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Endocardite marastique : quel rôle pour l’Imagerie Multi Modalité ?

Publié le mardi 31 octobre 2023

François Deharo

Dr François Deharo
Hôpital Nord,
Marseille

Rationnel 

Les endocardites non infectieuses, aussi nommées endocardites marastiques (EM) ou endocardites thrombotiques non bactériennes (NBTE) sont caractérisées par des dépôts fibrino-plaquettaires sans agent infectieux sur les valves cardiaques. Elles sont le plus souvent associées aux cancers mais peuvent être causées par d’autres étiologies telles que des maladies auto-immunes (lupus, maladie de Behcet, sclérodermie etc).[1]

Bien que des études descriptives récentes [2],[3] aient fourni de nombreuses informations sur l'approche diagnostique et thérapeutique des EM, elles n'ont pas étudié spécifiquement celles associées aux cancers. Elles représentent pourtant une étiologie de plus en plus rencontrée avec l'amélioration du pronostic des patients atteints de cancer. Ainsi dans cette étude récemment publiée dans l’European Heart Journal Cardiovascular Imaging [4], nous avons voulu évaluer le rôle de l’imagerie multimodale (IMM) dans le diagnostic des EM associées aux cancers et décrire les caractéristiques cliniques, la prise en charge et le pronostic de ces patients.

Méthodologie

Entre 2011 et 2021, tous les patients (>18 ans) admis dans quatre centres tertiaires pour le traitement d'une endocardite en France et en Belgique avec un diagnostic d'EM associées à un cancer ont été inclus dans cette étude observationnelle rétrospective multicentrique.

L'EM était suspectée devant des anomalies écho-cardiographiques qui incluaient un nouvel épaississement, une dysfonction et/ou des végétations valvulaires. Les patients avec un diagnostic d’endocardites infectieuses (EI) selon les recommandations étaient exclus.[5]

Pour confirmer les EM associées au cancer, les patients devaient avoir un cancer connu ou diagnostiqué au moment de l'hospitalisation secondaire à l’endocardite.

Principaux résultats 

Entre 2011 et 2021, 47 patients avec un diagnostic d'EM ont été inclus. L'âge moyen était de 65 (+/- 11 ans). L’échographie cardiaque a été réalisée dans 100% des cas, le scanner corps entier chez 42 patients (89%) et la tomographie par émission de positrons au 18F -FDG (18F -FDG PET/CT) chez 30 patients (64%).  L’EM est survenue dans 43 cas (91%) sur valve native. Aucun patient ne présentait de fixation valvulaire à la 18F -FDG PET/CT. Les valves gauches étaient plus fréquemment atteintes (42 patients, 89%) avec au premier rang la valve aortique (34 patients, 73 %).  22 patients (46 %) avaient un cancer connu avant l'EM et 25 patients (54 %) ont été diagnostiqués grâce à l'utilisation de l’IMM. La 18F -FDG PET/CT a permis un nouveau diagnostic de cancer chez 14 patients (30%). Les embolies systémiques étaient fréquentes (40 patients, 85% des cas). 41 patients (87 %) ont été traités médicalement par anticoagulation curative, par héparine le plus souvent (33 patients, 70%). La mortalité à un an était de 55% (26 patients).

Perspectives 

Cette étude, évaluant notamment le rôle de l’IMM, fournit des informations importantes. En cas de suspicion d'EM, l'IMM peut aider à distinguer les EM des EI. En effet, la combinaison de l'échocardiographie retrouvant des végétations souvent petites (< 1 cm de diamètre), à bases larges et de formes irrégulières le long des zones de coaptation sans destruction du tissu valvulaire, du scanner corps entier permettant d’écarter les complications en faveur de l'EI et de la 18F -FDG PET/CT ne montrant pas de fixation valvulaire pourrait aider à orienter vers le diagnostic d’EM. D'autre part, l'utilisation systématique du scanner corps entier et de la 18F -FDG PET/CT dans ce contexte pourrait permettre le diagnostic de cancers non connus (plus de 50% des cancers dans cette étude) et ainsi améliorer le pronostic par un diagnostic plus précoce.

Références

  1. el-Shami K, Griffiths E, Streiff M. Nonbacterial thrombotic endocarditis in cancer patients: pathogenesis, diagnosis, and treatment. The Oncologist 2007;12:518–23. https://doi.org/10.1634/theoncologist.12-5-518
  2. Zmaili MA, Alzubi JM, Kocyigit D, Bansal A, Samra GS, Grimm R, et al. A Contemporary 20-Year Cleveland Clinic Experience of Nonbacterial Thrombotic Endocarditis: Etiology, Echocardiographic Imaging, Management, and Outcomes. Am J Med 2021;134:361–9. https://doi.org/10.1016/j.amjmed.2020.06.047
  3. Quintero-Martinez JA, Hindy J-R, El Zein S, Michelena HI, Nkomo VT, DeSimone DC, et al. Contemporary demographics, diagnostics and outcomes in non-bacterial thrombotic endocarditis. Heart 2022:heartjnl-2022-320970. https://doi.org/10.1136/heartjnl-2022-320970
  4. Deharo F, Arregle F, Bohbot Y, et al. Multimodality imaging in marantic endocarditis associated with cancer: a multicentric cohort study Epub . Eur Heart J Cardiovasc Imaging. 2023
  5. Habib G, Lancellotti P, Antunes MJ, Bongiorni MG, Casalta J-P, Del Zotti F, et al. 2015 ESC Guidelines for the management of infective endocarditis: The Task Force for the Management of Infective Endocarditis of the European Society of Cardiology (ESC). Endorsed by: European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS), the European Association of Nuclear Medicine (EANM). Eur Heart J 2015;36:3075–128. https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehv319

 

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