en particulier en cas d’hémolyse) et l'hémopexine comme l'haptoglobine, en se liant respectivement à ces deux molécules, vont permettre leur catabolisme macrophagique.
Des récepteurs membranaires macrophagiques spécifiques permettent la captation des complexes formés. Le fer héminique est alors récupéré en même temps que l'hème, cette dernière étant catabolisée par l’enzyme hème oxygénase (HO1).
Au niveau intracellulaire, Le fer est alors stocké par la ferritine avant d’être exporté dans le plasma par l’intermédiaire du canal spécifique qu’est la ferroportine. La fonction d’export de fer de la ferroportine est couplée à une activité ferroxydase permettant une nouvelle transformation du fer ferreux (Fe2+) en fer ferrique (Fe3+).
Ce fer ferrique est couplé à une molécule de transferrine (2 Fe3+ pour une transferrine) ou sidérophiline produite au niveau hépatique. La transferrine permet le transport plasmatique du fer et son acheminement aux secteurs consommateurs. Le dosage de la transferrine permet le calcul de deux valeurs que sont :
- la capacité totale de fixation (ou de saturation) en fer de la transferrine (CTFT) (µmol/L), correspondant à la quantité maximale de fer qui pourrait se fixer à la transferrine ;
- et le coefficient de saturation en fer de la transferrine (CST) informant sur la capacité de transport et de livraison du fer aux cellules utilisatrices.
Le fer « alimentaire »
L’absorption du fer contenu dans le bol alimentaire quotidien se fait au niveau duodénal et jéjunal supérieur. Le fer ferreux, contenu dans la plupart des préparations orales (Fe2+) ou dans certains aliments comme la viande, est directement absorbé par le transporteur DMT1 (Divalent Metal Transporter 1) au niveau de l’entérocyte formant la muqueuse intestinale.
Le fer non hémique, dit ferrique (Fe3+), majoritaire dans l’alimentation, présent par exemple dans les fruits et légumes, est moins bien absorbé et nécessite une réduction enzymatique effectuée au niveau de ces mêmes entérocytes, afin d’être transformé en fer ferreux et absorbé par l’intermédiaire du transporteur DMT1.
Le fer est là encore lié à la ferritine au niveau cellulaire. Ce pool de ferritine représente d’ailleurs bien la quantité de fer disponible au niveau cellulaire (en dehors des circonstances inflammatoires). Ces réserves intra cellulaires sont évaluables par le dosage de la fraction soluble de la ferritine, dans le plasma. Ce fer intra cellulaire est alors exporté vers le plasma par l’intermédiaire de la ferroportine, localisée au pôle basolatéral cellulaire.
La fonction d’export de fer de la ferroportine est couplée là encore à l’activité ferroxydase de l’héphaestine permettant une nouvelle transformation du fer ferreux (Fe2+) en fer ferrique (Fe3+). Dans le plasma, le fer ferrique est couplé à une molécule de transferrine (2 Fe3+ pour une transferrine) permettant le transport et la livraison du fer aux cellules utilisatrices.
B - Voie de principale régulation : l’hepcidine
L'homéostasie du fer systémique est principalement sous la dépendance d’une hormone d’origine hépatique, l’hepcidine. L'hepcidine a pour principal effet de contrôler le transport membranaire du fer par l’intermédiaire d’une action sur les ferroportines ou les DMT1, en contrôlant ainsi l’exportation du fer vers le plasma, en particulier par les macrophages, les entérocytes duodénaux, ainsi que par les hépatocytes. En réponse à la fois à la charge en fer et à la signalisation immunitaire, l'hepcidine est régulée à la hausse par la voie BMP/SMAD et la voie inflammatoire de l’IL-6, respectivement.
Au cours d'une carence absolue en fer (ferritine basse et CST bas), ou lors de périodes de demande accrue en fer, la suppression de la transcription de l'hepcidine régule à la hausse l'absorption et le recyclage du fer pour optimiser l'apport en fer. En réponse à cette carence, le rein produit de l'érythropoïétine, qui stimule l'érythropoïèse. Dans ce même contexte, les cellules érythroïdes (érythroblastes et érythrocytes) donnent du fer par l'intermédiaire de la ferroportine afin de maintenir les niveaux de fer plasmatique et de protéger les érythrocytes contre le stress oxydatif.
Au cours d'une situation pro-inflammatoire (infections, maladies de système, pathologies chroniques cardio-réno-vasculaires), l'augmentation des concentrations d'hepcidine et la réduction de la transcription de la ferroportine limitent l'approvisionnement en fer du plasma, ce qui entraîne une carence martiale fonctionnelle (ferritine normale ou haute et CST bas), alors même que le contenu cellulaire en fer est normal.
Une disponibilité réduite du fer pour la production de globules rouges provoque une érythropoïèse déficiente en fer qui se manifeste par une hypochromie, une microcytose et finalement une anémie. Dans ce dernier cas particulier, les voies d’absorption du fer (DMT1) étant non fonctionnelles, la majoration des apports alimentaires ou la supplémentation passant par les entérocytes n’est pas évidemment pas efficace.
Bibliographie
- Pasricha SR, Tye-Din J, Muckenthaler MU, Swinkels DW. Iron deficiency. Lancet 2021; 397: 233–48.
- von Haehling S, Ebner N, Evertz R, Ponikowski P, Anker SD. Iron Deficiency in Heart Failure. An Overview. JACC Heart Fail. 2019 Jan;7(1):36-46
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Actualité de l'insuffisance cardiaque, situations particulières dans l'IC"