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Une stratégie d'arrêt de durée limitée des anticoagulants oraux directs lors d'une chirurgie efficace et sûre

Publié le jeudi 6 décembre 2018

(Par François BOISSIER, au congrès de l'ASH)

SAN DIEGO (Californie), 5 décembre 2018 (APMnews) - Une stratégie d'arrêt de durée limitée des anticoagulants oraux directs (AOD) lors d'une intervention chirurgicale permet de préserver l'efficacité préventive tout en limitant le risque hémorragique, a montré l'étude PAUSE dont les résultats ont été présentés mardi lors de la session "Late Breaking abstracts" du congrès de l'American Society of Hematology (ASH) à San Diego.

Les AOD sont désormais largement utilisés comme traitement anticoagulant au long cours chez les patients présentant une fibrillation atriale (FA). Mais ces patients nécessitent fréquemment de subir des interventions chirurgicales, au cours desquelles les anticoagulants pourraient majorer le risque de saignement, et nécessitent donc d'être interrompus. Chaque année, environ un patient en FA sur 6 a une opération.

Or, contrairement aux anciens anticoagulants oraux anti-vitamine K pour lesquels on dispose de protocoles d'interruption, pour les AOD il n'y a pas de recommandation claire acceptée par tous, a expliqué James Douketis de l'université McMaster à Hamilton au Canada. En fait chaque société savante (ASRA, ESRA, GIHP, AHA) a fait des recommandations différentes !

"Il y a des incertitudes sur l'attitude à avoir en péri-opératoire: quand interrompre l'AOD ? Quand le reprendre ? Un relais par l'héparine est-il nécessaire ? Faut-il mesurer la coagulation dans la période péri-opératoire ?", a-t-il noté.
L'objectif de l'étude PAUSE était donc de valider une procédure simple d'interruption des AOD, qui ne ferait pas prendre de risque aux patients opérés.

Les auteurs de cette étude ont supposé qu'il devrait être possible de n'arrêter l'AOD que durant une journée avant l'opération et de le reprendre dans la journée suivant l'intervention pour les chirurgies à faible risque hémorragique, ou d'arrêter deux jours avant et de reprendre deux jours après pour celles à plus fort risque.

La seule exception était le dabigatran chez les patients ayant une fonction rénale diminuée: arrêt 2 jours avant pour les chirurgies à faible risque et 4 jours avant pour celles à risque élevé (les jours de reprise restaient les mêmes).
Les procédures à faible risque étaient les cures de hernie ainsi qu'une intervention non chirurgicale: la coloscopie. Les procédures à haut risque étaient les chirurgies oncologiques, cardiaques et orthopédiques.

L'étude a inclus 1.257 patients traités par apixaban (Eliquis, Bristol-Myers Squibb/Pfizer), 668 par dabigatran (Pradaxa, Boehringer Ingelheim) et 1.082 par rivaroxaban (Xarelto, Bayer).

Les chercheurs ont mesuré les concentrations des AOD le jour de la chirurgie: dans plus de 90% des cas pour les interventions à faible risque et dans près de 99% des cas pour celles à haut risque, les médicaments étaient indétectables.
En termes d'efficacité, l'arrêt de l'AOD n'a pas conduit à un surrisque thrombo-embolique artériel. Alors que le risque prévisible avait été estimé à 0,5% des patients, on était en-dessous avec deux molécules: à 0,16% pour l'apixaban, à 0,37% pour le rivaroxaban. Le dabigatran était très légèrement au-dessus: 0,6%.

Concernant le risque de saignement majeur, un taux de 1% avait été postulé. On était au-dessus pour l'apixaban (1,35%) et le rivaroxaban (1,85%), mais ces niveaux restaient modestes. Et on était en-dessous (0,9%) avec le dabigatran.
Ainsi, "une procédure de gestion péri-opératoire des AOD simple, standardisée, qui évite le relais par l'héparine et la mesure pré-opératoire de la coagulation, est associée à de faibles taux de saignements majeurs (moins de 2%) et de thrombo-embolies artérielles (moins de 1%)", s'est félicité James Douketis.

"J'espère que cette étude fournira les bases pour un nouveau standard de prise en charge simple et sûre qui constituera un guide pouvant être utilisé dans toutes les disciplines médicales".

Par ailleurs, interrogé lors d'une conférence de presse sur l'intérêt des "antidotes" aux AOD qui ont été développés pour réverser très rapidement leur effet anticoagulant, le spécialiste a répondu que ce n'était pas le même contexte: les antidotes sont à utiliser dans des situations d'urgence où l'on n'a pas pu arrêter le traitement à l'avance, alors que l'étude PAUSE s'intéressait aux patients subissant une chirurgie programmée.

Source : APM International

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